Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Ces pièces nous sont complètement inconnues; mais il en est bien d'autres, Monsieur, comme vous le verrez plus loin, qu'on est étonné, à juste titre, de ne pas rencontrer dans nos collections. Ne désespérons point cependant. Quelque jour, peut-être, verrons-nous un heureux chercheur les découvrir dans quelque médaillier ignoré, voire en Chine ou au Japon..... Je ne plaisante point, car on a déjà retrouvé dans ces contrées lointaines bien des objets d'art et de curiosité que l'on considérait comme perdus à tout jamais.

Singulier caprice de la destinée! Votre procès-verbal, qui nous fournit des détails si intéressants sur des pièces de plaisir qui durent voir le jour, mais que nous n'avons point encore retrouvées, se fait remarquer par un mutisme complet sur celles, beaucoup plus nombreuses, sans doute, et de divers métaux, qui furent frappées en l'honneur du Roi et du Prince-Dauphin, pièces que nous possédons encore et qui furent émises dans la même circonstance et offertes par les mêmes officiers municipaux.

Ce sont ces pièces, Monsieur, que je vous demande la permission de mettre sous votre patronage pour les faire passer sous les yeux de nos confrères de la Société d'archéologie et de statistique de la Drôme. Cet hommage n'est-il pas un devoir, quand on songe aux précieuses publications que vous avez faites pour l'histoire de notre pays?

A tout seigneur tout honneur.

Je commencerai donc par la belle médaille dont vous avez déjà publié le dessin et que vous avez le bonheur de posséder. Permettez-moi de la décrire de nouveau : j'aurai à ajouter à vos propres appréciations quelques notes nouvelles que je crois utiles et nécessaires à une description plus complète.

[graphic][subsumed][subsumed][subsumed]

I.

Revers.

:

: Domino FRANcisco:: GALLIARVM REGI (Au Seigneur François, roi des Gaules).

Ecusson écartelé aux i et 4 de France, aux 2 et 3 de Dauphiné, et surmonté d'une large couronne ouverte et ornée de onze fleurs de lis.

[ocr errors]

: RHOMANDISSORVM : : 'XENIOLVM: 1533 (Petit
cadeau ou humble présent des Romanais).
Salamandre au milieu des flammes, sous une couronne
ouverte et ornée de cinq fleurs de lis; le tout dans un
entourage de trente-deux lobes réunis alternativement
par une fleur de lis et un fleuron. Au bas, petit écusson
aux armes de Romans à cheval sur la légende et sur le
champ de la pièce.

Cab. de F. (AR.)

Diam. : 47 mil. Épais.: 1 mil. Poids: 17 gr. 772 mil. Exemplaire de M. Giraud. (AR.)

Diam. : 47 mil. Épais. : 2 mil. 50 c. Poids: 38 gr.

Je ne connais que ces deux exemplaires de cette médaille, celui du cabinet de France, et le vôtre, Monsieur, bien plus épais et mieux conservé que le premier. Elle a été gravée et décrite dans le Trésor de numismatique et de glyptique 'et dans le Bulletin de la Société départementale d'archéologie et de statistique de la Drôme 2.

(1) Médailles françaises, 1e partie, p. 7, pl. IX, n.o 1.

(2) 1873, T. VII, p. 97.

Ce qui frappe le plus, à la première lecture, c'est évidemment le mot RHOMANDISSORVM, bien fait pour étonner, même un Romanais comme vous. Aussi, Monsieur, à votre exemple, je ne considère cette bizarre expression que comme un mot inventé par quelque bel esprit du temps, chargé de composer la légende de cette pièce, et qui aura trouvé trop communes, trop classiques ou trop barbares les formes Romanenses, Romonenses, Rotmanenses ou Rotomanenses, sous lesquelles les habitants de Romans ont toujours été désignés dans les chartes. Quant au mot XENIOLVM, s'il n'est pas de l'invention de l'auteur du mot précédent, il n'en est pas moins affecté, car je ne sache pas qu'il soit connu ailleurs que dans Apulée, et le Trésor de numismatique nous offre une autre médaille du même genre (p. 6, pl. VII, N.o 1), sur laquelle la ville de Bourges

(1) « Commodum meridies accesserat, et mittit mihi Byrrhæna xeniola, porcum opimum, et quinque gallinulas, et vini cadum in ætate pretiosi. (Metamorphoseon, Paris, Panckoucke, 1835, t. 1, liv. II, p. 66.)

[ocr errors]

Le texte de ce passage indique suffisamment que, par le mot xeniola (xenium, du grec évtov, présent qu'on fait à un hôte), l'auteur entendait parler de présents du genre de ceux qui s'offraient en signe d'hospitalité. «Xenia, suivant le Vocabularium juris utriusque, etc., de Vicat, vocabantur munuscula, quæ a provincialibus rectoribus provinciarum offerebantur. » C'est bien le cas de notre médaille. Mais pourquoi "Apulée et, à sa suite, nos bons Romanais du XVIe siècle ont-ils employé un diminutif au lieu du mot consacré, que le Digeste nous a également transmis : «Non vero in totum xeniis abstinere debebit Proconsul, sed_modum adjicere ut neque morose in totum abstineat, neque avare modum xeniorum excedat. » (Digestorum, lib. 1, tit. XVI de Officio Proconsulis et Legati): Serait-ce qu'Apulée aurait trouvé mesquins les dons de Byrrhène et que la municipalité de Romans craignait d'être accusée de parcimonie? Je serais tenté de le supposer, en me reportant à ce que je disais, tout à l'heure, du présent fait en 1496 à Charles VIII par la ville de Valence. Les temps étaient durs; les villes n'avaient pas le sou, et il est bien possible que les Romanais aient fait exagération de modestie afin de faire trouver le présent plus considérable.

a fait graver une inscription moins prétentieuse et plus compréhensible: ACCIPE MVNVSCVLVM DE MANIBVS. NOSTRIS.

Vous m'avez fait, Monsieur, une part trop flatteuse dans la rectification de l'erreur commise par M. Ch. Lenormant1 au sujet du sigle D par lequel débute la légende de cette pièce. Mon seul mérite, - et il n'est pas grand, est d'avoir mieux discerné certains détails qui ont échappé par hasard à la perspicacité de ce savant recommandable. Considérez, en effet, votre médaille à la loupe vous serez surpris de voir ce D superposé à un R. J'ai eu soin, lors de la gravure du bois ci-dessus, de montrer à l'artiste, sur mon dessin comme sur la pièce elle-même, ce détail important, qu'il a su rendre avec exactitude, et que l'on remarque aussi sur la planche du Trésor de numismatique et de glyptique, quoique ce ne soit, sur cette dernière, qu'un effet inévitable et inconscient de la pointe promenée mathématiquement sur la médaille, au moyen du procédé Colas employé pour les planches de cet ouvrage; résultat analogue, et où l'intelligence n'est pour rien, aux reproductions inflexibles de la photographie, et dont M. Lenormant n'a pas su se rendre compte, qu'il n'a peut-être même pas aperçu.

Pourquoi cette oblitération de la lettre R? Pourquoi son remplacement par un D? Cette explication ne peut souffrir aucune difficulté. L'auteur de l'inscription, choqué, comme cela devait être, le sigle R représentant, dans sa pensée première, le mot REGI, de rencontrer deux fois 2 ce

[ocr errors]
[ocr errors]

(1) Trésor de numismatique et de glyptique, etc., sous la direction de MM. Paul Delaroche, Henriquel Dupont et Charles Lenormant. Paris, Rittner et Goupil, éditeurs, 1836.

(2) Cette erreur se comprend facilement, si l'on réfléchit que le coin de cette médaille dut être gravé en grande hâte, en quelque sorte improvisé, son exécution est là pour le prouver, et que l'artiste dut, comme nous l'avons vu, employer son burin à réparer l'inadvertance de l'auteur, en admettant que cette inadvertance ne lui soit pas personnelle.

mot dans cette courte légende, aura jugé plus convenable de remplacer cette malencontreuse initiale par le sigle D, pour DOMINO, qui était tout à fait dans les mœurs et les usages de l'époque. Je pourrais vous en donner mille exemples je me contenterai de vous citer ces fragments extraits d'un ouvrage spécial :

[ocr errors]

...

La monnoye que ledit Seigneur Roi (Charles VIII) ordonna estre faite à Pise, etc... '. »

<< Ledit Seigneur (François Ier) leur ordonna faire faire en la Monnoie de Paris mille petits Royaux d'or 2. »

[ocr errors]

Ajouterai-je encore que le sigle D n'a jamais été lu Divo, — on aurait mis le mot entier ou tout au moins DIV., mais bien Domino, comme sur toutes les pièces des empereurs romains, où il occupe la place de l'IMPerator du haut empire. Dominus Noster se lit, en effet, sur toutes les médailles latines, de Dioclétien à Léon IV Chazare (290-780). Quoique la Renaissance puisât un peu trop peut-être ses inspirations dans la mythologie des anciens, le titre de divus, que l'on n'accordait qu'aux empereurs mis au rang des Divinités, eût été par trop païen, et on n'en pardonnait l'emploi qu'à la gent famélique de poètes. Ne serait-ce point là l'origine de cette expression: la langue des Dieux?

A l'appui de mes assertions, permettez-moi, Monsieur, de vous rappeler ici les autres arguments que renfermait ma lettre du 28 décembre 1863, alors que je combattais dans le but de vous faire partager mes convictions. Je vous ai persuadé; mais d'autres peut-être pourraient ne pas comprendre les motifs que j'ai fait valoir auprès de vous seul, et je tiens à les faire passer sous les yeux de tous.

(1) Constans, Traité de la Covr des Monnoyes, etc., p. 115. (2) Id., id., p. 117.

« VorigeDoorgaan »