Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

A Mlle le T..... qui dans une maladie promettoit à l'Auteur de le faire fon héritier, PAR ton Teftament, ma Zélie,

Après ta mort tu veux combler mes vœux.

Ah, cruelle! ce que je veux

Ne s'obtient que pendant la vie,

(Par M, le Chevalier de T....)

LETTRE au Rédacteur du Mercure.

Ex annonçant au Public la perte que vient de

faire la Philofophie, dans la perfonne de M. l'Abbé de Condillac, vous avez inféré une notice des ouvrages de cet Auteur célèbre. Cette notice, quoique bien rédigée, m'a paru renfermer des inexactitudes que je crois devoir relever. Ce n'eft pas que l'Ano nyme ne me paroiffe un homme de beaucoup d'efprit. Son article contient les détails les plus intéreffans & de ces obfervations fines, qui décèlent la fagacité: mais j'ofe croire qu'il voudra bien pardonner à mon amour pour le vrai, les obfervatious fuivantes.

Premiere Obfervation. Eft-il bien vrai, comme le dit l'Anonyme, que M. l'Abbé de Condillac nous ait appris que nous n'avons le pouvoir de réfléchir que parce que nous favons parler?

C'eft fans doute à l'inftitution des langues que l'efprit humain doit fes connoiffances les plus fublimes, particulièrement ces vérités générales, qui font les principes & les clefs des fciences. On conçoit que les termes d'une langue s'appliquant également à un grand nombre d'objets, ils étendent la vue de l'efprit

qui parvient à exercer fur fes idées l'empire le plus abfolu.

que

Mais cet avantage, tout précieux qu'il cft, ne fait pas que nous devions aux mots le pouvoir de réfléchir. Qu'est-ce que la réflexion ? Eft-elle autre chofe que l'attention que l'efprit donne aux idées qu'il compare, pour en faifir les rapports ? C'est donc dans l'attention réfide la faculté de comparer. Le langage ne donne donc point cette capacité. Je conviens que le langage perfectionne, étend cette capacité, par la raifon qu'il en facilite l'exercice; mais toujours eft il vrai que la faculté de comparer tient à l'attention. Et l'attention, comme vous le favez, Monfieur, étant de fa nature une force indéterminée, ce ne font point les termes d'une langue qui peuvent la mettre en jeu : il faut à l'ame des motifs pour la déployer.

Une autre raison qui prouve encore mieux. que ce n'eft pas au langage que nous devons le pouvoir de réfléchir, c'est qu'il eft évident que four individu, doué d'artention, n'eût-il aucun ufage des langues, pourroit comparer les idées, abftraire, fixer fes abftractions par des fignes qu'il fe feroit à lui mênre. Quatre traits, qu'il traceroit fur le fable, ne deviendroient-ils pas pour lui le figne de l'idée générale du rapport qui eft entre les quadrupedes?

[ocr errors]

Seconde Obfervation. Faut-il en croire l'Anonyme, lorfqu'il avance que M. l'Abbé de Condillac a trouvé le principe de la liaison des idées ? Il me femble que la vérité & la juftice réclament contre cette affertion. La découverte de ce principe n'eft point due à M. P'Abbé de Condillac. La gloire de cette découverte intéreffante appartient en entier à M. Bonnet, leplus grand Métaphyficien de ce fiècle.

Il ne faut, Monfieur, pour mettre tout Lecteur impartial en état de décider à qui, de M. l'Abbé de

C

Condillac ou de M. Bonnet, il convient de faire honneur de la découverte du principe de la liaifon des idées, que rapprocher ce que difent ces deux Ecrivains fur ce point effentiel de l'Economie de notre être.

Rien de plus fuperficiel que ce que nous enfeigne M. l'Abbé de Condillac fur ce fujet important. Apeine paroît-il l'effleurer. A cet égard, toute fa docrrine confifte à dire que » la mémoire cft une fuite » d'idées qui forment une efpèce de chaîne ; & que c'eft cette liaifon qui fournit les moyens de paffer » d'une idée à une autre, & de fe rappeler les plus éloignées, Traité des Senfations, pag. 17.

[ocr errors]

Vous conviendrez aifément, Monfieur, que ce texte ne dit rien, n'explique rien fur la nature de la liaifon de nos idées. Il n'eft perfonne qui ne puiffe fe convaincre, à la lecture du Traité des Senfations, que l'Auteur n'a pas fongé à expofer la méchanique de la liaifon des idées. Eft-il donc raifonnable de lui attribuer la découverte d'un principe qu'il n'a point entrepris d'analyser?

Il n'en eft pas ainfi du Métaphyficien Genevois Ce génie profond & rapide a jeté fur cette matière ténébreufe des maffes de lumière. On peut dire qu'il a pouflé fi loin l'analyse fur cette question, qu'il eft impoffible de le fuivre, & ne pas fe fentir faifi de furprife & d'admiration.

L'expofition fuccinte de la théorie de ce Métaphyficien fublime, doit intéreffer quiconque aime à s'inf truire.

On fait que nos deux Illuftres Philofophes ont travaillé fur le même plan, & qu'ils font l'un & l'au tre partis de l'idée d'animer une ftatue.

La ftatue, avant d'avoir fait aucun ufage de fes fens, n'a point d'idées. Qu'on approche une rofe de fon nez, au même inftant elle devient un être fentant. Son ame eft modifiée pour la première fois en

deur de rofe..... Le mouvement que la rofe imprime aunerf olfactif, donne lieu à cette modification, que nous nommons odeur de rofe... La fenfation qu'éprouve la ftatue eft une odeur de rofe,& rien au-delà.

Si l'on écarte la rofe, l'ébranlement qu'elle a produit fur le nerf olfactif ne ceffera pas au même inftant. Cet ébranlement eft un mouvement communiqué ; & le mouvement ne s'éteint que par degrés.

Mais quand la fenfation aura difparu entièrement, la ftatue ne pourra la rappeler. Quelque hypothèse qu'on embraffe fur le rappel des idées, il faudra toujours admettre que ce rappel dépend de la liaifon qui fe forme entre les idées. Entendez par liaifon des idées tout rapport en vertu duquel une idée eft caufe de la réproduction d'une autre idée.

La ftatue ne rappellera une idée, qu'autant que cette idée à quelque rapport direct ou indirect avec celle qui l'occupe actuellement; fans cela, il faudroit admettre des effets fans caufe, Et comme on ne fuppofe encore qu'une feule idée dans fon cerveau, elle ne peut la rappeler.

Mais quand cette fenfation, qui affectoit la flatue, a difparu, fon état actuel eft-il précisément le même que celui qui avoit précédé cette fenfation'; ou l'état d'une fibre du cerveau qui a été mise en mouvement, & dont le mouvement s'est éteint, eftil précisément le même que celui d'une semblable fibre qui n'a jamais été mue ?

M. Bonnet entre ici dans une profonde analyfe, & prouve, par les effets de la mémoire, que le mouvement que la rofe a produit fur le nerf olfactif, n'eft point anéanti par la ceffation de ce mouvement. L'état primitif des fibres fur lefquelles la rofe a agi a été modifié, & cette modification eft l'expreffion phyfique de la différence qui eft entre l'état actuel de la ftatue, & celui qui avoit précédé la fenfation.

Si à l'odeur de la rose, on fait fuccéder l'odeur de Paillet, la fenfation de l'œillet rappellera-t-elle celle de la rofe? Et fi elle la rappelle, comment ce rappel s'opérera-t-il ?

Demander fi une certaine fenfation peut rappeler une certaine fenfation, c'eft demander en général comment une idée rappelle une autre idée?

Nous favons que Fame n'acquiert l'idée d'un objet qu'enfuite des mouvemens que cet objet a excités dans le cerveau..... Le rappel d'une idée fera donc la réproduction des mouvemens auxquels cette idée a éré attachée.

Lors donc qu'on demande fi une certaine idée peut rappeler une certaine idée, c'eft demander s'il eft' entre les mouvemens auxquels tiennent ces idées, des rapports en vertu defquels ils foient réciproquement caufe de leur réproduction ?

Les idées fe diverfifient comme les objets; elles font la repréfentation des objets : les idées font liées aux mouvemens du cerveau; ces mouvemens fe diverfifient donc comme les idées.

Mais qu'est-ce qui conftitue proprement cette diverfité dans le cerveau? Différentes fibres, mues par différens objets, donnent-elles naiffance à différentes fenfations? Ou cette diverfité de fenfations dépendelle fimplement de la diverfité des mouvemens imprimés aux mêmes fibres, par différens objets ?

On fent que cette queftion eft étroitement liée à celle du rappel des idées. Il faut donc entrer dans cet examen.. Voyons fi différentes odeurs, par exemple, agiffent fur les mêmes fibres, ou fi chaque odeur a des fibres qui lui font appropriées.

La rofe, en agiffant fur la fibre, lui imprime une tendance à un certain mouvement; car la fibre ne peut fe mouvoir qu'autant qu'il furvient un changement dans l'état primitif de fes parties élémentai

« VorigeDoorgaan »