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virent paffer le Duc de Montague. Braddock le falua avec un refpect marqué. Quel eft ce -Seigneur, demanda Graham? demanda Graham? Le Duc de

Montague.

Probablement, reprit fon ami, un de ces grands Seigneurs du jour, qui vous protège.... - Non, on dit beaucoup de bien du Duc; je fis autrefois fa connoiffance à Bath, dans un temps où ma fituation étoit plus heureuse, & je n'ai jamais recherché fa protection, je doute même qu'il ait quelque crédit.

De ce moment Braddock ne quittoit guère fon ami; il étoit certain que Graham ne pouvoit rien pour lui; mais c'étoit une douce confolation d'avoir retrouvé un ami. que fon fort intéreffoit, & dans le fein duquel il pouvoit dépofer fes peines.

Quatre jours après leur rencontre dans le parc, au moment où Braddock fe difpofoit à aller folliciter le Miniftre, il apprit qu'un Domestique du Duc de Montague demandoit à lui parler; il fut plus furpris encore lorfque ce Domeftique l'invita à dîner de la part du Duc. Il craignit d'abord que ce ne fut une méprise du Domestique; mais celuici s'étant fort bien expliqué: apparemment, dit Braddock en lui-même, le Duc n'eft pas encore inftruit de ma trifte fituation.

Le malheur & la pauvreté jettent une ame noble dans le découragement. Dans l'infortune on fent une espèce de répugnance à fe présenter devant ceux qu'on a connus dans des temps heureux. Braddock éprouva ce

fentiment, & refufa l'invitation du Due; mais le Domeftique revint fur fes pas, & lui dit que fon maître avoit les chofes les plus importantes à lui communiquer, & qu'il le prioit de ne point fe refufer à fes inftances. Braddock ne put fe défendre; & il fe rendit chez le Duc.

Il étoit feul dans fon cabinet. Mon cher ami, lui dit-il, en l'embraffant, comment avez-vous pu prendre fur vous de vous refufer à ma première invitation? Renonceriez-vous à une liaifon dont le commencement m'a fait tant de plaifir? Mylord, lui répondit Braddock, je connois tout le prix de vos bontés; pardonnez à la timidité d'un homme que l'infortune & les chagrins ont banni de la Société. Je fais vos malheurs, répliqua le Duc; il ne tiendra qu'à vous de les terminer; je peux vous faire donner une Compagnie; mais, Monfieur Braddock, cela tient à une condition, fans laquelle je ne puis rien. Il faut que vous acceptiez la main d'une femme jeune & jolie, qui, de plus, a une fortune affez honnête. Qu'en ditesvous? Cet infortuné avoit écouté le Duc avec une agitation qu'il cherchoit vainement à diffimuler. Il étoit entré dans cette maifon avec le preffentiment d'un événement heureux. On lui avoit peint le caractère du Duc avec des couleurs avantageufes; luimême, autrefois, avoit cru reconnoître en lui un homme délicat & généreux. A cette indigne propofition, il fe fentit le cœur dé

chiré elle lui ôtoit la haute opinion qu'il avoit du Duc; & le fentiment de fa fierté: bleffée,ajoutoit encore à ses chagrins. Je fuis donc tombé dans un état affez vil, fe difoitil à lui-même, pour que cet homme, qui me connoît depuis long-tems, me deftine hardiment à le remplacer dans le lit de quelque Maîtreffe délaiffée, comme un malheureux que l'efpérance de voir finir les peines doit décider à tout. Cependant, comme fes malheurs lui avoient appris à fe poffeder, même dans une fituation humiliante, il ré-pondit avec un fourire amer: Mylord, vos bonnes intentions pour moi ne fauroient avoir leur effet; je fuis marié. Marié ! s'écria le Duc, avec une furprife apparente. Mais vous ne l'étiez point lorfque nous nous fommes vus à Bath; à préfent même vous vivez feul. En effet, je ne l'étois point, Mylord, lorfque nous nous fommes vus à Bath, & il eft vrai que je vis feul ici, la fi-tuation où je fuis,m'a forcé d'envoyer ma famille dans le Comté d'Yorck.-Vous, marié! répétoit le Duc, en fe promenant danss fon appartement. Ma foi, c'eft une circonftance malheureufe pour vous, & je doute' même, à préfent, que je puiffe vous être utile. Mais avec quoi comptez-vous dono: foutenir votre famille? Quoique Braddock fe fût déjà fait mille fois cette queftion à lui-même, il n'avoit jamais fenti, comme dans ce moment, l'impoffibilité de la réfoudre. Il ne fut plus le maître de garder

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le fang-froid qu'il affectoit. Mylord, ditil, puifque vous convenez vous-même que vous ne pouvez point m'aider à réfoudre cette trifte queftion, il feroit mieux, je crois, de n'en plus parler. Non, Monfieur Braddock, répliqua le Duc avec l'air de ne point s'appercevoir qu'il fut piqué, traitons plutôt ensemble comme des amis. Je veux vous parler à cœur ouvert. J'avois bien entendu parler de votre mariage; mais j'en doutois, ou plutôt, je ne le regardois point comme un obftable à mon projet. Car, de quoi peat fervir ce mariage à votre épouse, puifqu'il faut que vous viviez féparés l'un de l'autre? Je ne doute nullement qu'elle ne confente à un divorce, moyennant une penfion annuelle qu'on lui offrira je me charge de l'arrangement. Par-là, vous devenez libre, & vous êtes à même d'accepter une propofition que je ne vous fais, puifqu'il faut l'avouer, que parce que vous plaifez fingulièrement à la Dame dont il eft queftion. Braddock ne put retenir fon indignation: Mylord, répondit-il avec un ton & un regard qui marquoient tout fon mépris, vous êtes bien heureux d'avoir choifi votre maifon pour m'outrager auffi cruellement. Par-tout ailleurs, rien au monde ne vous auroit fouftrait à ma vengeance. Il alloit fe retirer en difant ces mots; mais le Duc l'embraffa, & le retint malgré lui. Je n'ai point voulu vous offenfer, lui dit-il; je ne pouvois pas imaginer que ma propofi

tion dût vous courroucer à ce point. Je vous en eftime davantage; & je vous affure que je ferai tout pour vous obtenir de l'emploi, quoique vous dérangiez le plan que j'avois formé. Mais j'attends de vous une petite complaifance ; j'ai prié à diner la Dame dont il s'agiffoit: il faut bien que vous reftiez avec nous, & que vous preniez un air plus ferein. C'eft précisément-là, Mylord, ce que je ne ferai point, reprit Braddock; je ne vous donnerai aucun espoir de venir à bout de votre indigne projet. Vous vous emportez, mon ami, continua le Duc; f vous voulez vous remettre, vous reconnoîtrez qu'une impoliteffe feroit inutile pour me convaincre que vous penfez plus noblement que votre fituation ne femble le perA ces mots, il fonna un domeftique, ordonna de fervir, & l'entraîna prefque par force dans la falle à manger. A peine étoit-il entré dans le fallon, qu'il fe trouva dans les bras d'une femme que fon étonnement lui permit à peine de reconnoître. C'étoit fon époufe elle-même. Ses quatre enfans embraffoient fes genoux, & le fallon retentiffoit des noms d'époux & de père. Pour achever le tableau de cette fcène touchante, on voyoit Graham au milieu du Sallon, qui jouiffoit de ce fpectacle délicieux avec toute la chaleur de l'amitié. Le fentiment de la reconnoiffance rappela Braddock à lui-même. Il s'arracha des bras de fon épouse pour fe jeter aux pieds du

mettre.

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