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Erafte & Lucile brûlent d'un amour mu\tuel, mais celle-ci a pour mère une vieille coquette, dont, à fon âge, la manie eft d'être encore affez aimable pour faire des conquêtes, & le jeune homme eft affez malheureux pour avoir trouvé grâce devant fes vieux appas. La même fatalité poursuit Lucile; car Erafte a auffi un père, & ce -père, qu'on appelle Mondor, a le même ridicule & les mêmes prétentions que la mère de Lucile. En conféquence du rapport qui exifte entre leurs goûts & leurs defirs, les vieillards confentent à fe donner réciproquement leurs enfans en mariage. Leur projet eft traversé par un certain Lifimon homme d'environ foixante ans, d'un caractère original; tour-à-tour grave, plaifant, raifonneur, cauftique, & même railleur amer. Ce Lifimon emploie toutes les reffources de la raifon & de fon perfifflage pour éclairer Mondor & la vieille folle fur : il les engage même à s'époufer, s'ils ont la fureur du mariage; il ne peut les perfuader fur ce dernier objet, mais il parvient à les faire confentir, prefque malgré eux, à l'union de leurs enfans.

la fottife qu'ils veulent faire c

Peu d'action, de l'efprit, des mots heureux, quelques Scènes plaifantes, voilà ce qu'au premier coup d'œil on apperçoit dans cette Comédie, dont le fuccès n'a pas été confidérable, & dont nous rendrons un 310

compte plus étendu, lorfque l'Auteur l'aura fait imprimer.

Le rôle de Lifimon eft joué par M. Molé. Ce Lifimon dit, en s'adreffant à Erafte: Vous favez que je fais prendre toute forte de caractères. Aux trois représentations qu'on a données du Bon Ami, au moment où nous écrivons, le Public a appliqué à l'Acteur l'af fertion du perfonnage, & c'est comme Hiftorien des Théâtres que nous parlons de cette application.

COMÉDIE ITALIENNE.

LE Mardi 7 du même mois, on a donné, pour la première fois, les Vendangeurs, ou les deux Baillis*, Divertiffement en un Acte & en Vaudevilles.

Colinet aime Lucette, fille du père Lajoye, Vigneron & Cabaretier; il en eft aimé, & joint à cet avantage celui d'obtenir le confentement du bonhomme. Mais le Bailli du lieu, & celui du Village voifin, font auffi amoureux de Lucette. L'un d'eux la demande en mariage, mais il eifuye un refus.

LE BAILL I.

Air: Accompagné de plufieurs autres.
Lucette auroit été mon fait,

* On trouve cette petite Pièce chez Vente, Libraire, rue des Anglois, près celle des Noyers.

Et mon coffre fort, en effet,

En vaut, je pense, bien un autre.

Le Père LA JOY E.

C'étoit pour elle un grand bonheur;
Mais en lui faifant cet honneur,
N'auriez-vous pas rifqué le vôtre ?

Les deux Baillis fe réuniffent pour le venger; & profitant du moment où les Vendangeurs & les Vendangeuses se reposent de leurs travaux, les uns en s'occupant à boire, les autres à danfer, les autres à jouer à l'efcarpolette, ils fe préfentent, accompagnés de leurs Sergens, & promulguent une Ordonnance, par laquelle, de par Monfeigneur, il eft défendu de plus danfer, boire &fe balancer dans le Village. Les Payfans fe récrient fur, cet ordre : les Baillis répondent ainfi à leurs murmures :

Le Premier BAILLI.

Air: J'avois à peine dix-fept ans.

Soyez certains que notre arrêt

A l'équité pour bafe,

Et que le public intérêt

Seul ici nous embrâfe.

Bacchus endormant la raifon

Par fa liqueur traîtresse,

A bien fouvent fur le gazon
Renversé la fagelle,

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On ne veut point perdre les pas
Qu'on a faits auprès d'elle.

Le Premier BAILLI.

La balançoire à la fanté
Ne fauroit être utile ;

Car plus le corps eft agité,
Moins le cœur eft tranquille.
L'honneur eft alors en fufpens;
Et fi la corde caffe,

Ce n'eft jamais qu'à vos dépens.
Que l'Amour vous ramasse.

Le père Lajoye prend le parti de diflimuler; il ordonne à fa fille de renoncer à Colinet, fous prétexte qu'il veut choisir un des Baillis pour gendre. Les deux amans fe font leurs adieux, & fe rendent, en fe quittant, ce qu'ils fe font réciproquement donné.

LUCETT E.

Air: Alexis, depuis deux ans.

Tenez, voilà le ruban

Que fur mon corfage

Vous mîtes dernièrement,

D'un air féduifant.

COLIN E T.

Piqués d'un pareil badinage,
D'autres le reprendroient, je crois;
Mais vous en avez fait usage,^
C'eft un préfent que je reçois.

Leurs adieux font troublés par le bonhomme, qui emmène fa fille, & revient un moment après fuivi d'un des Baillis. Alors Colinet ne doute plus de fon malheur, & fe retire. Trompé par la franchise apparente du père Lajoye, le Bailly content à boire, & entre dans le cabaret. Lucette, que fon père a mife au fait de fes intentions, amène le fecond Bailli, feint d'approuver même d'être honorée de fa recherche, & l'engage à monter fur la balançoire. Quand il y eft placé, on la remonte fi haut qu'il ne peut plus en defcendre fans rifquer de fe rompre le cou. Tout le monde fe retire pour aller chercher les Huiffiers & les Meffiers; le premier Bailli, entre deux vins, fort du cabaret, & comme il ne peut plus fe foutenir, il va s'affeoir au pied de l'arbre où eft attachée la balançoire. A peine y eft-il, que tout le Village revient, conduifant les Meffiers chargés de veiller à l'exécution des Ordonnances. Le père Lajoye veut que les Baillis foient mis en prifon; mais Colinet & Lucette demandent qu'on leur en fauve la honte,

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