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de la douceur, de la correction & de l'élégance.

M. de Chabanon, dans les Idylles qu'il a imitées en vers, ne s'eft attaché qu'à celles qui fe rapprochoient un peu plas de notre goût, foit par les fentimens foit par les tableaux. Il y a quelquefois dans les anciens, des beautés qui nou font étrangères. Elles tiennent le plus fouvent à des détails de mœurs, que nous aurions peine à pardonner, parce que de toutes les Nations modernes nous fommes peut-être celle qui fait le moins fe tranfporter hors de fes mœurs & de fes ufages. Le François qui lit reffemble affez au François qui voyage; il veut retrouver la France partout. Au théâtre même, la plupart de nos Poëtes ont été obligés de fe conformer à cette foibleffe ou à ce befoin; &, en peignant des mœurs étrangères, ils les ont rapprochées par des nuances adroites, des mœurs nationales. M. de Chabanon, dans fes Idylles en vers, à fuivi ces règles de goût; il a adouci ou effacé les traits qui auroient pu bleffer notre délicateffe; mais pour fatisfaire en même-temps ceux qui veulent connoître Théocrite tel qu'il eft, & ne peuvent le lire dans fa propre Lans

gue, il en a donné une traduction exacte en profe.

Čette traduction, outre le mérite de la fidélité, a celui de l'élégance & de, l'harmonie. Elle paroît d'un bout à l'au tre écrite avec foin, à quelques négli gences près, qu'il eft facile de corriger. On y a blâmé auffi quelques inverfions un peu trop poëtiques, qui, peut-être, font déplacées dans la profe, ou aux-, quelles du moins notre oreille n'eft point, accoutumée. D'ailleurs, chaque Idylle, eft enrichie de notes, qui tantôt fervent à éclaircir le texte, tantôt expliquent des ufages ou des proverbes auxquels le Poëte fait allufion. On y retrouve auffi tous les paffages que Vir gile, Horace, Ovide & Tibulle, & quelques Poëtes modernes ont imités de Théocrite. Cette érudition, pleine de goût, inftruit à la fois & intéreffer

L'Ouvrage entier eft précédé d'un Effai fur la poéfie paftorale, & les Poëtes bucoliques de toutes les Nations. Théocrire, Bion & Mofchus, chez les Grecs;, Virgile, Pétrarque, Bocace, l'Auteur de l'Aminte, & celui du Paftor Fido, en Italie ; parmi nous, Racan, Ségrais & Mde Deshoulières ; Fontenelle, qui

ne porta dans ce genre que la grace de l'efprit, fans prefque jamais avoir celle de la fenfibilité; & la Morte, qui fut encore plus loin de Virgile dans fes Eclogues, que de la Fontaine dans fes Fables; qui prit des formes poëtiques pour de la poéfie, & l'analyse du fentiment pour le fentiment même : enfin, Pope en Angleterre, & le célèbre Gefner en Allemagne, font appréciés & jugés tour-à-tour dans cet Effai. L'Auteur donne plufieurs raifons auffi ingénieufes que fines du goût que la plupart des Poëtes Allemands ont pour le genre de l'Idylle, & pour la defcription des beautés de la nature; goût qui s'introduit à peine en France depuis quelques années. Nous invitons à lire ce chapitre dans l'Ouvrage même.

On ofe réclamer ici fur le jugement un peu févère que l'Auteur de l'Effai a porté de Mde Deshoulières. Elle a mis, dans la plupart de fes poéfies, un fentiment doux & tendre, qui femble demander grace pour le peu de variété de fes idées ; & cette efpèce de molleffe qu'on lui reproche, eft un charme de plus dans les genres où l'ame femble abandonnée à elle-même, & où le

Poëte paroît n'écrire que pour foi, fans fe douter qu'il ait des témoins qui l'obfervent & qui l'écoutent. Rouffeau, qui lui avoit déjà fait ce reproche, & qui, dans fes belles Odes, mérite notre admiration à tant d'égards, femble rechercher, dans tous fes Ouvrages, une perfection trop laborieufe: il jugea plus Mde Deshoulières d'après le caractère de fon efprit, que d'après les règles générales du goût. Car prefque tous les jugemens fur les autres, font un retour fecret fur nous-mêmes.

A l'égard du jugement parté par l'Auteur de l'Effai fur la feule Eclogue que Rouffeau lui-même ait compofée, nous ofons être entièrement de fon avis, quoique quelques perfonnes de goût femblent être d'un avis contraire. Il est -vrai que les vers en font très-bien faits; mais ils ont tant de correction, qu'ils manquent de douceur & de grace: toutes les images font champêtres, & le ton de l'Éclogue ne l'eft pas. Rouffeau, dans cet Ouvrage, a prefque tout emprunté de Virgile, excepté fon ame & fon efprit: Il reffemble à ces Acteurs que nous voyons quelquefois fur nos théâtres, qui, dans des Pastorales, prennent des

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habits de Bergers; mais dont les at rades, la phyfionomie & les regards décèlent trop que c'eft un rôle étranger qu'ils jouent.

Nous avons indiqué la plupart des objets compris dans ce volume intéreffant. Il a de quoi plaire aux gens de lettres, aux gens du monde, s'ils veulent bien ne pas tout rapporter aux mœurs de la fociété où ils vivent; & les Amateurs de l'antiquité, dont l'état eft de voyager fans ceffe hors de leur pays & de leur fiècle, pourront encore trouver à s'y inftruire. Nous croyons que c'est un des Ouvrages de littérature les plus estimables dans fon genre qui aient paru depais quelques années.

Précis de l'Hiftoire Univerfelle, avec des réflexions; par M. l'Abbé Berardier de Barant, ancien Profeffeur d'éloquence en l'Univerfité de Paris; nouvelle édition, corrigée & augmentée. A Paris, chez Berton, Libraire, rue Saint-Victor, vis-à-vis le Séminaire Saint-Nicolas.

L'étude de l'histoire feroit bien vaine, le fruit qu'on fe propofe den tirer,

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