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du jour, les Maures s'avancèrent jufqu'aux glacis en pouffant de grands cris & en faifant feu de leurs fufils, dont quelques balles entrèrent dans les redoutes & les fortins. On leur répondit par un feu de moufqueterie & de canons chargés à mitraille, ce qui les fit éloigner précipitamment ; ils perdirent dans cette occafion beaucoup d'hommes & de chevaux ; de notre côté nous eûmes un Mogatace tué, un foldat bleffé dangereufement & quatre autres légèrement; le Capitaine de la Compagnie des Mogataces & D. Francifco de Cazas, Lieutenant du régiment d'Afrique, Infanterie, reçurent auffi de légères contufions. Le Bey fe tint hors de la portée du canon, obfervant tout avec fon cortége, & difparut entre neuf & dix heures du matin avec la meilleure partie de fes troupes: le refte du jour on ne vit plus que quelques Maures courant la campagne à pied & à cheval, & lâchant des coups de fufils, fans direction ni objet déterminé. Dans la matinée du 15, quelques partis plus ramaffés le montrèrent, toujours hors de la portée de l'artillerie : on obferva auffi que le Bey faifoit certains mouvemens avec une groffe colonne de cavalerie dans un endroit oppofé à celui où il nous avoit attaqués la veille, mais aux premiers coups de canon des nôtres, il difparut encore, fans que de. puis on ait découvert aucun ennemi. On a fu par un efpion Espagnol, qui eft entré dans la place le 16, que le même jour de grand matin le Bey s'étoit retiré à Mafcarée, très-irrité de ce que nos troupes n'étoient pas forties pour le combattre en rafe campagne; que ce Bey regardoit cette conduite de notre part, comme une marque de mépris, & que pour s'en venger il avoit promis so fequins de gratification pour chaque Chrétien ou Mogatace qui lui ferait préfenté mort ou vif; que le camp de ce Bey étoit compofé de 5000 hommes,

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dont 2000 de cavalerie & 3000 d'infanterie ; que les Maures avoient fait des recherches inutiles pour découvrir les fources ou les conduits fouterrains qui fourniffent de l'eau à la ville d'Oran.

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On nous informe auffi dans une dépêche du 23, que D. Pedro Guelli ayant eu avis qu'une bonne partie du bétail des ennemis paffoit dans les environs, fous une foible escorte, il avoit ordonné 70 Mogataces de l'aller enlever, & que ceuxci revinrent dans la matinée à la place avec 1300 pièces de bêtes à laine, fans avoir tiré un coup de fufil, les bergers & l'efcorte ayant pris la fuite à la vue du détachement «<.

ANGLETERRE.

De LONDRES, le 6 Novembre.

LE Gouvernement n'a rien publié des dépêches apportées par le paquebot parti le 3 Septembre de la Jamaïque & arrivé le 26 Octobre. Les lettres particulières en confirmant le départ du Comte de Guichen, ne parlent pas du nombre des vaiffeaux qu'il a emmenés avec lui; on ne le faura certainement qu'à fon arrivée en Europe; & alors on pourra juger des forces qu'il aura laiffées après lui, & de celles qu'il aura pu faire paffer à Rhode Island. En attendant elles ne donnent pas une idée favorable de l'expédition de Nicaragua. La lettre fuivante écrite de St-Juan en date du 10 Août, préfente ainfi l'état de nos troupes.

» On ne peut exprimer l'état de détreffe 'où nous fommes réduits. On nous avoit affuré que nous partions pour une expédition d'où nous reviendrions

comblés de richeffes & de gloire, & qu'il ne falloit, pour y réuffir, que favoir fupporter les fatigues les plus extrêmes, & fe battre comme des lions; nous y étions bien déterminés; mais nous ne tardâmes pas à éprouver des maux que nous n'aurions jamais pu imaginer, & dont l'énumération tiendroit des volumes. Pendant plufieurs femaines, nous luttâmes contre le courant du fleuve, alternativement exposés la nuit & le jour à un foleil brûlant, à un vent glacial & à des torrens de pluie. Nous avons fupporté tout cela, animés par l'honneur que nous allions acquérir en furmontant ces difficultés, & en nous emparant du Fort Saint-Jean, qui devoit nous ouvrir l'opulente Province de Nicaragua, où, felon nos calculs, il y avoit telle Eglife dont le pillage nous fourniroit affez de tréfors pour charger cinquante mulets.-Nous avons été trompés dans notre attente. Nous avons pris le Fort, mais faute d'un renfort fuffifant, cette conquête a été le terme de nos progrès, & bientôt nous nous fommes vus réduits à une demie ration de la plus mal-faine nourriture. Il y a cinq mois que nous fommes ici manquans de tout & en butte aux moqueries continuelles des Efpagnols. Les mauvais alimens, l'infalubrité du climat, ont produit une maladie générale, qui par le grand nombre de fes victimes, mérite bien le nom de pefte. Pendant que nous nous voyons ainfi périr fans gloire, les Espagnols ont raffemblé leurs troupes, & fait de tels préparatifs de défense, qu'il eft actuellement impoffible d'effectuer avec fuccès une invasion dans leur territoire, fans des forces fix fois plus confidérables que celles qui euffent été néceffaires à notre arrivée ici. Dans ma dernière lettre je vous avois parlé de notre projet d'attaquer un pofte qu'ils avoient fortifié, pour nous fermer l'entrée du Lac. Tout notre espoir dépendoit du fuccès de cette attaque; elle a échoué. Tandis que

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nos petites forces fe fondoient ainfi, celles des Ef pagnols groffiffoient à vue d'œil, & nous apprenons à préfent, à nos dépens, que le Fort Saint-Jean n'étoit qu'une amorce qu'ils nous avoient jetrée. -Nous ne fommes plus occuppés qu'à déplorer notre mifere, & à charger d'imprécations leur auteur, qui, fur un espoir éloigné d'acquérir des richeffes & de l'honneur, nous a précipités dans cet abyme de maux. Affurément nos loix font bien défectucules, puifqu'en même-tems qu'elles dévouent à une mort honteufe le meurtrier d'un feul homme, elles laiffent vivre avec impunité, avec honneur même, le monftre qui en facrifie des milliers à fon ambition. La guerre a les fatigues & fes dangers auxquels tout foldat doit s'attendre ; mais qu'un corps de braves gens foit ainfi cerné dans un déferr où, fans voir l'ennemi, il fe détruit par la famine & par les maladies, c'est un évènement dont l'hiftoire du monde entier n'a peut-être pas encore offert d'exemples.

Cet état des chofes eft encore confirmé par la lettre fuivante de Kingfton, en date du 2 Septembre.

L'Ifle a été dégarnie de tout ce qu'il y avoit de gens robuftes & bien portans, que l'on a voulu joindre aux troupes deftinées à l'expédition contre des territoires Efpagnols. Leur départ nous a fait un tort irréparable. Quant aux troupes, je me contenterai d'obferver que lors de leur embarquement, il s'en falloit de beaucoup que nous cruffions n'avoir rien à craindre pour nous-mêmes. Les forces de l'ennemi dans le voifinage rendoient notre fituation très-dangereuse; nos alarmes alloient jufqu'à la confternation, & il fut reconnu dans un confeil de guerre, que la loi martiale feroit beaucoup de mal au pays, fans le mettre à l'abri du péril qui le menaçoit. On nous recommanda de nous conformer exactement à cette loi, qui, pendant huit jours,

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fut à-peu-près notre feule lecture-- Je ne doute point que le Gouverneur n'ait agi conformément à fes inftructions; mais certe Ifle a des droits à des égards particuliers. Il eft poffible qu'il reçoive des reproches pour n'avoir pas confidéré la fûreté de la Colonie comme fon premier & fon principal objet ; & fi les Miniftres ne tiennent pas ce langage, ce fera certainement celui de la majeure partie des habitans de la Jamaïque & de tous ceux qui font intéreffés à fa confervation. Quant à l'expédi tion, quelques perfonnes prétendent que fon plan étoit bien conçu, mais qu'il a été exécuté trop tôt, & que c'est à cette précipitation feule qu'il faut attribuer tous les maux qui en ont réfulté. Quoiqu'il en foit, elle n'en coûte pas moins la vie à plus de mille braves gens, & environ un demimillion fterling à la Colonie; nous n'y avons gagné qu'un affreux cimetière, où il n'y a point allez de terre pour couvrir les cadavres de ceux qui font morts & qui mourront encore. On vient d'apprendre que les troupes Britanniques ont entièrement évacué le Fort Saint-Jean, & font arrivées à l'embouchure de la rivière. La maladie, loin de diminuer, continue de faire les plus grands ravages; & à moins qu'on n'envoie très - inceffamment un renfort considérable, nous ne reverrons pas un feul homme. Il court diffétens bruits relativement aux mefures ultérieures que l'on doit prendre, mais l'opinion la plus générale, c'est qu'il va être envoyé au plutôt des tranfports pour ramener ici les débris de cette malheureuse expédition.

On est toujous perfuadé ici que l'Amiral Rodney a pris la route de New - Yorck. L'état de cette place dans un moment où elle eft fi vivement menacée y rend fa préfence très-néceffaire, & il est toujours à craindre qu'il n'y arrive qu'après que les grands

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