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d'aller chercher un afyle fous un ciel étran ger, trois grandes Nations écrasées fous le fardeau des impôts, cent cinquante mille hommes égorgés, cinquante mille arraches de leur pays & traînés en efclavage, une multitude de familles victimes des maladies contagieufes, inféparables de la guerre: c'eft à ce prix que trois Puiffances, qui fe croyent fort fenfées, parviennent à obtenir, l'une, un titre puéril; les deux autres, la démolition d'un mur, & l'échange de quelques arpens de terre inculte.

Les talens & la conduite de la plupart des Généraux de l'Empire, ne font guère plus admirables que les caufes & les effets de cette guerre. On y voit un Comte de Neuperg, efprit faux & fubtil, fuperftitieux calculateur de points & de lignes, jaloux de tous les projets dont il n'eft pas l'Auteur, continuellement occupé à combattre par le fophifine les avis les plus fages, fait pour préfider aux détails d'une garnifon, mais abfolument étranger au grand art de la manœuvre. Un Comte Eftérazi à la tête de 10,000 Croates, facrifiant les intérêts de fa Patrie à un fot orgueil, & refufant d'unir Les forces à celles d'un autre Officier Général, parce qu'il eft moins ancien que lui dans le Service. Un Maréchal de Seckendorf, qui fatigue fon armée par des mouvemens inutiles, donne des ordres le matin, les révoque le foir, rejette fur autrui le dommage qui en résulte, favorise le brigandage

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des Fourniffeurs de vivres, eft accufé de partager avec eux les fubfiftances du Soldar. ne paroît diriger fes opérations qu'afin de s'enrichir par le pillage. Un Comte de Vallis, incapable de profiter des fautes des ennemis,. & de réparer les fennes: Général fervilement attaché aux minuties & au pédantifme de fon art; également ridicule, & lorsqu'il fait un crime à fes Troupes de porter le fufil deux lignes trop bas fur l'épaule, & lorfqu'il laiffe manquer d'artillerie à Bellegrade affiégé, fous prétexte que les canons de la citadelle ne doivent point faire le fervice de la ville, & lorfqu'il refufe d'enlever un convoi dont les alliégeans ont le plus preffant befoin, fous le prétexte, non moins ridicule, qu'il n'eft pas de la dignité d'un Général de refter fous la tente fans l'appareil: d'une multitude de Régimens oififs.

Les Troupes Ottomanes & ceux qui les commandent préfentent un fpectacle différent, mais aufli déplorable: des hommes fans lumières, fans expérience, ennemis des arts & de la difcipline, fe précipitant au hafard comme des tigres déchaînés; quelque fois heureux dans les combats, par les vices: & les fautes de leur ennemi; mais trop ignorans pour tirer parti de la victoire, ils l'abandonnent en vaincus; s'enfuient jufqu'à vingt lieues quand ils ont perdu mille hommes fur cent mille: réduits à fe défendre ou à harceler leur adverfaire, ils femblent n'avoir Sam. 11 Novembre 1780.

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pas encore les premiers élémens de la guerre offenfive de poftes & de bataille, de ces favantes manœuvres pour l'attaque & la retraite en ufage parmi nous depuis un fiécle.

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La Ruffie offre un afpect plus impofant: on entrevoit de la fageffe dans fes confeils de la grandeur dans fes deffeins, de la conftance dans fes entreprises, de l'énergie & de la capacité dans fes Généraux, & dans fes Soldats une difcipline févère, & cette intrépidité froide, contre laquelle viennent fe brifer la fougue Ottomane & fon horrible fanatifme. Chez ce peuple naiffant, le courage eft fans fafte, les ames ont la vigueur: d'une nature encore fauvage, & les refforts du Gouvernement concourent à les affermir on en reconnoît la force jufques dans les récompenfes & les peines militaires. Un Détachement Ruffe a négligé les précautions que preferit la difcipline, il eft furpris & battu par les Turcs; auffitôt les coupables font jugés; l'Officier en Chef fubit la peine de mort Major, Brigadier, Lieutenant-Général, un Prince de la Maifon de Cantacuzène font dégradés & condamnés à descendre au rang de fimples Dragons.

Au milieu des actions honorables pour la Ruffie, on en remarque une dont le fouvenir fait horreur: c'eft la mort de Sainclair i Officier Suédois, envoyé à Conftantinople avec des pouvoirs de Négociateur, & lâche

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ment affaffiné par les Émiffaires de la Cour de Saint-Pétersbourg. On faura gré à M, de Kéralio d'avoir recueilli dans fon Ouvrage tous les détails relatifs à ce forfait. Il eft important d'expofer ces atrocités au grand jour, & de les dénoncer à l'indignation publique, afin d'intimider ceux qui feroient tentés de les renouveler.

Sainclair ayant rempli l'objet de fa miffion, quitta Conftantinople pour fe rendre à Stockolm. Il avoit pour compagnon de voyage un Négociant François, nommé Couturier. Lorfqu'il arrive à Kotchim, le Bacha lui fait voir une lettre écrite en Polonois. qui promettoit une grande récompenfe à ceux qui pourroient arrêter le Major Sainclair. Un Polonois venu de Varfovie confirme cet avis, & ajoute qu'il doit le garder de fuivre la route de Lemberg, parce qu'on l'y attend. Le Bacha fait escorter Sainclair jufqu'à Stanislaw, & lui donne des lettres pour le Palatin de Kiv. Dans une Auberge de Breflau les deux Voyageurs virent arriver le Capitaine Kutler, le Lieutenan: Levitski, accompagnés de quatre hommes revêtus d'habits de livrée; l'un d'eux fe dit BasOfficier, & les autres Dragons. Ces Ruffes partirent de l'Auberge vers minuit avec leurs Gens & deux Poftillons. Sainclair & Couturier étoient en chaife de pofte; on les atteignit vers trois heures du foir près du village de Zauche; leur Poftillon reçut l'ordre

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de s'arrêter; alors Kutler s'avance, falue très-poliment le Major, & lui demande en François : :«n'êtes-vous pas M. Sainclair? "Oui. Je me vois avec peine obligé de vous annoncer qu'il faut retourner fur vos pas vous favez que lorfqu'un homme d'honneur eft chargé de quelque ordre, ❞ doit les exécuter, Sainclair lui ayant demandé quels étoient ces ordres, le Ruffe lui répondit avec beaucoup de politeffe: vous » les verrez, Monfieur, au premier endroit » commode, & reconnoîtrez que vous » n'êtes pas entre les mains de voleurs de grand chemin, "

Ils repafsèrent le Village, & prirent le chemin de Chriftianftadt, par Heide & Furftenau. A ce dernier endroit, Couturier remarqua que l'Officier Ruffe donnoit des ordres fecrets. Quelques momens après, il lui repréfenta combien il étoit furpris de fe voir detenu comme un prifonnier, Kutler lui répondit par un fourire dédaigneux.

Sainclair & Couturier infiftent pour fa voir fur quel ordre ils font arrêtés, & à quel endroit on les méne. Alors Kutler leur montre un papier revêtu d'un grand fceau; il l'ouvre à moitié, en leur difant: » Les », voilà, puifque vous les voulez voir, Ils » portent que Sainclair étant chargé de Mé»moires que l'on tient pour dangereux, il "eft enjoint à moi Kutler, de l'arrêter. par» tout où je le pourrai joindre, & de m'af » furer de la vérité.

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