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les engage, à force de douceur, d'atten tions, de bontés, à revenir fincèrement à la véritable religion. C'eft à quoi rend toute fon inftruction fur de zèle, qu'il paroît avoir donnée lorsqu'il étoit Cardinal.

Son Difcours fur la Superftition annonce une ame élevée, autant qu'une raifon éclairée. Il y fronde les faux dévots qui furent fi fouvent anathématifés par le Législateur même, & qui n'ont exactement que l'écorce de la piété. Plus la Religion eft fainte & vraie » dit Ganganelli, plus elle exige qu'on détrompe les fidèles fur tout ce qui tient à la fuperftition; c'eft pourquoi » S. Paul recommande expreffément à Timothée de ne point écouter les contes & les fables ».

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Lé refpect que ce Saint Pontife avoit pour la doctrine des Pères de l'Eglife', n'étoit point en lui un fentiment aveugle. C'étoit plutôt l'effet de fes connoiffances profondes, & de l'étude affidue de la tradition. « Je n'ai point remar » qué, écrit-il au P. Berti, Auguftin, » que la doctrine de S. Thomas foit

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en contradiction avec celle de S. Auguftin, fur les matières (de la grâce &

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» de la prédelination). Plus Ganganelli avoit médité les principes de ces deux Saints Docteurs, que la divine Providence avoit donné à l'Eglife pour conferver la pureté de l'ancienne foi, & pour l'expliquer d'une manière plus claire & plus diftincte, plus il s'étoit convaincu qu'il y avoit entr'eux, fur tous les points de la Doctrine Chrétienne, une confor mité entière & parfaite. Ces illuftres témoins de la tradition, ont configné dans leurs Ouvrages, avec autant de force que d'unanimité, que, par le péché du premier homme, fa malheureufe poftérité n'est devant Dieu que comme une foule de débiteurs infolvables; qu'il peut les immoler tous à fa juftice, fans qu'aucun d'eux ait droit de fe plaindre; qu'il en retire cependant plufieurs de la maffe de perdition, pour faire éclater fur eux les ticheffes de fa miféricorde; que les bonnes œuvres des Saints ne font ni le principe ni le motif de fon choix, puifqu'elles en font le fruit; que la plus dangereufe maladie de l'homme, eft ce penchant violent qui l'entraîne vers les chofes vifibles & paffagères ; mais que Dieu nous a préparé,par les mérites de fon fils, un remède puiffant, c'eft-à-dire de I. Vol.

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chaftes plaifirs capables de furmonter, par un fentiment plus vif & plus pénétrant, les fauffes douceurs de la concupifcence; que Dieu, qui eft plus intime à notre ame que notre ame ne l'eft à elle-même, nous fait fentir au fond du cœur qu'il eft lui feul notre fouverain bien, seul digne d'être aimé pour lui-même, feul capable de nous rendre éternellement heureux; mais qu'il ne fe contente pas de nous inviter au bien par de faints attraits, qu'il en produit lui-même. l'amour dans notre cœur par une opération auffi douce que puiffante. Ce n'eft donc qu'en réuniffant fur ce point effentiel, la doctrine de S. Auguftin & de S. Thomas, comme le faifoit Ganganelli, qu'on peut fe former une jufte idée de la vraie fource de la justice Chrétienne. Mettre ces deux Saints Docteurs en oppofition, c'eft ou ne pas affez connoître la nature du cœur humain, & le grand reffort qui le remue & le fair agir, ou avoir une foible idée de cer empire fouverain, que la caufe première exerce fur tous les ouvrages de fes mains, & fur notre ame, comme fur les autres créatures. On lit toujours avec un nouveau plaifir, les vers admirables du fils du grand Racine (Poëme fur la

Grâce), où l'on a fu fi bien concilier. l'exactitude févère du dogme théologique, avec les agrémens de la Poésie.

Notre cœur n'eft qu'amour : il ne cherche & ne

fuit,

Qu'emporté par l'amour dont la loi le conduit.
Le plaifir eft fon maître: il fuit fa douce pente,
Soit que le mal l'entraîne ou que le bien l'enchante."
Il ne change de fin que lorsqu'un autre objet
Efface le premier par un plus doux attrait.
La grâce qui l'arrache aux voluptés funestes,
Lui donne l'avant goût des voluptés célestes,
Le fait courir au bien qu'en elle il apperçoit,
Voir ce qu'il doit chérir,& chérir ce qu'il voit.
C'eft par-là que la grâce exerce fon empire:
Elle-même eft amour, par amour elle attire;
Commandement toujours avec joie accepté;
Ordre du Souverain, qui rend la liberté;
Charme qui, fans effort, brife tout autre charme ;
Vainqueur qui plaît encor au vaincu qu'il défarme.

La grace fe plaît-elle à la gêne du cœur?
Nou, fes heureufes loix font des loix de douceur.

Voici comme le Prince de nos Poëtes s'exprime dans fon Poëme épique, fur ces mêmes vérités. C'est dommage que

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les Théologiens ne puiffent pas, comme l'a fait S. Profper, employer quelquefois les ornemens de la Poéfie, & abandonner la forme sèche du fyllogifme.

On voit la liberté, cette efclave fi fière,

Par d'invifibles nœuds en ces lieux prifonnière;
Sous un joug inconnu que rien ne peut briser,
Dicu fait l'affujétir fans la tyrannifer ;
A fes fuprêmes loix d'autant mieux attachée,
Que fa chaîne à fes yeux pour jamais eft cachée,
Qu'en obéiffant même elle agit par fon choix,
Et souvent aux deftins pense donner des loix.

Revenons au volume de Ganganelli,
dont nous aurions voulu pouvoir mul-
tiplier les extraits. Il eft terminé
par un
Eloge latin de ce grand Pape, imprimé
à Rome l'année dernière, & dans lequel
on renvoie les Lecteurs à l'édition de

fes Lettres publiées en France, pour le bien apprécier.

Les particularités données par le Frère François, fur la vie privée de Ganganelli, & qu'on a fagement rapportées dans ce troisième & dernier tome, ne peuvent manquer de plaire à ceux qui aiment à voir les grands Hommes fans pompe & fans apprêts.

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