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Elle étoit prête à mourir de l'excès de fa paffion, quand elle apperçoit fon amant qui franchit le feuil de fa porte, & s'avance vers elle. A cette vue, elle pâlit, elle friffonne; égarée, éperdue, elle demeure froide; elle ne peut proférer un feul mot. Son amant approche, l'œil ti mide & baiflé :

Corinne, me dit-il, ô ma chère Corinne !

Tu me cherchois; mes vœux ont prévenu tes

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Oui, j'attefte l'Amour, j'en jure par les feux. Cette.nuit, m'égarant dans l'ombre & le filence, J'euffe erré près des lieux qu'embellit ta présence; Le front orné de pourpre, & d'un feuillage épais, De ces lieux adorés j'euffe imploré l'accès; Heureux de contempler l'afyle où tu reposes, Heureux de refpirer fur tes lèvres de roses..

Que la voix d'un Amant perfuade fans peine!
Déjà ma raison cède au charme qui l'entraîne:
Mes bras demi-vaincus résistent mollement;
Et ma bouche s'entrouvre au baifer d'un Amant..
Preffé contre mon sein, son sein tremblant s'agite.

Elle exprime tous les tranfports de l'amour, & livreffe d'une pallion heureuse;

mais les tourmens fuccèdent à fon bonheur. On lui annonce qu'on a vu le lie de fon amant paré de fleurs offertes par une main étrangère. Elle ne doute plus qu'il ne foit coupable. Déjà douze fois le foleil s'eft levé depuis qu'elle n'a vu cet amant parjure. Elle achève ses imprécations magiques, qu'elle termine pan ces quatre vers.

Pbébé, Reine des nuits, retourne au fein de l'onde Ma voix n'enchaîne plus ta courfe vagabonde: Vous qui fuivez fon char & qui formez-fa Cour, Aktres, disparaissez, & faites place au jour,

Telle est la marche de cette Idylle, qui a quelque chofé de l'intérêt d'un Drame, & où le Poëte Gree & fon Traducteur ont réuni tous deux la grace avec la force. Qu'on la compare aux Ouvrages de ce genre que nous avons dans notre Langue, & où des Écrivains de beaucoup d'efprit ont voulu fubftituer à la peinture des paffions, cette galanterie Fran coife, toujours froide, même lorfqu'elle amufe, parce qu'elle n'eft jamais qu'un jeu de l'imagination; & qu'au lieu de la nature, qui eft de tous les temps, elle ne

repréfente que des conventions & des

modes.

Ce recueil offre plufieurs Idylles d'un genre différent, mais qui toutes ont quelque chofe de piquant dans le deffein. Telle eft, par exemple, l'entretien de Daphnis & d'une Bergère, ou le mariage par rencontre. La vivacité du Dialogue, & l'ingénuité de la Bergère, qui, tour à-la-fois timide & curieufe, attire en repouffant, cède en paroiffant toujours fe défendre; &, par fes questions même, trahit la foibleffe fecrette de fon cœur : tout concourt à faire de cette Idylle une pièce charmante.

Je citerai encore le mariage de Naïs, Idylle très-agréable. Le fujet eft une Bergère difputée par deux rivaux, & qui doit être le prix du chant. A la tête de I'Idylle, eft une efpèce de Prologue fur le contrafte des mœurs actuelles en amour, & de ces mœurs antiques des Bergers Ce Prologue, qui eft tout entier du Tra ducteur, eft d'une poéfie aimable & fa cile.

Le Cyclope eft d'un ton plus élevé. Ceft Poliphème amoureux de Galathée, Nymphe de la mer. Affis fur un rocher, il chante la Nymphe qu'il aime,

& l'invite à fortir du fein des flots, Tandis qu'il chante,

L'air s'agite & murmure;

Un mouvement foudain a troublé la Nature.
Les vieux pins de l'Etna, de leurs fronts verdoyans
Courbent, avec lenteur, les rameaux ondoyans.
La mer, en un moment, a blanchi fa surface,
Et le flot fur le flot, croît, s'élève & s'entaffe.
Poliphème, attentif à tous ces mouvemens,
Croit, efpère déjà, (vaine erreur des Amans),
Que la courfe des vents, que la mer agitée,
Vont ramener vers lui l'aimable Galathée. :
Plein de trouble, il fe lève, il palpite, il frémit
It marche; fous fes pas l'Etna tremble & gémit.
Loin du bord il s'avance, il fend l'onde écumante,,
Et femble, à chaque flor, demander fon Amante.

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Certe Idylle préfente l'idée d'un géant terrible, adouci par les charmes de l'amour, & qui mêle à l'expreffion de fa tendreffe, des images empruntées de tous les objets champêtres qui l'envi ronnent. Elle a tout à-la-fois un caractère doux & fauvage; & ces deux tous de couleurs, font fondus enfemble avec plus d'art & de goût, que peut-être Ovide n'en a mis dans l'endroit de fes

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métamorphofes, où il a imité ce même morceau de Théocrite.

Toutes ces imitations en vers font

précédées d'une Épître, dont le fujet eft analogue à des poéfies de ce genre. Elle eft adreffée à M. Thomas. L'Au

teur fe propofe de prouver que les mœurs & les ufages, amenés par le luxe, font contraires au véritable goût des arts; qu'il y a un terme jufqu'où la nature peut être embellie; mais qu'au delà, elle perd fon caractère, & que tous les ornemens qu'on y ajoute, ne fervent plus alors qu'à la défigurer; qu'il faut donc fe rapprocher de cette nature qui, dans fa fimplicité même. a un charme fecret qui intéreffe, & dont la vue a quelque chofe de plus doux & de plus touchant que toutes les beautés factices qu'on a cherché à fubftituer dans la fociété comme dans les arts. Pour développer cette vérité l'Auteur de l'Épître n'a point employé des raifonnemens métaphyfiques, qui ne peuvent s'accorder avec le langage de la poéfie il a deffiné & peint plufieurs tableaux en contrafte les uns avec les autres. Tous ces tableaux font agréa bles, & le ftyle général de l'Épître a

y

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