Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

que des deniers de vostre recepte vous poiez, bailliez et delivrez à Jehan Tollenier et Ricart Muldrac, charretiers, la somme de douze livres tournois pour leur paine, sallaire et travail d'estre allés de la ville de Caen à St.-Sauveur le Viconte, et illec charger en deux charios ès quieux il avoit en chascun six chevaux, deux gros canons gettans pierres, et quatre petis canons gettans plommées, et deux grosses grilles de fer; et du dit lieu de St.-Sauveur les porter jusques à Honnefleu pour mettre en navire de l'armée de la mer; et par rapportant ces présentes et quictance des diz charretiers, ladicte somme sera allouée en voz comptes et rabatue de vostre recepte sans contredit. Donné à Rouen, soux le signet de nous, Jehan le Mercier, en l'absence de nos compaignons, le xvi jour de may l'an de grace м. CCC LXXVII.

L. LACABANE.

LA CHARTE DE MÉRU.

(1191.)

On nous pardonnera d'appeler d'un nom aussi vague et aussi générique la pièce que nous donnons ici. C'est qu'en effet il serait assez difficile de la classer plus rigoureusement. Et d'abord, bien qu'elle en ait les principaux caractères, ce n'est pas une charte de commune. Cela même y est dit formellement. D'un autre côté, c'est plus qu'une simple charte d'affranchissement. A certains égards, c'est une charte de coutumes. Pour conclure, nous dirons que c'est la charte qui fixe les droits, les usages et les obligations des habitants de Méru, à la fin du douzième siècle.

Les pièces de ce genre sont, comme on le sait, fort multipliées. Bréquigny en a donné un grand nombre dans les XI et XII volumes des Ordonnances du Louvre. Mais, comme le plan adopté pour cet ouvrage lui imposait l'obligation de ne prendre que les chartes données par les rois, ou du moins approuvées et confirmées par eux, il a dû laisser de côté toutes celles qui, comme la nôtre, étaient octroyées par de simples seigneurs. Cependant, comme il avait rencontré beaucoup de ces dernières, et qu'il jugeait qu'elles n'étaient pas moins importantes, il avait conçu le projet d'en donner un volume séparé (1).

Il est à regretter qu'il n'ait pas exécuté son dessein: c'eût été un service de plus qu'il eût rendu à l'histoire. Car, bien que la plupart de ces chartes se ressemblent, bien que plusieurs soient évidemment taillées sur le même modèle, cependant, même dans ce dernier cas, elles présentent toujours entre elles quelques différences dont il faut tenir compte. D'ailleurs, comme ce n'est que par leur comparaison attentive qu'on pourra déterminer avec exactitude l'état des villes aux douzième et treizième

(1) Préface du tome XII.

siècles, il en résulte qu'on ne saurait trop publier de documents de ce genre.

La Charte que nous publions ici, a été octroyée à la ville de Méru, l'an 1191, par Mathieu III, comte de Beaumont. Méru est une petite ville de Beauvoisis, qui à cette époque faisait partie du comté de Beaumont-sur-Oise, pays qui a eu ses comtes particuliers dès la seconde moitié du onzième siècle. Nous dirons tout à l'heure quelques mots de celui qui a octroyé cette charte, mais auparavant nous allons donner ici ce que nous avons pu trouver sur la ville dont il est question. On concevra facilement que cela se réduise à bien peu de chose pour des temps si reculés. Cependant nous trouvons dès l'an 1099, une donation de l'église de Méru, faite au prieuré de S. Martin des Champs, par un miles nommé Raoul le Délicat (1). En 1205, Gilles de Hosdenc vend tout ce qu'il possédait à Méru, au comte de Beaumont (2).

Dans la seconde moitié du treizième siècle, on trouve deux frères, Barthélemy et Thibaut, portant le nom de Méru. Ils étaient fils d'Er. mengarde, dame de Méru, qui avait épousé Thibaut, comte de Beaumont. On lit dans les Olim (3) qu'il y eut, en 1259, une chevauchée entre ce Barthélemy de Méru et un Brunelle de Lardières. Un arrêt du parlement de l'an 1267 lui adjugea la justice sur les hommes de son frère, Thibaut de Méru (4). Ce dernier fit en 1275 une donation au couvent de Sainte-Marie de Ressons (5). Au quatorzième siècle, la seigneurie de Méru est possédée par des seigneurs de la maison d'Aumont. L'un d'eux, Jean V, la transmit à son frère Ferry d'Aumont, par un partage de l'an 1482. De là, elle passa dans la maison de Montmorency par le mariage de Anne d'Aumont, fille de Ferry, avec Claude de Montmorency, baron de Fosseux, l'an 1522. Enfin, en 1657, Anne de Bourbon, fille du prince de Condé et de Charlotte de Montmorency, la porta en dot à son mari Henri d'Orléans, duc de Longueville.

Vingt-neuf fiefs relevaient de la châtellenie de Méru (6). Il y avait un château fort qui fut détruit dans les guerres du quinzième siècle (7),

(1) Cartulaire de Saint-Martin des Champs. Arch. du roy. L. 138', fol. 72. (2) A. R. Trés, des Ch. J. cart. 168, no 12 et 15 bis. Cette vente était considérable. Tam in nemoribus quam in campis et in villis.

(3) T. ler, p. 97.

(4) Olim, t. Ier, p. 669.

(5) Arch. du roy. Q. 8532.

(6) Voy. un inventaire des papiers de Méru. Arch. du roy. K, cart. 1171. (7) Voici ce qu'on lit dans un Aveu et Dénombrement de la seigneurie de Méru, de l'an 1450: « Item ung lieu, place et pourpris, où a une tour, maisons, salles, granches et jardins, si comme tout ce comporte. Auquel lieu avoit naguères

mais relevé depuis, comme on le voit par un aveu et dénombrement de l'année 1618 (1). L'église de la ville était sous l'invocation de S. Lucien, patron de Beauvoisis. Quant à la seigneurie, elle a toujours relevé du comté de Beaumont.

Mathieu III, comte de Beaumont-sur-Oise, qui a octroyé cette charte, était fils de Mathieu II et de Mahaud (2). Il avait épousé Éléonore, fille de Raoul Ier comte de Vermandois, et cette illustre alliance suffirait pour prouver que c'était un seigneur puissant. Aussi le voit-on constamment nommé avant les seigneurs de Montmorency dans les pièces du temps. Il était vassal de l'abbaye de Saint-Denis. On voit par les Ordonnances du Louvre, qu'il fut chambrier de France de 1180 à 1207 (3). Au reste, il est fort peu question de lui dans les chroniqueurs. Gilbert de Mons dit seulement qu'ayant, en 1177, embrassé le parti du seigneur de la Ferté contre le comte de Hainaut, ce dernier, dans une rencontre qui eut lieu entre la Ferté et Venduel, les fit prisonniers avec le comte de Clermont en Beauvoisis et plusieurs autres, mais qu'il leur rendit bientôt après la liberté (4). Lorsque Philippe Auguste et Henri II, roi d'Angleterre, prirent la croix dans leur entrevue, qui eut lieu en 1188, entre Trie et Gisors, le comte Mathieu fut l'un des nombreux seigneurs qui se croisèrent à la suite des deux monarques (5). Mais il n'accomplit pas son vœu, et, pour le racheter, il fit dans la suite une donation à l'église de Paris (6). Il eut de graves

chastel et place fort et fermée, et à l'occasion des guerres le fort a esté desmoly « et abatu, etc. » Arch. du roy., section Domaniale, Q. 8532.

(1) Il est baillé au roi, à cause de sa comté de Beaumont, par Henry duc de Montmorency. On y lit : « Et premièrement madicte ville et chastellainie de Méru. Laquelle << est et consiste en un ancien fort et beau chasteau, contenant : cuisines, salles << hautes et basses, chambres, antichambres et cabinetz. Aussi en une chapelle « fondée à l'honneur de l'assomption de la Vierge Marie. En une belle cour aussi « avec plusieurs offices à l'entour, et autres membres et aisimens. Le tout entouré ■ de murs. Aussi de cinq grosses et fortes tours, de beaux fossez, avec belle entrée et « porte, à laquelle souloit avoir pont-levis, et au devant icelle y a ravellin. Ledict << chasteau estant chef de ladicte ville, aussi de bailliage et de chastellainie, assis << dans et au coing plus éminant d'icelle dicte ville de Méru. » Arch. du royaume, section Domaniale, Q. 8532.

(2) Voy. le P. Anselme, t. VIII, p. 396.

(3) Et non pas seulement de 1190 à 1207, comme l'a dit du Cange au mot Camerarius.

(4) Gisleberti Montensis Chron. Hannon. Recueil des Hist. de Fr., t. XIII, p. 578.

(5) Voy. Rigord et les Gr. Chr. Hist. de Fr., t. XIII, p. 25.

(6) Il donna le lieu où l'on croit ane saint Denis avait été incarcéré. C'est SaintDenis de la Châtre. 1206.

intérêts à demêler avec Philippe Auguste, au sujet de la succession des comtés de Valois et de Vermandois, sur lesquels il avait des droits, du chef de sa femme. Cette affaire, qui commença en 1183, à la mort d'Élisabeth, femme du comte de Flandre et sœur aînée d'Éléonore, ne fut terminée qu'en 1191, par un arrangement conclu entre cette dernière et Philippe Auguste (1). Le Père Anselme dit que le comte Mathieu mourut sans enfants avant 1214. Nous pouvons être plus explicite, et mettre sa mort entre l'année 1207, où on cesse de le voir figurer comme chambrier de France, et l'année 1210 où l'on trouve des chartes de son successeur, Jean comte de Beaumont. On a, au reste, un assez grand nombre de chartes de Mathieu III, de l'an 1177 à l'an 1207. Ce sont des acquisitions de fiefs, des hommages, des accords passés soit avec l'abbaye de Saint-Denis, soit avec les seigneurs de Montmorency. Ce n'est pas ici le lieu de s'en occuper; mais ce qu'il est important de remarquer, c'est que ces comtes de Beaumont paraissent s'être montrés de tout temps favorables aux habitants de leurs domaines. En effet, sans compter une charte par laquelle Mathieu accorde différents priviléges aux hommes d'un lieu appelé Baierne (2), qui était situé dans sa terre, on trouve dans la charte de commune de Chambli, octroyée en 1222 par Philippe Auguste, que cette ville possédait déjà une commune en 1173 (3). Or, à cette époque, elle appartenait au comte de Beaumont Mathieu II. Quant à son fils, Mathieu III, il avait dès 1187 (4) donné à sa ville de Beaumont une charte, sur le plan de laquelle a dû très-probablement être rédigée celle que nous allons examiner.

Pour mettre quelque clarté dans cet examen, nous serons obligé d'intervertir l'ordre des matières, car on sait quelle confusion règne dans les pièces de cette nature. Tout y est mêlé et pour ainsi dire placé au hasard. Aucune intention de disposition logique ne s'y fait sentir. Souvent les points les plus essentiels y sont à peine indiqués, tandis qu'on s'y étend longuement sur d'autres qui paraissent d'un intérêt fort secondaire. On a d'autant plus lieu de s'en étonner, qu'on conçoit quelle importance avaient ces pièces pour les intéressés, puisque ce n'était que par là que se constataient leurs droits et leurs obligations. Quoi qu'il en soit de ce défaut, qui est inhérent à toutes ces chartes, elles don

(1) Le comte de Flandre avait traité avec la comtesse Eléonore dès 1185. Voyez Gilb. de Mons.

(2) Elle est de l'an 1110.

(3) Voy. l'art. 32 de la charte de Chambli. Ordonn. t. XII, p. 303.

(4) Voyez l'art. 22 de la charte de Beaumont. Ibid. p. 298.

« VorigeDoorgaan »