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(à part.)

Du trouble qu'il me cause à peine je suis maître....

(haut.)

Je voudrois... ton bonheur....

MIRZA.

Je n'attendois pas moins,

Je reconnois mon père à ces généreux foins:
Si fon cœur fe laiffa furprendre à l'imposture,
Il n'a point étouffé la voix de la Nature ;
Dès qu'il peut l'écouter, l'intérêt de fon fils,
Sans délai, fans partage occupe fes efprits.
Hélas! dans vos regards que ne puis-je encor lire
Et contempler ce front où la grandeur refpire!
Sans doute j'y verrois un préfage flatteur.

NADIR.

Crains plutôt de pouvoir pénétrer dans mon cœur.
Ah! fi tu connoiffois tous les maux qu'il éprouve,
Dans quel état affreux ce cœur fi fier le trouve;
C'eft alors que le tien juftement indigné,
Devroit fe repentir de m'avoir épargné.

Je tremble de t'apprendre un coupable mystère.
Que tu vas me hair!

MIRZ A.

Mei, vous haïr, mon père!

Ah! jamais, non jamais: vous me connoiffez mal.

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Je fus ton oppreffeur; je fuis plus.... ton rival.

Tu frémis, je le fens, & dejal temes:
Je vois couler les pleurs qu'er decretado dires.
Oui, dans ce moment même où, pour fauver mes

jours,

Du fond de tes cachots tu viens à mon Lecours,

J'ai voulu, dévoré

par une ardeur funefte, Te ravir, t'arracher le feul bien qui te refte....

MIRZA.

Je le lavois, Seigneur; mais vos jours en danger Eroient le feul objet auquel j'ai dû fonger:.. Et quoiqu'à tous mes vœux vous deviuffiez contraire, Une voix me crioit : « Mirza, fauve ton père, » Sauve un fi cher rival: écoute dans ce jour » Les droits de la Nature avant ceux de l'Amour. » &c.

Nous pourrions encore citer plufieurs morceaux de cette fcène, qui, malgré les incorrections qu'on y trouve, annonce un talent fait pour donner des efpérances; mais outre que le moyen d'ennuyer eft celui de tout dire, l'étendue de cet article nous force à nous arrêter, comme à refferrer nos obfervations. C'est par cette même rai fon que nous ne ferons qu'indiquer à M. D. B. les réminifcences dont nous avons parlé. D'ailleurs, les représentations de fon Ouvrage ont dû l'éclairer, & lui faire connoître les erreurs de fa mémoire. Nous nous contenterons donc de lui dire que la menace de Nadit à Axiane, au quatrième acte, rappelle celles d'Achille dans Iphigét

nie en Aulide; que la peinture que ce même Prince fait de l'etat de fon cœur, reffemble à celle que fait Gengis dans l'Orphelin de la Chine, & que de temps à autre on retrouve dans la bouche de fes différens Héros, des vers femblables, par l'idée ou par l'expreffion, à des vers très-connus de nos meilleurs Maîtres. Quant à la partie du ftyle, elle eft trop fouvent négligée; on peut même lui faire un reproche plus grave. Les tournures en font quelquefois pénibles; par exemple: Axiane rappelle les ravages que Nadir fit au Mogol; elle dit:

Au fignal forcené d'une barbare voix.

Deux cent mille habitans égorgés à la fois.

Qu'est-ce que le fignal forcené d'une voix ? Ce n'eft pas là de la poéfie, c'eft de l'obfcurité & de la bourfoufflure.

La même Axiane, étonnée d'avoir vu fes projets de vengeance détruits par l'amant même qu'elle en regardoit comme le principal foutien, s'écrie:

Quoi! fur Mirza ma voix eft reftée impuissante!

Cette conftruction de phrafe eft difficile & louche. Le principal mérite du ftyle, c'est la clarté, & ce feroit une erreur que de vouloir attribuer l'obscurité aux inverfions poétiques, car la poéfie elle-même doit rejeter toutes les. expreffions qui peuvent altérer l'intelligence des idées qu'elle préfente. Sans entrer dans de

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plus longs détails, nous invitons M. D. B. à foigner fon ftyle dans les autres Ouvrages qu'il doit donner au Public, & nous l'y invitons avec d'autant plus de plaifir, que fa Tragédie de Nadir offre plufieurs morceaux qui annoncent que s'il veut être févère avec lui-même, fa manière d'écrire peut devenir ferme, noble & digne de la Tragédie: en voici un exemple tiré de la fcène cinquième du quatrième acte. C'est Nadir qui parle.

Dans mon fein le defir est un feu dévorant

Que l'obstacle alimente & rend encor plus grand *.
Son ardeur cette fois eft d'autant plus terrible,
Qu'il n'avoit jufqu'ici rien trouvé d'impoffible.
L'Univers connoît trop que jamais un defir
Ne fut en vain conçu dans le cœur de Nadir.
Pour remplir les fouhaits de mon ame obstinée,
Mille fois j'ai forcé la Nature étonnée;
J'ai fufpendu fon cours, j'ai renverfé fes lois:
Les efpaces, les temps s'approchoient à ma voix, &c,

Nous avons rendu compte des deux premières manières dont M. D. B. a montré fon

* Grand eft foible après dévorant; d'ailleurs, ce n'eft pas le mot propre, il falloit terrible; mais la rime a forcé l'Auteur a rejeter ce mot dans le vers suivant. C'est à vaincre les difficultés de cette nature qu'un travail opiniâtre eft néceffaire, c'est à connoître la valeur d'un mot mis à fa place, que confifte le mérite d'un Écrivain.

cinquième acte; il nous refte à parler de la troihème. Nadir eft vaincu, il n'attend que la mort, & fe décide à fe la donner luimême; mais une réflexion douloureufe l'arrête. Quand il ne fera plus, que deviendra fon fils? Axiane s'avance, l'ufurpateur croit qu'elle vient infulter à fes malheurs, il fe trompe; elle lui apprend qu'Ali s'eft fait proclamer Roi, & qu'il a profcrit les jours de Mirza, dont le fort l'inquiète. Le premier mot du jeune Prince eft pour fon père; la fenfibilité de Nadir, fes remords, fon défefpoir de mourir à l'inftant même où il ne vouloir vivre que pour le bonheur de fon fils, ouvrent les yeux d'Axiane, qui avoue fon crime, & la part qu'elle a cue à la conjuration. Les Conjurés entrent; cette fcène eft entièrement femblable à celle dont nous avons parlé dans le corps de notre premier article. On emmène Ali, Nadir unit Axiane à Mirza, & veut

Que l'on dise un jour chez la race future,
Si Nadir fut vaincu, ce fut par la Nature.

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Ce nouveau cinquième acte a eu du fuccès, mais ce fuccès eft dû plutôt à quelques détails qui atteftent que M. D. B. eft doué d'une ame très fenfible, qu'au fond même des fituations; car, outre qu'il bleffe l'exactitude du fait hiftorique, comme en convient l'Auteur, il eft hors du vrai genre de la Tragedie, principalement dans un fujet auffi mar

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