(à part.) Du trouble qu'il me cause à peine je suis maître.... (haut.) Je voudrois... ton bonheur.... MIRZA. Je n'attendois pas moins, Je reconnois mon père à ces généreux foins: NADIR. Crains plutôt de pouvoir pénétrer dans mon cœur. Je tremble de t'apprendre un coupable mystère. MIRZ A. Mei, vous haïr, mon père! Ah! jamais, non jamais: vous me connoiffez mal. Je fus ton oppreffeur; je fuis plus.... ton rival. Tu frémis, je le fens, & dejal temes: jours, Du fond de tes cachots tu viens à mon Lecours, J'ai voulu, dévoré par une ardeur funefte, Te ravir, t'arracher le feul bien qui te refte.... MIRZA. Je le lavois, Seigneur; mais vos jours en danger Eroient le feul objet auquel j'ai dû fonger:.. Et quoiqu'à tous mes vœux vous deviuffiez contraire, Une voix me crioit : « Mirza, fauve ton père, » Sauve un fi cher rival: écoute dans ce jour » Les droits de la Nature avant ceux de l'Amour. » &c. Nous pourrions encore citer plufieurs morceaux de cette fcène, qui, malgré les incorrections qu'on y trouve, annonce un talent fait pour donner des efpérances; mais outre que le moyen d'ennuyer eft celui de tout dire, l'étendue de cet article nous force à nous arrêter, comme à refferrer nos obfervations. C'est par cette même rai fon que nous ne ferons qu'indiquer à M. D. B. les réminifcences dont nous avons parlé. D'ailleurs, les représentations de fon Ouvrage ont dû l'éclairer, & lui faire connoître les erreurs de fa mémoire. Nous nous contenterons donc de lui dire que la menace de Nadit à Axiane, au quatrième acte, rappelle celles d'Achille dans Iphigét nie en Aulide; que la peinture que ce même Prince fait de l'etat de fon cœur, reffemble à celle que fait Gengis dans l'Orphelin de la Chine, & que de temps à autre on retrouve dans la bouche de fes différens Héros, des vers femblables, par l'idée ou par l'expreffion, à des vers très-connus de nos meilleurs Maîtres. Quant à la partie du ftyle, elle eft trop fouvent négligée; on peut même lui faire un reproche plus grave. Les tournures en font quelquefois pénibles; par exemple: Axiane rappelle les ravages que Nadir fit au Mogol; elle dit: Au fignal forcené d'une barbare voix. Deux cent mille habitans égorgés à la fois. Qu'est-ce que le fignal forcené d'une voix ? Ce n'eft pas là de la poéfie, c'eft de l'obfcurité & de la bourfoufflure. La même Axiane, étonnée d'avoir vu fes projets de vengeance détruits par l'amant même qu'elle en regardoit comme le principal foutien, s'écrie: Quoi! fur Mirza ma voix eft reftée impuissante! Cette conftruction de phrafe eft difficile & louche. Le principal mérite du ftyle, c'est la clarté, & ce feroit une erreur que de vouloir attribuer l'obscurité aux inverfions poétiques, car la poéfie elle-même doit rejeter toutes les. expreffions qui peuvent altérer l'intelligence des idées qu'elle préfente. Sans entrer dans de Fy plus longs détails, nous invitons M. D. B. à foigner fon ftyle dans les autres Ouvrages qu'il doit donner au Public, & nous l'y invitons avec d'autant plus de plaifir, que fa Tragédie de Nadir offre plufieurs morceaux qui annoncent que s'il veut être févère avec lui-même, fa manière d'écrire peut devenir ferme, noble & digne de la Tragédie: en voici un exemple tiré de la fcène cinquième du quatrième acte. C'est Nadir qui parle. Dans mon fein le defir est un feu dévorant Que l'obstacle alimente & rend encor plus grand *. Nous avons rendu compte des deux premières manières dont M. D. B. a montré fon * Grand eft foible après dévorant; d'ailleurs, ce n'eft pas le mot propre, il falloit terrible; mais la rime a forcé l'Auteur a rejeter ce mot dans le vers suivant. C'est à vaincre les difficultés de cette nature qu'un travail opiniâtre eft néceffaire, c'est à connoître la valeur d'un mot mis à fa place, que confifte le mérite d'un Écrivain. cinquième acte; il nous refte à parler de la troihème. Nadir eft vaincu, il n'attend que la mort, & fe décide à fe la donner luimême; mais une réflexion douloureufe l'arrête. Quand il ne fera plus, que deviendra fon fils? Axiane s'avance, l'ufurpateur croit qu'elle vient infulter à fes malheurs, il fe trompe; elle lui apprend qu'Ali s'eft fait proclamer Roi, & qu'il a profcrit les jours de Mirza, dont le fort l'inquiète. Le premier mot du jeune Prince eft pour fon père; la fenfibilité de Nadir, fes remords, fon défefpoir de mourir à l'inftant même où il ne vouloir vivre que pour le bonheur de fon fils, ouvrent les yeux d'Axiane, qui avoue fon crime, & la part qu'elle a cue à la conjuration. Les Conjurés entrent; cette fcène eft entièrement femblable à celle dont nous avons parlé dans le corps de notre premier article. On emmène Ali, Nadir unit Axiane à Mirza, & veut Que l'on dise un jour chez la race future, Ce nouveau cinquième acte a eu du fuccès, mais ce fuccès eft dû plutôt à quelques détails qui atteftent que M. D. B. eft doué d'une ame très fenfible, qu'au fond même des fituations; car, outre qu'il bleffe l'exactitude du fait hiftorique, comme en convient l'Auteur, il eft hors du vrai genre de la Tragedie, principalement dans un fujet auffi mar |