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& de cet Empire; celui de Rome moderne, qui contient les mêines détails; celui de Ruffie, où l'on rend compte de toutes les Juridictions établies dans ce vafte pays, dont l'intérieur nous eft encore fi peu connu; celui de Socrate, qui renferme le procès fait à ce fage adorateur du vrai Dieu, par les Prêtres des faux Dieux; celui de Sorcier, où l'on fait l'hiftoire des principales accufations de forcellerie, & de la manière dont on pourfuivoit ces accufations; celui de la Reine Marie Stuart, celui de Suiffe, & celui de Torture.

De tous les objets que cette compilation embraffe, le plus intéreifant, ce me femble, eft l'hiftoire des plus célèbres procès crimi nels. Il est bien malheureux que l'Hiftorien n'ait pu puifer ici dans les véritables fources, c'est-à-dire, dans les procédures. C'eft dans ces archives du crime & du malheur, que l'on pourroit étudier le cœur humain dans tous les replis; c'eft-là auffi que l'on pourroit vérifier tous les procédés que les hommes ont mis en ufage pour parvenir à la connoiffance des crimes: ce feroit-là la meilleure étude pour les Philofophes & pour les Légiflateurs.

Parmi tous les procès rapportés dans ce volume, nous choififfons celui de la fameufe Lefcombat, comme celui qui peut le plus utilement effrayer fur les fuites d'un amour effréné.

MARIE-CATHERINE TAPERET, veuve LESCOMBAT, condamnée à être pendue pour avoir fait affaffiner fon mari par fon

amant.

Peu de coupables ont autant intéressé que la fameufe Lefcombat.

Marie-Catherine Taperet, née à Paris en 1728, devoit le jour à des parens obscurs & peu favorifés de la fortune.

Un Architecte, nommé Lefcombat, qui étoit un de fes amans, la demanda en mariage, & l'obtint.

Lefcombat, qui ignoroit les intrigues de fa femme, eut la complaifance de prendre chez lui des Penfionnaires.

Un de fes Penfionnaires nommé Mongeot, qui fe deftinoit au Génie, obtint toutes les attentions de fa femme, & parut au mari lui-même un amant favorisé.

Les époux eurent enfemble une fcène très-vive: Lefcombat chaffa de fa maifon Mongeot avec le plus grand éclat, mais ils fe réconcilièrent.

Mongeot, plus amoureux que jamais, fe livra au plaifir de fe retrouver dans les bras d'une femme qu'il adoroit.

Cette femme artificieufe fe fervit de tout le pouvoir qu'elle avoit fur fon amant, pour l'engager à la défaite de fon mari.

Les moyens que cette femme atroce em

ploya pour réuffit, font développés dans les lettres fuivantes :

« Songe, mon cher ami, (écrivoit-elle à Mongeor) à ce que tu m'as promis. Tu m'as juré par tout ce qu'il y a de plus facré, de me défaire de mon époux je me repofe fur toi du foin de ma vengeance. Ciel! je vais donc être bientôt libre..... Je vais donc être vengée : j'afpire à cet inftant plein de charmes pour moi. Prends bien ton temps, fonge qu'il y va de ta vie & de la mienne. Vois jufqu'où va ma fureur: fi tu ne te fens pas affez de fermeté pour me fervir, avoue-le moi ; il eft d'autres moyens que je mettrai en ufage pour me délivrer d'un barbare toujours occupé à augmenter mes malheurs. Je ne fuis que rage, l'enfer eft dans mon cœur; rien n'eft facré pour moi. Ah! fi tu connoiffois le cœur d'une femme outragée, perfécutée, défefpérée, tu exécuterois bien promptement l'ordre dont je t'ai chargé. Que j'apprendrai avec plaifir la mort de mon époux ! avec quelle joie je verrai fon meurtrier! Jamais tu n'auras paru fi aimable à mes yeux. Mais, hélas! les crainetes que tu m'as déjà fait voir m'en annoncent de nouvelles. Non, tu n'auras pas le cœur de me fatif faire; tu appréhendes de perdre ce peu d'inftans qui forment le cours de notre vie : voilà ce qui te retient. Tu ne m'as jamais aimée, tu n'as jamais fenti pour moi ces faillies impétueufes que l'amour infpire. Je n'ai jamais lu dans tes yeux cette ardeur que l'on ne peut cacher, & qui annonce combien le cœur eft enAaminé. Que je me veux de mal de t'avoir connu! Tu m'as féduite: je coulois mes jours dans l'inno cence tu es venu me tirer de la léthargie dans laquelle j'étois plongée ; tu as fu, par tes difcours flatteurs, par mille foins prévenans, gagner mon cœur. Tu m'as forcée à t'avouer ma défaite, tu as triomphé de mes caprices, de ma réfistance, de mon devoir.

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Si je m'étois abandonnée à tout autre qu'à toi, mon époux ne feroit déjà plus. Crois-tu donc m'intimider par tes vaines clameurs ? Tu me fais une image hotrible des tourmens que fubiffent les criminels. Tu me dépeins avec force toutes les horreurs qui ac compagnent les derniers momens de ces malheureux. Tu veux que je me transporte en idée dans une place publique, & que je t'y voie expirer, pour m'avoir contentée, par les mains d'un bourreau, à la vue de tout un peuple; tu me menace même de cette mort. Tu m'apprends que tu n'aurois pas le courage de réffter aux tourmens qu'on te feroit endurer; que tu m'avouerois tà complice. N'importe, pourfuis, ne t'embarrasse point du foin de mes jours, ils me feront odieux, fi mon époux vit ; j'en fais le facrifice de bon cœur, pourvu que je fois raffafiée du fang du barbare que je dérefte. C'eft affez t'en dire ; que ne vas-tu, malheureux, dès-à-présent, me dénoncer à la Juftice! Je te crois capable de tout. Cependant fi tu peux remplir mes vœux, fi tu fecondes mes deffeins, fi je te vois couvert du fang de mon époux, attends tout de moi. Je donnerai mille vies pour toi ; tu feras toujours le Dieu de mon cœur : on n'aura jamais tant aimé que je t'aimerai. »

« Il n'eft que trop vrai, ma chere amie, que je t'adore, (repondit Mongeot à la Lefcombat) que tous tes reproches me percent l'ame. Je te prouverai que je ne les mérite pas.... Eh bien tu feras fatiffaite, & tu verras que je ne crains pas de perdre la vie quand il s'agit de te fervir. Mille morts fe préfenteroient à mes yeux, je ne reculerois pas. Je prévois tout ce qui m'attend; je lis pour moi dans l'avenir le fort le plus fusefte & le deftin le plus cruel, mais je n'en fuis point effrayé. Oui, ton mari périra par ma main : je ne vois plus en lui que mon ennemi; son cœur fera le prix de mon forfait ; il faut te plaire,

de

faut mériter les bontés, il faut te prouver que je r'ai toujours aimée passionnément, & que je t'aimerai jufqu'au dernier foupir. Mais je te demande une grace, tu feras affez généreuse pour me l'accorders c'eft de confentir que j'attaque ton époux en brave homme J'espère en triompher facilement, & j'aurai en même tems la fatisfaction de t'avoir contentée & de n'être pas affaffin: au péril de ma vie, je veux avoiría fienne. Je choifirai le temps & le lieu convenables; prends patience, ne précipitons rien ; j'aime mieux attendre une occation favorable que de manquer mon coup; je fais à peu près les routes qu'il tient tous les jours: tu ne verras plus l'auteur de tes fouffrances, tu ne verras plus long-temps ton tyran, Tu me traites de lâche, tu me fais un crime de t'avoir étalé l'horreur des fupplices; je ne t'en parlerai plus. Je fuis bien fûr que tu me reprocheras d'avoir tué ton époux, que tu me haïras autant que tu me promets de m'aimer; mais je t'aime trop pour que pareilles penfées me détournent de la réfolution que j'ai prife. Donne-moi huit jours, ce délai n'eft pas long.... Ne me dis donc plus que je ne t'ai jamais aimée, & que je n'ai eu que le plaifir de te feduire, Jamais l'amour n'alluma une paffion plus forte que celle que je reffens pour toi. Enfin, je ferai tout ce que tu voudras; parles, tu feras obéie; ce n'eft pas la fureur qui me transporte, c'eft la feule gloire de ne pas te déplaire qui me fait consentir à tout. Je ne connois dans la vie d'autre plaifir que celui de faire le tien rends-moi done plus de juftice; repens-toi de tout ce que tu m'as dit, de tout ce que tu m'as écrit. Quelle dureté dans tes expreffions! Il femble que tu ne cherches à te défaire de ton époux, que pour te défaire en même tems de moi; qu'au lieu d'une victime, tu en veux deux ; que tu veux tout à la fois facrifier l'amant & l'époux; que la vengeance feule t'anime, & que l'amour n'agit point fur toi. Je fouhaite que to it ce que je t'ai prédit

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