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merce, ne donne que le profil et semble avoir été fait à la hâte. Ne serait-il pas souhaitable pour l'honneur de l'art et pour le culte de l'amitié que le portrait d'Overbeck par Gaspard Hauser fût popularisé, assuré contre les chances de destruction qui menacent sans cesse une œuvre unique, par une intelligente gravure? Que j'aimerais à voir un tel travail confié à la maestria de Calamatta, au burin ferme et délicat de Flameng! C'est à vous, Monsieur, qu'il appartiendrait de prendre cette heureuse initiative, et ainsi, par la plus flatteuse en même temps que la plus durable des réparations, de mettre un terme à cette longue et bizarre injustice du sort qui a pesé jusqu'ici sur l'œuvre et sur le nom de Gaspard Hauser.

Je vous quitte en formant ce vou; ce ne sera pas, toutefois, sans vous exprimer encore la gratitude de l'auteur des Esquisses et l'espérance qu'il nourrit de convertir aisément à l'admiration du Faust de Goethe, cette Divine Comédie du XIXe siècle, un esprit aussi vivement touché que le vôtre des beautés de la Divine Comédie de Dante.

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L'ICONOGRAPHIE ESPAGNOLE

DE M. VALENTIN CARDERERA

Le jour où s'ouvrit à Londres l'Exposition universelle de 1851, une chose nous frappa, qui ne sortira plus de notre mémoire. Nous parcourùmes d'abord la grande nef de ce temple diaphane: c'était comme un abrégé de l'univers industriel. On y avait étalé des merveilles éblouissantes, parmi lesquelles se trouvaient quelques morceaux de sculpture, car cette fois les arts n'étaient qu'une annexe de l'industrie. Nous entrâmes ensuite dans les chapelles latérales consacrées aux diverses nations de la terre. L'Inde et la Chine avaient envoyé là de véritables prodiges, des tissus travaillés par la main des fées, des porcelaines impondérables. L'Amérique avait exhibé de terribles machines, des modèles de paquebots, des variantes de locomotives, des hélices, que sais-je?... Les peuples de l'Europe avaient mêlé une certaine grâce à l'utile. Il était curieux de voir la positive Angleterre s'essayer elle-même aux enjolivements du confortable, fabriquer séance tenante des enveloppes gommées, délicatement ornées de leurs timbres-poste. La Hollande était fière de ses papiers. L'Allemagne faisait la joie des enfants par ses joujoux et ses verreries de couleur. L'Italie, faute de sculpture, avait présenté des marbres de Carrare. La frileuse Russie exposait des fourrures, et la Turquie paresseuse, des tapis. La France s'annonçait dès l'entrée par une corbeille de fleurs artificielles, à tromper les oiseaux de Zeuxis... Enfin venait l'Espagne... Ah! ceux qui se plaignent que la couleur locale s'en va de partout, ceux-là auraient été satisfaits. Autour d'une grande chambre assez nue, étaient rangés des barils de tabac, dans lesquels chacun des visiteurs avait la liberté de puiser une prise. Quelques oranges étaient là pour désaltérer la vue, et des laines mérinos, entassées dans des caisses, attendaient le manufacturier. Au beau milieu de la chambre était dressé une sorte de piédestal, sur lequel était posé un objet qu'on ne devinerait pas en mille... une guitare!

Toute l'Espagne était donc présente, toute la vieille Espagne de Gil Blas; et à voir cette sublime indifférence pour le travail, on se sentait honteux d'avoir admiré tant d'inutiles efforts. L'Espagne semblait dire, comme le philosophe : « Que de choses dont je puis me passer!... Une cigarette pour la rêverie, une orange pour la soif, une guitare pour soupirer l'amour sous les fenêtres, voilà tout ce qu'il me faut. » Et, dans le fond de notre âme, nous disions à notre tour: « Celle-là est comme Marie, elle a pris la meilleure part. »

Cependant, l'Espagne commence maintenant à se mettre à l'unisson: elle se bat vaillamment contre les Mores, comme au temps jadis; elle trace des chemins de fer et perce des tunnels; elle regarde fumer, non plus des cigarettes seulement, mais des locomotives. Enfin, à l'exemple de la France, elle compulse les vieilles chartes, elle étudie le passé, elle s'enquiert de la vieille histoire nationale, elle se souvient qu'il y eut un art espagnol. Mais tout cela n'est, pour le moment, qu'à l'état d'embryon. En fait d'art, il n'y a qu'un homme encore, à notre connaissance, qui s'en occupe à fond; mais celui-là, pour le savoir, pour l'intelligence, pour le sentiment et la passion de l'art, celui-là en vaut dix. Cet homme, c'est M. Valentin Carderera. Artiste, amateur, archéologue, il dessine les monuments qu'il explore, et il possède quantité de morceaux curieux que personne ne lui a disputés, parce que personne n'en comprenait comme lui la valeur. Sans lui, nous aurions eu beaucoup de peine à trouver un correspondant à Madrid, et ce correspondant, ce sera lui-même. Mais en attendant que M. Carderera entretienne nos lecteurs de Goya et de Velasquez, de Madrazo et de Berruguete, nous devons leur faire connaître le grand et bel ouvrage qu'il vient de publier, et qui marque en Espagne un éclatant retour à l'étude des arts espagnols. Nous nous reposons de ce soin sur notre collaborateur, M. Burty.

CHARLES BLANC.

L'histoire de l'art espagnol semble se résumer en France dans celle de quelques maîtres illustres. Les grands noms d'Herrera le Vieux, d'Alonzo Cano, de Ribera, de Velasquez et de Murillo sont à peu près les seuls, avec ceux de quelques-uns de leurs élèves, qui aient franchi les Pyrénées, pour nous dire la gloire de cette école, et les Espagnols euxmêmes ignorent tout ce que le moyen âge et la Renaissance ont laissé de belles choses dans les couvents ou dans les villes de l'Espagne.

Reconstruire l'art de son pays, à l'aide des monuments échappés à

l'indifférence du peuple, aux réactions politiques, aux excès d'un vandalisme brutal, et aux injures du temps, plus brutal et plus capricieux encore, tel est le but que M. Valentin Carderera poursuit, depuis trente ans, au milieu des fortunes les plus diverses. Ce qu'il y a de noble et d'élevé dans cette entreprise, à la fois nationale et cosmopolite, on en peut juger par les premières livraisons de l'Iconographie espagnole', et bien que ce grand ouvrage n'en soit encore qu'à son début, nous tenons à honneur d'en parler dès aujourd'hui aux lecteurs de la Gazette des Beaux-Arts.

Disons tout d'abord que c'est au prix de fatigues inouïes, à l'aide d'une patience inépuisable, que M. Carderera a pu dessiner, quelquefois sous le marteau même des démolisseurs ou des fanatiques, des monuments dont la plupart ont aujourd'hui fatalement disparu 2. Plus d'une fois, comme le baron Denon pendant l'expédition d'Égypte, notre artiste archéologue a dû interrompre un croquis pour répondre à un coup de feu.

L'histoire de l'art n'est point seule intéressée à cette publication, et l'histoire générale pourra maintenant puiser avec toute confiance à des sources contrôlées par un esprit érudit et perspicace. Chaque jour, des auteurs scrupuleux de la vérité historique, des lecteurs qui aiment à chercher dans les traits de leur héros un reflet de son âme ou de son intelligence, demandaient à l'Espagne les portraits authentiques de ses grands capitaines ou de ses écrivains célèbres. Il fallait toujours les renvoyer à des images de pure convention, sans aucun intérêt par elles

4. Iconographie espagnole, ou Collection de portraits, de statues et monuments funéraires inédits des rois, reines, grands capitaines, écrivains et autres personnages de l'Espagne, depuis le XIe siècle jusqu'au XVII, recueillis et dessinés par Valentin Carderera, peintre honoraire de la reine d'Espagne, membre des Académies royales de Saint-Ferdinand, de l'Histoire de Madrid, etc., etc., accompagnée d'un texte par le même auteur. A Madrid, à Londres, chez les principaux éditeurs d'estampes, et à Paris, chez Legoupil, boulevard de la Madeleine.

2. A propos d'une statue funéraire de don Diego de Villamayor, qu'il avait dessinée en 1836, sur le tombeau de ce personnage, dans le couvent de Benevivere, M. Carderera dit : « Ce monument tombe aujourd'hui en poussière, à côté de plusieurs autres sur lesquels on observe encore des restes de belles et curieuses sculptures, et qui se trouvent dans un état de détérioration complète depuis la dernière révolution, époque à laquelle le monastère a été abandonné. » Et cependant cette statue, aussi intéressante pour les détails archéologiques du costume que pour les restes de coloration qui donnaient les tons précis des vêtements, était un des rares monuments de la fin du XIIe siècle espagnol, montrant combien, à cette époque, étaient encore sensibles dans l'ensemble les traits principaux du vêtement romain, à peine altéré chez les personnages riches par la fréquentation des chefs Goths.

mêmes. Croirait-on que parmi le nombre infini d'histoires, de biographies, de légendes publiées dans la Péninsule, il y a à peine un portrait antérieur aux rois catholiques qui ne soit apocryphe et ne présente des incohérences extravagantes dans le costume ou dans les accessoires. Il n'en faut pas même excepter la belle collection des Hommes illustres, publiée, vers la fin du siècle passé, par la Calchographie nationale de Madrid, à grands frais et avec les meilleures intentions du monde. Les splendides éditions de Mariana, et d'autres ouvrages qui furent mis au jour, à la même époque, avec un grand luxe typographique, sont déparés et dépréciés par les gravures qui les accompagnent. Ce sont des copies serviles de portraits apocryphes des rois d'Espagne, gravés à Rome, en forme de médaillon, par Arnold van Vesterhout, et publiés par A. Nipho, sous le règne de Charles II. Le portrait de ce prince et les trois qui le précèdent offrent seuls quelques garanties de ressemblance; les autres ont été conçus dans le système qui nous a dotés en France des effigies de Pharamond, de Clovis et de Mérovée. Cependant, cette série absurde servit de type pour les médaillons en pierre de la place de Salamanque, et pour une grande partie des statues qui couronnent les façades du palais royal de Madrid.

Mais lorsque la mollesse et l'ignorance perpétuaient de semblables hérésies, si préjudiciables à l'instruction des artistes et si offensantes pour la vérité, il était très-difficile de recourir aux monuments originaux. C'est là pourtant ce qu'a fait, en artiste d'un goût excellent, en archéologue consommé, M. Carderera. Fouillant les vieilles églises, pénétrant dans les anciens cloîtres, M. Carderera est allé courageusement relever les matériaux authentiques qu'il voulait mettre en lumière pour la plus grande gloire de l'art espagnol et pour l'utilité des peintres, qui ont si peu le temps de se livrer aux recherches de l'érudition. Tolède, Léon, Sahagon, Najera, Cardegna et Miraflores, dans les Castilles; Ripoll, Poblet, Scala Dei, Santas Cruces, en Catalogne, et bien d'autres monastères célèbres, étaient autant de musées inconnus, où, sans compter mille autres objets d'art, étaient réunies les plus belles, les plus curieuses statues. C'étaient les fidèles images de monarques, de guerriers ou de citoyens illustres. Là se conservaient encore des drapeaux enlevés à l'ennemi, des boucliers, des épées, des cuirasses, trophées de guerre suspendus après la victoire aux murailles des temples, auprès des vases d'or qui avant le combat avaient été voués aux saints protecteurs. Il fallait les découvrir, constater avec soin leur degré d'authenticité, les contrôler au moyen de monuments déjà connus, et les fixer irrévocablement sur le cuivre ou sur la pierre par un dessin naïf, exact et intelligent.

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