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PIÈCES FUGITIVES, fuivies de quelques airs notés , paroles & mufique, par M. J. B. Roche. A Amfterdam, & fe trouvent à Nantes, chez l'Auteur, Place de Bretagne, & P. J. Brun, Imprimeur-Libraire, 1780.

RIEN n'eft plus difficile que de faire d'excellens Vers, même de jolis Vers; rien n'eft plus facile aujourd'hui que d'en faire de médiocres. Nous avons tant de poéfies, nous fommes fi riches fur-tout en pièces fugitives, que faire des Épîtres ou quelques. Madrigaux bien tournés,devient presque une opération de mémoire. La collection de l'Almanach des Mufes peut en fournir une preuve qui fe renouvelle tous les ans. Nous voyons chaque année, au bas de Pièces agréables, des noms nouveaux, obfcurs, & qui le feront encore malgré ces titres auffi fugitifs que ces Poéfies; mais c'eft juftement l'abondance de ces richeffes poétiques: qui rend le Public dédaigneux, & rien n'eft plus difficile peut-être que de faire réuffir aujourd'hui un Recueil de Pièces fugitives. Tel Poëte qui,par diverfes Poéfies difperfées: dans des Recueils ou jetées dans le monde, s'étoit prefque immortalifé, voit mourir fa gloire fubitement dès qu'il a raffemblé fes titres poétiques.

D'après ces réflexions, on fent quelle févérité un Auteur doit mettre dans fon choix

quand il recueille pour le Public ce qu'il avoit écrit pour la Société.

M. J. B. Roche, dont nous annonçons les Poéfies, a cédé trop complaifamment à cet amour paternel dont il parle dans fa trop longue Préface. Il paroît avoir raffemblé tous les petits Vers qui lui font échappés dans fes loifirs. On trouve, dans fon Recueil, de tous les genres de Poéfies, jusqu'à des Rondeaux, des Énigmes & des Ariettes. On y voit auffi des Vers qu'il appelle enfantins: ce font des complimens faits à des Mamans, & qui n'auroient pas dû fortir de leurs familles. Ces Poélies font mêlées aufli de fragmens de Profe, quelquefois de deux lignes. Le grand défaut de ces Ouvrages, c'eft le défant d'idées & la monotonie; la verfification en eft fouvent facile, mais le ton en eft toujours le même. Quelquefois aufli le ftyle en eft entortillé & précieux, comme dans ces Vers qui terminent un bouquet à Mademoiselle L. T. Les fleurs ayant refufé d'aller s'offrir à la Demoifelle, de peur d'être effacées la fraîcheur de fon teint, l'Au teur finit par ces réflexions:

par

Entre nous les fleurs ont raison;

Vénus en eût dit autant qu'elles :

Votre minois eft un fripon

Fait pour défefpérer les belles.

Il n'eft point de bouquet pour vous;

Mais ne regrettez pas un fi foible avantage.

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Quand des cœurs on fixe l'hommage, On peut des fleurs méprifer le courroux.

L'Auteur auroit peut-être bien de la peine à nous expliquer ce que tout cela veut dire. Nous allons tranfcrire une épigramme qui vaut mieux que ces vers-là. Le Poëte l'a intitulée Réflexion.

Petit Seigneur, petit Savant,

Furent toujours d'une rudeffe extrême :
Tel infulte au Ciel, à Dieu même,
Et redoute un Bonze ignorant.

On ne voit courtisan fi mince,
Qui mieux qu'un Roi n'impofe le tacet,
Pour aborder Monfieur le Prince,
Flattez Monseigneur fon Valet.

SPECTACLES.

ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.

CONSIDÉRÉ comme œuvre dramatique, & relativement à l'intérêt que le Théâtre exige, l'Opéra de Perfée eft une des plus médiocres productions de Quinault; vu comme Pièce à Spectacle, c'eft un des Ouvrages de cet Auteur dont l'ordonnance & les proportions méritent le plus d'éloges. Chacun des cinq Actes qui le compofent, préfente un tableau

dont l'effet contrafte parfaitement avec ceux qui le fuivent ou le précèdent; en un mot, il y règne, depuis l'expofition jufqu'au dénouement, une variété ménagée avec tant d'art, que fi l'intérêt du fond répondoit à ce qu'a de louable la diftribution des acceffoires, l'Académie Royale de Mufique ne pourroit guères citer d'Ouvrage qui pûr lui être com→ paré. Malheureusement l'usage qu'on y a fou vent fait de la Mythologie & des, reffources qu'elle produit, n'eft pas toujours conforme aux règles du goût: il doit même paroître ridicule aujourd'hui, que les efprits, déjà familiarifés avec des moyens nouvellement introduits au Théâtre de Polymnie, ne -veulent plus fe prêter à l'illufion qu'on s'eft -faite pendant près d'un fiècle, fur le jeu de certaines machines, comme les vols, la marche des monftres, &c. &c. objets qu'on s'accorde unanimement à renvoyer aux Spectacles des Remparts. Plus malheureusement encore, l'Homme de Lettres qui a réduit à trois Actes l'Ouvrage de Quinault, mérite lui-même, au moins à notre avis, des reproches affez graves. L'eftime que l'on doit à fes talens nous impose la loi d'être auffi févères que juftes, dans les critiques que nous allons faire; & perfuadés, comme nous le fommes, qu'il eft plus fait qu'un autre pour aimer la vérité, nous la lui préfenterons avec le même courage que nous mettrons toujours à l'entendre, quand on voudra bien nous la montrer.

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Qu'en un lieu, qu'en un jour, un feul fait accompli Tienne jufqu'à la fin le Théâtre rempli,

a dit le Législateur du Parnaffe. Ce principe, qui eft de rigueur pour le Théâtre de la raifon, n'eft pas fufceptible d'être admis fur la Scène des illufions; mais le goût affigne des bornes, même aux vraisemblances les plus étendues,& femble exiger'qu'au moins à l'Opéra, chaque Acte fe palle en entier dans le même licu. Pour ne parler que de Perfée, Quinault s'eft foumis à cette règle, qui nous paroît fage & faite pour être adoptée par tous les bons efprits. Les deux premiers Actes du nouveau Poëme péchent contre ce principe, dont l'oubli diminue encore le peu d'intérêt. que le fujet comporte. Il n'eft pas adroit d'avoir placé les premières Scènes dans le veftibule du Temple de Junon, de faire entrer tour-à-tour tous les Perfonnages dans l'intérieur de ce Temple, pour les en faire fortir à la Scène cinquième, précédés ou fuivis des Prêtres & du Peuple. Pourquoi n'avoir pas confervé l'idée de Quinault? Il a tout fimplement chaifi pour la Scène de fon premier Acte, une place publique, difpofée pour y célébrer des jeux en l'honneur de Junon; & fon idée eft analogue aux ufages des anciens qui, dans les grands événemens, choififfoient les lieux élevés & découverts pour y célébrer leurs fêtes.

A la fin du premier Acte de Quinault, les jeux font interrompus par la nouvelle qu'ap

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