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dit-on, & ne fut point aimé. Jeune encore, il mourut confumé d'une paffion funefte. Le Berger expirant eft étendu fur l'herbe. Ses troupeaux, couchés languiffamment autour de lui, pouffent des cris plaintifs. Les Pafteurs l'environnent, & l'interrogent fur les motifs fecrets de fa douleur.

Vénus approcha de lui, dit le Poëte. Elle déguifoit fon courroux fous un fourire aimable. Daphnis, dit elle,

❤ Tu défiois l'Amour, & l'Amour t'a vaincu. »O Vénus! lui dit-il, ô cruelle ennemie !

Tu triomphes; je touche au terme de ma vie ; Mais jufques dans l'horreur du ténébreux fé≫ jour',

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Mes malheurs ferviront de reproche à l'Amour. » Vas fous les hauts cyprès dont l'Ida fe couronne, Près des buiffons fleuris, où l'Abeille bour

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» donne,

Jure au Pasteur Anchise une éternelle foi:

» Adonis, qui te plût, fut Berger comme moi.

Adieu belle Aréthufe; adieu valtes forêts;
Et vous, monftres errans, qu'ont pourfuivis mes
≫ traits ;

» Collines du Tymbris, Fleuves de la Sicile,

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Où mes troupeaux laffés puifoient une eau tran quille; and

Echo qui répondois à mes chants affidus Champs aimés, bois heureux, je ne vous verra » plus. dol..

» Il dit, & reposa sa tête languissante :

» Vénus veut foulever cette tête charmante, Elle fent défaillir ce corps inanimé.

T

Ainfi mourut Daphnis: les Nymphes l'ont aimé, Et les filles du Pinde ont chéri fa jeuneffe.

On trouve dans ces vers de l'agrément, de la douceur, une molleffe élégante; & cette mélancolie tendre, qui fait le carac tère du fujet, femble avoir paffé dans le ftyle.

La même pièce nous préfente des vers d'un autre genre, & dont le mérite eft 'de bien rendre plufieurs détails difficiles. Telle eft la defcription d'un vafe promis par un Berger pour le prix du chant, & fur lequel font repréfentées, au butin, plufieurs figures. Je ne citerai que ceuxci, dont la marche, l'harmonie & les fonts femblent être parfaitement affortis à l'objet qu'on veut peindre.

Là, le vieil Alcidon, fur la pénible arene,

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Soulève un lourd filet qu'avec effort it trafne:

H marche; on croit le voir tous les membres
roidis

Font faillit de son corps les muscles arrondis.
Son front est déjà vieux, son bras est jeune en-

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regat

La feconde Idylle, intitulée l'Enchan tereffe, peut paffer pour le chef-d'œuvre de Theocrite. On dit que Racine la doit comme un des plus beaux ouvrages de l'antiquité; & il n'a pas dédaigné luimême d'en emprunter quelques traits pour peindre la paffion & le caractère admirable de Phèdre Le titre indique le fujet. C'eft une jeune fille qui fait un enchantement pour ramener à elle fon amant qui l'abandonne. On y trouve l'égarement & le trouble d'une paffion violente & malheureufe, avec la reinte fombre d'une cérémonie magique, qui fe fait dans le filence & l'ombre de la nuit. C'est l'amante trahie qui parle ellemême. D'abord elle indique les apprêts du facrifice qu'elle ordonne, & qui fe prépare fous les yeux. Elle s'écrie touta-coup:

Parois, aftre des nuits, aftre pur & tranquille; Parois, terrible Hecate, à mes chants fois docile, Apporte à ma douleur les fecours les plus promptss Fais choix, pour me fervir, des plus mortels.poi fons:

Quand, parmi les tombeaux, tu marches en filence,

Les chiens épouvantés heurlent en ta préfence. Art puissant de Circé, rendez-moi mon Amant.

Le facrifice continue, & les cérémo nies s'achèvent. Elle croit entendre des fons funèbres; elle croit voir Hécate, la Déeffe des enchantemens.

Le bruit ceffe; par-tout régne un cafme tranquille, Les vents fonten repos; la mer eft immobile ;

Tout fe tait:

tout fe tait! le cri de la douleur S'élève, & retentit dans le fond de mon cœur. O tendreffe! ô fermens que mon Amour réclamer

Que vois-je ? Quel objet m'ose-t-on présenter?
La voilà cette treffe avec art enlacée,
Dépouille de l'ingrat entre mes mains laiffée,
Gage de fa tendresse.... Ah! périsse à jamais
Ce gage menfonger des fermens qu'il m'a faits.

Elle renvoie une femme, confidente &

témoin de fes douleurs. Demeurée feule,
elle s'adreffe à la nuit ; elle fe rappelle
l'hiftoire des maux qu'elle a foufferts, le
commencement & les progrès de cette
fatale paffion. C'eft dans un Temple
c'eft au milieu d'une
pompe facrée que
commença fon amour. Elle fe plaît à
retracer jufqu'aux moindres circonstances
de cette fête. Hélas! dit-elle x

A ces folennités je me vis entraînée;
Malheureufe! qui peut prévoir sa destinée ?
Autour de moi, le lin de mes riches habits,
Noué négligemment, flottoit en longs replis:
Delphis parut: ô jour! jour heureux & funefte !
Il quittoit les combats de la lutte & du cefte..

>

Telle Phœbé répandun jour doux & tranquille :
Je le vis, je rougis; interdite, immobile,
Tout mon fang fe troubla: l'éclat de ces beaux

lieux,

La pompe de ce jour n'attiroit plus mes yeux;
Diftraite, le cœur. plein d'une image fi chère,,
Je revins-m'exiler fous mon toît folitaire ;
La fièvre dans mon fang alluma fes ardeurs ;
Mourante, je baignois ma couche de mes pleurs
Mess
yeux s'obfcurciffoient couverts d'un voile

fombre

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