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n'arrive point; je defire que les chofes fe terminent & ta fatisfaction; mais fouviens toi toujours que fi nous fommes perdus, c'est ta vie que je veux fauver, & non la mienne. »

« C'en eft fait, Monfieur, (écrivoit la Lefcombat à Mongeot dans une feconde leure) je vais renouer avec mon mari pour me venger de vous: je vais me jeter à fes genoux & lui avouer tous les horribles deffeins que mon cœur renfermoit; je veux l'aimer autant qu'il doit me détester. J'avois compté fur vous; je vous aurois cru capable de tout entreprendre pour moi; vous m'aviez tant de fois juré que je pouvois difpofer de vous; j'avois été affez bonne pour ajou ter foi à toutes vos grimaces & à tous vos dehors trompeurs : comment fe peut-il faire que j'aye aimé un homme tel que vous ? J'en fuis honteufe, & c'eft une faute que je ne me pardonnerai jamais. Je vous ai préféré à tous vos rivaux, qui n'étoient pas en petit nombre, & qui auroient joint à la tendreffe la plus parfaite des avantages réels & confidérables." J'ai tout méprifé, tout rejeté pour toi, perfide! J'ai cherché toutes les occafions de te prouver de mille & mille façons mon attachement extrême.Que n'ai-je pas fouffert par rapport à toi? N'eft-ce pas pour toi que j'ai rompu avec mon mari? N'eft-ce pas pour toi que j'ai renoncé à tout ce que le monde m'offroit de plus féduifant? Je t'ai fait le facrifice de mon repos, de mon honneur, de mes charmes.. . Si j'avois poffédé une Couronne, auroit-elle été pour un autre que pour toi Par quelle fatalité as tu donc pu me fubjuguer, moi qui n'ai fait aucun cas dès conquêtes les plus brillantes qui s'offroient à moi de toutes' parts? Piût au ciel ne t'avoir jamais vu, ne t'avoir jamais écouté! Croira-t-on jamais qu'un homme qui1 régnoit fur mon ame, & qui m'assuroit que je ré-3 gnois fur la fienne, n'ait pas daigné me délivrer de'

mon plus cruel ennemi ? Tu as caufé tous mes malheurs, tu m'as conduite pas-à-pas dans l'abysme, & lorfqu'il faut un coup d'éclat pour m'en retirer, tu recules! Au refte, c'est toujours beaucoup pour moi de connoître le fond de ton cœur. Qu'il eft méprifable! Que je vais hair les hommes! Ne viens pas t'offrir à moi davantage; ne viens pas me proposer le fecours de ton bras, je ferois deshonorée à mes yeux fi j'acceptois tes offres ; tu n'es qu'un monftre, qu'un barbare. Quel bonheur pour moi, fi je puis oublier que j'ai répondu à tes foupirs', que je t'ai rendu tendreffe pour tendreffe, que je me fuis livrée à toi fans aucune réserve! Cette idée seule me tue. Autant nous avons été amis, autant nous devons être ennemis fatal pouvoir de mes attraits, fur quel objet indigne as-tu agi! Je t'écris pour la dernière fois ne reparois jamais devant moi. Puiffent tous les malheurs t'accabler à la fois! Tu ne peux fouffrir autant que tu le mérites. Va, lâche, il ne t'eft réfervé qu'un funefte deftin. Que je fuis glorieufe d'avoir fu me détacher de toi, de t'avoir rendu juftice, de t'abhorrer pour toujours! Fuis loin de moi.... Mon mari vivra donc ?... Ah! pensée qui m'anéantit je ferai obligée de voir toujours celui que j'ai trahi tant de fois.... Et pour qui ? Pour toi, traître, pour toi, qui devrois te faire un devoir, une gloire de l'immoler. Ah ciel! quel funefte fort m'attend! que je vais traîner une vie affreufe! Mon plus grand tourment fera de fonger à toi, de penfer que j'ai été affez lâche,affez foible pour te donner mon coeur...Hélas! tu le possèdes encore; je ne le fens que trop aux mouvemens qui m'agitent.Rends-toi donc digne de fa poffeffion: cours, vole affaffiner mon mari; ne va pas combattre avec lui, le fort des armes eft incertain; qu'il meure, c'eft tout ce que j'exige. Je ne fuis qu'une femme, & j'ai cent fois plus de courage que toi...

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Madame, (répondit Mongeot') le fang dont vous voulez vous raffafier va donc couler! Puifque je ne puis vous plaire que par les titres d'affaffin & de meurtrier de votre mari, je vous jure que vous allez être contente. Mais, quì le trouver ? Dans que lieu l'attaquer? Il ne faut pas qu'il m'échappé. Je ne vois pas d'autre moyen que celui que vous me proposâtes hier; il eft sûr, infaillible. Tendons à la victime un piège; affectons de vouloir nous réconcilier; jurons-lui une amitié éternelle; ne l'embra fons que pour l'étouffer. Je verrai tantôt votre époux ; je lui demanderai un entretien particulier; je lui avouerai que j'ai jeté fur fa femme quelques regards criminels, que je reconnois mes torts, & que tout mon regret eft de l'avoir offenfe, & d'avoir perdu fon amitié. Enfin, je lui perfuaderai que je n'ambitionne rien tant que de la recouvrer, que je veux être dorénavant fon meilleur ami, que tout ce que je possède eft à fon fervice, que je donnerois ma vie pour lui: à de tels appâts il fe laiffera prendre vous pourrez même m'aider. Il est naturellement bon & crédule; il n'aura garde de fe méfier de nous. Je le vois déjà me tendre les bras, me rendre fon cœur, & me jurer d'oublier le paffé. Hélas! il ne goûtera pas long-tems les fruits d'une paix fimulée autant que funefte. Que d'empreffemens il me prodiguera Que de témoignages d'amitié je vais recevoir de lui! Il touche à fon dernier jour, & la confiance qu'il a en nous va hâter la mort. Je le fouhaite; je brûle de me voir teint de fon fang.. .. Je frémis.

Mais écartons ces horribles idées; tu as parlé, je ne dois plus balançer. Je lui propoferai une partie de plaifir, & couvrirai ainfi de fleurs l'abyfme où je vais le précipiter. Les mefures que nous avons prifes paroiffent nous mettre à l'abri de toutes pourfuites? Triomphes, la victoire eft certaine ; demain

ta n'auras plus d'époux. Vois jufqu'où va le pouvoir de l'amour qui m'enflamme pour toi je n'écoute ni remords, ni craintes; il faut que tu fois vengé; il faut que ton amant égorge ton époux.... Eh bien, me voilà prêt.... Ofe encore douter de l'excès de mon amour. Je ne te reverrai qu'après avoir arraché la vie à ton époux... 30

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Le foible & criminel Mongeot propofa en effet le même jour à Lefcombat un fouper au Luxembourg.

Pendant le repas, Mongeot eut la précaution perfide de faire boire Lefcombat prefque à chaque inftant. Lefcombat, après avoir quitté le Luxembourg, & fait quelques pas dans la rue, dans la rue, s'arrêta pour fatisfaire un befoin de nature. Le barbare Mongeot', furieux d'amour & échauffé par le vin, faifit ce moment pour plonger fon épée dans les reins de l'infortune Lefcombat, qui tomba auffi tôt par terre, baigné dans fon fang. Mongeot, en prenant la fuite, jeta un piftolet aux pieds du malheureux qu'il venoit d'affaffiner.... Ayant rencontré le Guet dans la rue voiline, il déclara qu'il venoit de tuer un homme qui lui avoit mais le piftolet fur Ja gorge; on l'arrêta & on le mena chez un Commiffaire, qui, après avoir dreffé un procès-verbal de fes déclarations, le fit conduire en prifon, & envoya du monde à l'endroit indiqué, où l'on trouva Lescombat expirant.

Mongeot foutint d'abord qu'il n'avoit fait que fe défendre contre Lefcombat. Les Sam. 4 Novembre 1780.

B

liaifons de Mongeot avec la veuve, firent arrêter celle-ci, mais on la relâcha. Elle ne profita de fa liberté que pour aller payer à fon amant le prix du crime qu'elle lui avoit commandé; on prétend qu'elle coucha avec lui dans fa prifon, mais on affure qu'elle fe livra bientôt à un nouvel amant. Mongeot devint furieux de jaloufie; il fit des déclarations contre elle; elle fut arrêtée une seconde fois. Mongeor fut condamné à être roué vif; peu de temps après la Lefcombat fut condamnée à être pendue, mais fon exécution fut différée pendant long-temps, par deux groffeffes.

Pendant cet intervalle, on alloit en foule à la prifon pour la voir. Sa taille étoit médiocre, mais bien prife; fes yeux étoient grands, noirs & très-vifs; fon teint étoit d'une blancheur éblouiffante; enfin, fa gorge, fes bras & fes mains, étoient d'une beauté rare.

La criminelle Lefcombat n'ayant plus aucun prétexte pour retarder fon fupplice, fut conduite à la Grêve; elle monta à l'Hôtel-de-Ville, mais elle n'y refta pas long-temps. Dans les derniers momens de fa vie, elle montra un fincère repentir de fon crime, & l'on affure qu'elle reçut la mort avec courage.'

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