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Lui ricannoit au nez, & ricannoit encor
A Quand il retournoit à fa cage.
Rire aux dépens, & de qui? d'un Juré !
O crime! ô fureur! ô vengeance!
- De ces is importuns outré,

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Mon Boffu fièrement s'avance: - Savez-vous bien qué cé ton me déplaît, Lui cria-t-il d'un air de fuffifance?

A vous ? répondit l'autre : Eh! que vous ai - je » fait?

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» De vos dédains, de vos mépris:

Pourquoi riez-vous quand je paffe?
Pourquoi paffez-vous quand je ris? »
Par le même.

ABAIRAN, CALIFE DE BAGDAT.

Anecdote Orientale.

ABAIRAN, Calife de Bagdat, chaffoit dans la forêt voisine de cette ville fuperbe. Fatigué d'une longue courfe, il fe couche far un gazon Aeuri, au bord d'un ruilleau, fort loin du gros des

chaffeurs. Le doux murmure des eaux. Pinvitoit au fommeil, il s'endormit, A peine avoit il fermé l'œil, qu'il fut foudainement éveillé par l'attouchement léger d'un lézard. Le premier mouve ment du Calife fur de murmurer de l'importunité du reptile. Mais en ouvrant les yeux, il apperçut à quelques toifes un énorme ferpent qui s'élançoit vers lui. Il fe leva précipitamment, prit fon libérateur qui s'étoit gliffé fous le pan de fa robe, & s'enfuit au plus vite. Cet événement le remplit d'une fi vive reconnoiffance pour l'animal qui lui avoit fauvé la vie, qu'il le chérit & le nourrit dans fon palais avec une tendroffe toute particulière. I lui donnoit à manger lui-même dans fa main, & le mettoit fouvent dans fon fein. Au bout de quelque temps, la fanté du Calife, parut altérée. Son teint fleuri étoit devenu pâle & fivide; le feu de fes yeux étoit éteint: Il avoit perdu l'appétit. En un mot, tout indiquoit une maladie de langueur, une confomption dont la caufe étoit ignorée. Les Sages de Bagdat furent appelés ; mais PAnge de la mort fembloit avoir étendu fon bras fur la tête du Calife. Le mal empiroit chaque jour. Un étranger fe

préfenta pour le guérir. On refufa d'abord fon offre. On le prenoit pour un de ces empyriques errans, qui vont de ville en ville, abufant de la confiance de ceux qui ont recours à eux. L'étranger infifta, & offrit fa tête au cas qu'il ne réuffit point à guérir Abairan, Alchament (c'étoit le nom du Médecin étranger) fut introduit devant le Calife malade. Il le regarda fixement pendant quelques minutes, & affura que fa maladie étoit un effet du poifon fubtil de l'animal qu'il mettoit fouvent dans fon fein, & qu'il careffoit entre fes mains. Ce venin lut avoit affecté la maffe du fang. Pour remède, il lui donna une phiole d'un élixir, dont il lui recommanda de prendre quelques gouttes deux fois par jour, le foir & le matin. Abairan ceffa de careffer fon lézard, prit la médecine, & fe trouva bientôt rétabli. Le fommeil, l'appétit & l'embonpoint revinrent. La fleur de la jeuneffe reparut fur fon teint. Le Calife raconta à fon Médecin par quelle raifon il avoit pris tant d'affection pour cet animal, jufqu'à vouloir que fon palais lui fervit de demeure. Il lui offrit la même marque de reconnoiffance, & le pria de lui demander ce qu'il voudroit pour ré

compenfe de lui avoir rendu lavie Alchamen lui répondit modeftement: magnifique Seigneur, le plaifir de faire du bien eft une récompenfe fuffifante pour un cœur généreux. L'homme bienfaifant. goûte plus de fatisfaction à rendre fervice à fes femblables, que ceux-ci n'en trouvent à le recevoir. Si tu me crois digne de quelque grace pour le bien que, je t'ai fait, je te demande la permiflion, de quitter cette ville pour retourner dans. ma folitude, où je nourris mon ame de la méditation & de la fageffe, 11 eft vrai tu es un Prince doué de toutes les vertus fociales: ton regne eft beni de tes Sujets, & admiré de tes voifins; mais je dois, autant fair ton amitié, que les autres la recherchent. L'air de la Cour pourroit me devenir aufli fatal, que le venin du lézard l'a été au Calife mon Seigneur. Pardonne la liberté de ton ferviteur. C'eft le caractère d'un Philofophe, comme la grandeur est celui d'un Prince. L'amitié eft fondée fur l'égalité des conditions & la conformité des defirs: la vertu peut la cimenter, mais elle ne fuffit pas pour

Tétablir. Confi lère la diftance immense qu'il y a de toi à moi, & quels inconvéniens en réfulteroien pour nous deux,

Tu as été élevé dans un Palais fur la pourpre, à l'ombre du Trône; & moi dans la folitude, fous un toit ruftique. Tu es chargé de faire te bonheur d'un million d'hommes, fi tu veux être heureux toi-même ; & moi je trouve mon bonheur dans la contemplation de la vérité, loin du fafte & de la grandeur. Pourrions-nous vivre long-temps enfemble, fans que nos goûts particuliers ne s'altéraffent mutuellement aux dépens du plaifir attaché à les fatisfaire ? Comment remplirois-tu les devoirs de la dignité royale, fi tu venois à te livrer aux douceurs de la vie contemplative? Et comment pourrois-je vivre heureux, fi j'ouvrois mon coeur à l'ambition des honneurs pour lefquels je fens que je ne fuis fait? Je fuis venu te rendre la fanté par le même principe qui te fait gouverner tes Sujets avec équité, avec bonté. Continuons à vivre chacun dans le ráng où le Ciel nous a placés. Vivons féparément, puifque nos conditions font incompatibles. Une trop grande communication nous corromproit l'un l'autre, comme ton lézard t'avoit infecté de fon venin.

pas

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