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en outre le douaire que lui avait assuré Philippe en l'épousant, et dont la jouissance fut réglée à son avantage entre elle et Louis VIII, par une convention (1) conclue à Lorris, au mois d'août 1223. Ingeburge était à Paris le 2 août 1224. Elle assistait, avec la reine Blanche et Bérengère, nièce de cette dernière et reine de Jérusalem, aux processions solennelles qui se faisaient à Paris pour le succès des armes de Louis VIII, alors occupé au siége de la Rochelle (2). Pendant ce temps, s'élevait dans une île de l'Essone, à Corbeil, la modeste retraite où Ingeburge se proposait de passer le temps de son veuvage. Elle y fit construire une église et un prieuré où elle établit treize prêtres qui devaient y mener la vie commune, suivant la règle des hospitaliers de SaintJean de Jérusalem, et célébrer chaque jour les divins mystères pour le repos des âmes de Philippe-Auguste et de la reine Ingeburge. Cette pieuse princesse institua en faveur de chacun de ces religieux une rente annuelle de douze livres (3), et, pour avoir part aux fruits de leurs prières, Louis VIII assigna au prieuré 50 muids de grain, mesure de Corbeil, moitié froment, moitié avoine, à prendre tous les ans en trois termes dans le minage royal de Corbeil (4). Ce fut dans une modeste retraite, attenante au prieuré de Saint-Jean en l'lle, qu'Ingeburge s'établit au commencement de 1225, avec un petit nombre de serviteurs (5). L'année suivante, elle obtint du pape Honorius III la confirmation des dons faits au prieuré et l'assurance de la protection spéciale du siége apostolique (6).

Ingeburge mourut au mois de juillet 1236, treize ans après son mari; elle avait alors dépassé l'âge de soixante ans. Son corps

(1) L'acte est dans Baluze, Miscellan., t. VII, p. 246.

(2) Gesta Ludov. VIII, Hist. de Fr., t. XVII, p. 805, 306. Anonym. Turon., ibid., t. XVIII, p. 305.

(3) Voyez la charte d'institution du prieuré de Saint-Jean en l'Ile, Hist. de Fr., t. XIX, p. 325.

(4) Diplôme de Louis VIII, donné à Fontainebleau en 1224. Hist. de Fr., t. XIX, p. 324.

(5) La reine avait alors à son service un certain Gilbert de Saint-Jacques, auquel elle constitua une rente de quarante livres parisis, avec le consentement du roi. Baluz. Miscell., t. VII, p. 248. Nous connaissons par les Olim un autre serviteur d'Ingeburge, nommé Philippe Coene, mais sans savoir à quelle époque il s'est trouvé auprès de la reine. Voyez Olim, t. I, in quest. p. 122, c. xl.

(6) Lettres du 16 février 1226. Honor. Epist. X, 205, 217.

fut inhumé dans l'église du prieuré de Saint-Jean en l'lle. Il y reposa longtemps sous un tombeau recouvert d'une lame de cuivre, où l'on avait gravé son image avec l'épitaphe suivante (1):

Hic jacet Isburgis, regum generosa propago.
Regia, quod regis fuit uxor, signat imago.
Flore nitens morum vixit, patre rege Danorum, ·
Inclyta Francorum regis adepta torum.
Nobilis hujus erat, quod in ortis sanguine claro
Invenies raro, mens pia, casta caro.

Annus millenus aderat deciesque vicenus

Ter duo terque decem, cum subit ipsa necem.

Il ne reste plus rien aujourd'hui qu'on puisse reconnaître pour avoir appartenu au prieuré ou à l'habitation de la reine. L'église seule est encore debout. Après avoir, pendant quelques années, servi de magasin à poudre, elle semblait menacée d'une complète destruction, lorsqu'une restauration intelligente, sans lui rendre sa première destination, est venue au moins assurer pour longtemps encore l'existence de cet élégant édifice. Le tombeau même de la reine ne dura pas jusqu'à la grande catastrophe qui sécularisa le prieuré de Saint-Jean, ainsi qu'une foule d'autres monuments consacrés au culte ou à la vie religieuse. Dès l'an 1736, l'inscription primitive avait disparu, et le tombeau était en ruine. Les religieux en élevèrent un nouveau, orné d'une plaque de marbre noir qui existe encore, encastrée dans le mur d'un petit bâtiment voisin de l'ancienne église Saint-Jean. Voici l'inscription gravée sur le marbre: « Hic jacet Isburgis, Danorum regis filia, uxor Philippi Augusti Francorum regis, hujus prioratus sancti Johannis in Insula, ordinis sancti Johannis Hierosolimitani fundatrix pia et munifica. Obiit anno MCCXXXVI, mense julio. Marmoreum hoc saxum, in gratitudinis monimentum, poni curaverunt prior et religiosi cum altare, vetustate dirutum, novum construxerunt, anno MDCCXXXVI. »

(1) Duchesne, Rer. franc. scripl., t. V, p. 262.

RODRIGUE

DE VILLANDRANDO.

(Premier article.)

R

Si l'homme qui porta ce nom magnifique revenait d'entre les morts, il ne pourrait pas dire de lui les paroles que Brantôme a mises dans la bouche d'un de ses compatriotes : « A quoi bon dis« courir de ma valeur et de mes hauts faits, quand l'univers entier « en est instruit (1)? » Il s'en faut que l'univers sache les hauts faits de Rodrigue de Villandrando, et s'occupe beaucoup de sa valeur. En Espagne, où des honneurs extraordinaires lui furent rendus de son vivant, où il fut mis au nombre des plus grands personnages par les littérateurs ses contemporains, où son sang et sa fortune, se mêlant à ceux des Sarmiento, firent la splendeur de cette maison illustre, en Espagne, dis-je, c'est à peine s'il reste dans les mémoires les mieux ornées une idée confuse de son existence. La France, qui fut le théâtre principal de ses exploits, s'est montrée encore plus oublieuse. Il faut remonter à deux cents ans d'ici pour y trouver le dernier écho de sa renommée, et Dieu sait quel est cet écho. C'est le Père Bonaventure de SaintAmable qui nous l'a transmis dans ses Annales du Limousin, là où après avoir parlé du passage de Rodrigue de Villandrando à Limoges, en 1436, il ajoute en propres termes : « Cet homme estoit si méchant et cruel que son nom est tourné en proverbe dans la Gascogne; et, pour signifier un homme brutal et cruel, on l'appelle méchant Rodrigue. D'où l'on peut inférer déjà que la vie de notre héros, tout parfait chevalier qu'il s'efforça

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(1) No hay necesidad de contar mi valor e virtudes que todo el mundo las sabe. (Rodomontades espagnoles.)

de paraître, ne fut celle ni d'un Tristan ni d'un Lancelot. Mais il avait à qui ressembler parmi les illustres de son temps; et, sans aller chercher plus loin que ses confrères les capitaines de Charles VII, les meilleurs, comme Saintrailles et La Hire, auraient été bien embarrassés de produire la perfection requise pour s'asseoir à la Table Ronde.

Je ne connais rien de particulier écrit en français sur Rodrigue de Villandrando, si ce n'est un article de dix lignes que lui a consacré Moreri, et un autre d'égale dimension, inséré dans l'Histoire généalogique de la maison de France (1). Quant à ceux de nos historiens qui l'ont nommé en passant, dans le règne de Charles VII, ils s'en sont très-mal acquittés, car ils l'appellent ou Villandras, ou Villandres, ou Villandraut, ou Villandrada; et quoiqu'en général ils aient su et dit de quel pays il était, cependant ils n'ont pas pris la peine d'aller voir aux histoires de ce pays-là s'il y était question de lui; de sorte qu'une notice écrite à sa louange par Hernando del Pulgar (2), le Plutarque espagnol du quinzième siècle, est demeurée jusqu'ici comme non avenue pour nous autres Français qu'elle intéressait le plus. Comme j'ai recueilli sur ce personnage, soit par moi-même, soit par l'obligeance de mes amis, un grand nombre de renseignements disséminés dans nos chroniques ou dans nos archives, il m'a semblé que la réunion de ces notes, fondue avec le témoignage des auteurs espagnols, pourrait fournir une biographie qui, à défaut d'autre mérite, aura du moins celui de la nouveauté.

Rodrigue de Villandrando (il signait Villa-Andrando (3), forme primitive et non contracte du nom d'un village situé autrefois dans la province de Burgos) commença par être un fort pauvre gentilhomme, mais noble autant que personne en Castille, car il descendait des seigneurs de Biscaye, qui n'auraient pas donné leur ancienneté pour celle du roi Pélage. Voici ce qu'on rapporte de sa lignée. Vers 1200 vivait un cadet de Biscaye, appelé don Alonzo Lopez et apanagé de Villandrando, lequel eut deux fils. Don André, le plus jeune de ces fils, ayant petite part au patrimoine, passa en France à la suite de madame Blanche de Castille, s'arrêta en Guienne, et là fit si bien qu'il acquit

(1) Tome 1, p. 304.

(2) Titre 7 de son livre intitulé Claros Varones de Castilla. In-8". Alcala de Henares, 1526.

(3) Voyez les titres signés par lui, ci-après aux pièces justificatives.

une seigneurie près de Bazas, en un lieu qui, de son nom, s'appela et s'appelle encore Villandraut (1). Un demi-siècle ne se passa pas que le manoir de Villandraut, porté dans la maison de Goth par la fille ou la petite-fille du même André (2), vit naître le fameux Bertrand de Goth, qui fut pape sous le nom de Clément V; si bien que les Villandrando, à cause de la parenté, ne se faisaient pas faute de dire, en parlant de lui: « Notre cousin le pape Clément. » Si étranges que paraissent ces allégations déduites de la tradition espagnole, on ne pourra guère se refuser à les mettre au nombre des faits incontestables, au moins en ce qui concerne la généalogie de Bertrand de Goth, lorsqu'on saura que son père, Béraud de Goth, a eu, de l'aveu des généalogistes français (3), deux femmes, dont une seule, Ida de Blanchefort, avait pu être nommée jusqu'ici; que le mème Béraud est le premier de sa maison qui se soit intitulé seigneur de Villandraut; enfin que son premier né, Arnaud de Goth, qualifié frère germain par le pape Clément V, joignait à son nom de baptême celui de Garcia, patronymique chez les Villandrando d'Espagne.

Ces derniers s'étaient perpétués par le frère aîné de don André, don Alvar Garcia. Depuis le grand roi Alphonse, ils firent assez bonne figure en Castille, exerçant, de père en fils, les fonctions de régidor à Valladolid. Lorsque les Français allèrent en Espagne sous le commandement de Du Guesclin, don Garcia Gutierrez de Villandrando avait été débouté de cet office de régidor pour son attachement à la cause du roi Henri de Transtamarre; mais il y rentra par la force de nos armes. Les relations qu'il eut alors avec les capitaines français lui firent connaitre et aimer le fameux Pierre de Vilaines, tant vanté par Froissart. Il se lia avec ce gentilhomme, jusque-là qu'il épousa sa sœur union brillante lorsqu'elle eut lieu, parce que Pierre de Vilaines venait d'obtenir, pour prix de ses services, le titre de grand d'Espagne, avec le comté de Ribadeo en Galice. De ce mariage, don Garcia

(1) Informe del origen, antiguedad, calidad y succesion de la excelentissima casa de Sarmiento de Villamayor, por D. Joseph Pellizer. In-4°, 1663. Voyez le fol. 95. (2) C'est ainsi que je corrige le témoignage de Pellizer, qui dit que Bertrand de Goth naquit d'un fils de Villandraut et d'une fille de Goth, mais son assertion repose sur des termes qui permettent de la retourner en sens contraire. Qu'il suffise ici de donner, sans disserter, le résultat produit par un examen critique des faits et des textes. (3) Voyez l'excellente notice de M. l'abbé de Lespine sur la maison de Goth, insérée dans le tome VI de l'Histoire des Pairs de France de M. de Courcelles.

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