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trouvé à décerner votre premier prix de 400 francs; mais vous avez donné aux cultivateurs de la contrée un enseignement qui n'a pas moins de valeur. Vous leur avez montré que pour obtenir vos récompenses il ne suffit pas d'avoir forcé, à grands frais, une terre ingrate à produire de brillantes récoltes, mais que le mérite, en agriculture comme en toute chose, consiste principalement à persévérer dans des efforts sagement calculés. Vous leur avez montré de plus que vos récompenses ne sont pas un laurier sur lequel il est permis de s'endormir, mais un encouragement pour de nouveaux progrès.

Enfin vous avez vous-mêmes exposé, en votre nom et hors concours, au dernier concours régional du Mans, une collection de tous les produits agricoles du département. Ce qu'il a fallu d'efforts pour réunir, en si peu de temps, les éléments variés de cette collection, celui-là seul le sait qui s'est dévoué à cette tâche; il en a été récompensé par la gratitude de ses collègues, et par la médaille d'or grand module que M. le Ministre de l'Agriculture a bien voulu décerner à la Société.

A Dieu ne plaise, Messieurs, que ce soit moi qui méconnaisse l'importance, l'intérêt ou le charme des travaux si nombreux que vous avez en outre consacrés à la science pure, à la géologie, à l'histoire, à la linguistique, à la psychologie ou à la physiologie, à la législation, à l'archéologie, à l'art et à l'histoire de l'art! mais, que leurs auteurs me pardonnent de le dire, c'est surtout votre titre de Société d'Agriculture que Vous avez eu, depuis deux ans, l'ambition de mériter. Cette ambition n'était-elle pas généreuse et naturelle? L'agriculture de notre département venait de subir les ravages de ce quadruple fléau la sécheresse, la gelée, la peste bovine et la guerre. Vous avez voulu contribuer par toutes vos ressources, par tous vos efforts, à panser ses plaies, et pour mieux assurer le succès de votre entreprise vous aviez d'abord appelé un agriculteur à présider vos travaux. M. Vérel n'a pas pu, à cause de l'éloignement et de ses occupations particulières, accepter ce redoutable honneur. Sur son refus, vous m'avez

chargé d'une tâche à laquelle j'étais beaucoup moins propre. Si vous avez pu faire tout ce que je viens de dire avec un président qui n'a jamais appris à cultiver un grain de blé, quels progrès n'auriez-vous pas réalisés sous la direction de l'habile agriculteur que vous vouliez mettre à votre tête?

C'est là, Messieurs, une situation sur laquelle votre attention a été appelée. Vous avez modifié, il y a quatre ans, votre règlement, afin de faciliter l'accès de votre Société aux agriculteurs; mais l'accès de vos séances du soir leur est resté fort difficile, par cela même que leurs travaux les tiennent éloignés de la ville. Vous aurez à rechercher s'il ne conviendrait pas de changer encore l'heure de vos réunions. Si les cultivateurs pouvaient venir plus facilement à vous, vous profiteriez de leur expérience, comme ils profiteraient de votre savoir, à l'avantage de tous, car c'est en fait d'agriculture surtout qu'il est vrai de dire que la théorie et la pratique sont inséparables. Unies, elles font des prodiges; séparées, elles sont impuis

santes.

Ces maximes, Monsieur et cher successeur, sont les vôtres. Président d'un Comice agricole important, membre de notre assemblée départementale, jurisconsulte, historien, vous réunissez toutes les aptitudes qui conviennent à la direction de nos travaux. Prenez donc cette présidence que je suis heureux de vous transmettre; vous y serez soutenu par la confiance et par l'affectueuse estime de tous vos collègues.

DISCOURS

De M. CHARDON, Président entrant.

MESSIEURS,

Il est d'usage que tous les présidents qui prennent possession du fauteuil ne viennent pas s'y asseoir comme des muets, et prononcent à l'adresse de la compagnie, non pas un discours, nous ne sommes rien moins qu'une société académique, mais quelques paroles moins solennelles, ce qu'on appelle un speech de l'autre côté du détroit.

C'est une dette traditionnelle dont vos bienveillants suffrages demandent l'acquittement, et que je suis d'autant plus empressé de payer que je vous suis plus reconnaissant de votre sympathie.

Ma première parole sera un mot de remerciment.

Merci de m'avoir fait l'honneur de m'appeler à la tête de votre Société, parce que c'est elle qui dans la Sarthe est chargée de donner l'impulsion au mouvement de décentralisation intellectuelle, ce besoin réel de notre temps; parce que c'est elle qui, dans notre département, relie et groupe autour d'un centre commun ceux qui, au lieu de se contenter de voir venir et d'attendre de Paris le mot d'ordre, même agricole, ont encore l'habitude de penser par eux-mêmes, et d'étudier pour leur propre compte les problèmes économiques ou les questions d'art et d'histoire qui sont la noble pâture de l'esprit. humain. Merci, parce que vous êtes aussi de ceux qui comprennent l'importance capitale de l'agriculture, cette force vive de notre pays, et que vous faites votre première et constante préoccupation des améliorations nombreuses dont elle a encore besoin. Merci enfin, Messieurs, parce qu'au milieu des

torpeurs et de l'inertie de l'heure présente, en face de tant d'affaissements auxquels se laissent aller de bons esprits eux-mêmes, en face de tant de concessions énervantes au culte de la matière et de la sensation, vous, du moins, vous conservez les habitudes saines et fortifiantes des labeurs de la pensée, et qu'au lieu de vous complaire dans une oisive et dangereuse ignorance, vous restez fidèles aux travaux de l'esprit, qui peuvent contribuer à relever le niveau moral et intellectuel de notre nation.

Oui, c'est une noble tâche que la vôtre, et je suis heureux d'être appelé à y prendre une part plus large et plus intime en recevant la mission de diriger le fonctionnement de notre Société. Je le serais plus encore s'il m'était permis d'espérer pouvoir développer davantage son influence et son rayonnement extérieur.

La Société d'Agriculture, Sciences et Arts, tout en tenant bon compte de son passé et de son présent, est-elle arrivée à ce qu'elle pourrait être dans la Sarthe? A-t-elle la vigueur, la vie, le nombre d'adhérents qu'il est possible de souhaiter pour elle? A-t-elle donné tout son rendement d'influence et de bien?

Permettez-moi de croire, Messieurs, que la Sarthe lettrée, scientifique, artistique, agricole, n'a pas encore dit son dernier mot, et qu'obligés, comme vous l'êtes, par les résultats et les succès de votre passé, vous pouvez arriver à posséder une vitalité plus robuste et à exercer une action plus féconde autour de vous.

Cette influence que je désire pour la Société, il dépend de vous d'y arriver. Les corps comme les vôtres parviennent à celle qu'ils veulent obtenir. Leur influence est proportionnée à l'activité, à la coopération, à l'apport de travail et de dévouement de chacun; c'est l'ensemble et la collectivité de ces éléments individuels qui forment la vie générale des sociétés vos émules. Pour que notre compagnie soit florissante, il faut qu'on la sente agir, c'est-à-dire qu'on la sente vivre; il faut

aussi qu'on la voie se préoccuper, tant dans l'ordre agricole que dans le domaine de l'économie sociale et de l'histoire ou de l'art, des questions actuelles et générales qui passionnent le présent, et s'attacher tout spécialement à rappeler les titres d'honneur de notre province en mettant en lumière l'histoire locale de son passé.

Corps provinciaux avant tout, c'est au profit de la province à laquelle elles appartiennent que les sociétés doivent travailler; c'est à elle que doit se rapporter, se rattacher la meilleure part de leurs recherches. Plus elles s'identifieront avec le sol provincial, plus leurs membres auront non-seulement de liens entre eux, mais plus elles auront de chance de puiser de vigueur réelle dans ce centre commun: plus elles se trouveront de force, comme Antée, en touchant du pied cette source de vie toujours féconde et jamais épuisée.

Mais, me dira-t-on, l'heure actuelle n'est propice ni aux travaux de l'esprit, ni à ceux de la science, et ne se prête pas à leur développement. Dans les temps troublés comme les nôtres, chacun se préoccupe avant tout de pourvoir aux besoins du présent et de songer aux incertitudes du lendemain. Absorbé qu'il est par ces préoccupations, chacun n'a le temps d'aborder ni des travaux scientifiques, ni des enquêtes historiques. de longue haleine. Ces nobles recherches et les autres délassements de l'esprit sont l'apanage et le luxe des sociétés solidement assises, où la sécurité absolue du présent et de l'avenir permet de détourner les yeux en arrière vers le passé, ou de trouver le loisir de penser, d'augmenter par l'étude la somme de ses connaissances, et de tisser avec art la parure de la pensée.

C'est là, Messieurs, simplement un prétexte honnête pour s'abstenir, une objection spécieuse de bonne compagnie, qui convient à la mollesse de notre pauvre nature humaine, plus molle peut-être encore qu'ailleurs chez les Manceaux, comme chez leurs voisins de l'Anjou, Andegavi molles.

C'est, au contraire, dans les temps comme les nôtres que les hommes de cœur et d'intelligence doivent payer de leur

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