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normands ont fait régner dans cette ville, il étudie trois églises, qui sont les plus beaux spécimens de l'art de cette époque, Sainte-Marie de l'Amiral, la chapelle palatine de Palerme et la cathédrale de Monreale. Ici les artistes ont été plutôt des Arabes que des Byzantins, et il est souvent difficile de discerner ce qui appartient à l'art byzantin des motifs apportés par les Arabes de Perse, d'Égypte et même de Chine. M. Paulowsky (Revue byzantine, 1893, p. 361) a essayé de montrer que les décorations du plafond de la chapelle palatine ont subi au plus haut degré ces influences orientales. Il n'en est pas moins curieux de constater combien l'art byzantin s'adapte sans effort aux conceptions les plus libres et aux éblouissements fantastiques des Mille et une nuits. En résumé, l'impression que l'on retire de cet ouvrage, c'est celle de la vitalité de cet hellénisme du moyen âge, qui a été, au même titre que l'hellénisme antique, une des formes de la civilisation. De pareilles études ne peuvent que contribuer à montrer son influence sur l'Italie, et il est à souhaiter que ce que M. Diehl a fait pour le Midi soit fait aussi pour l'Italie centrale et septentrionale; l'histoire de l'art et l'histoire de la civilisation ne peuvent qu'y gagner en certitude et en intérêt. L. BRÉHIER.

Joan of Arc, by Francis C. LOWELL. Boston, New-York et Chicago, 1896. 1 vol. in-8°.

Né de conférences faites au Lowel Institute, l'ouvrage que nous signalons ne saurait prétendre apporter de nouvelles relations sur la vie et la mission de Jeanne d'Arc. Il mérite cependant de ne pas passer inaperçu. Pour beaucoup de personnes, déclare l'auteur dans une courte introduction, l'histoire de Jeanne d'Arc est une pure légende, « unreal; » lui-même convient d'ailleurs qu'ici la légende est venue rapidement s'ajouter à l'histoire, et même, à ses yeux, aucun exemple n'établit mieux la vérité de ces deux grands principes, d'une part qu'il suffit d'un temps très court pour permettre aux légendes les plus invraisemblables de se former et d'autre part que ces légendes peuvent continuer de vivre à côté des faits historiques les plus certains et les mieux démontrés. C'est précisément pour faire ce départ et établir, contrairement à l'impression populaire, » que beaucoup d'événements de la vie de Jeanne d'Arc sont réellement historiques que M. Lowell a écrit son livre. L'obligation même de combattre une opinion largement répandue l'a contraint de rechercher plus sérieusement les preuves de ses conclusions. Or, ce travail, il l'a fait avec un soin attentif et souvent minutieux, aussi bien pour les sources anciennes de l'histoire de Jeanne d'Arc que pour les nombreux travaux modernes qui s'y rapportent. S'il constate, par exemple, que la question de la nationalité de la Pucelle a donné lieu à une véritable débauche d'articles et de brochures et à une production « véritablement intempérante, » il n'en a pas moins tenu à se

mettre au courant des plus récentes polémiques qu'elle a soulevées. Il sait d'ailleurs se garder des excès d'une érudition prétentieuse et discute, dans des notes brèves et substantielles, les questions controversées. D'autre part, s'il est amené, par la force mème des choses, à suivre l'ordre chronologique des faits depuis Domremy jusqu'au procès de réhabilitation, il ne néglige jamais, chaque fois que l'occasion lui en est offerte, de nous donner, sur la situation géographique des pays occupés, sur les institutions politiques et militaires de l'époque, les explications nécessaires pour suivre avec intérêt et profit le détail des événements. C'est même cette réunion d'une critique historique, judicieuse et bien informée et d'un juste souci de la couleur locale qui fait du livre de M. Lowell un ouvrage d'un réel mérite et, parmi les productions de ce genre, un des meilleurs que nous ayons sur Jeanne d'Arc. J. LEMOINE.

C.-H.-Th. BUSSEMAKER. De afscheiding der waalsche gewesten van de Generale Unie (uitgegeven door Teyler's Tweede Genootschap). Haarlem, Bohn, 1895-96. 2 volumes.

L'histoire de la séparation des Pays-Bas bourguignons en deux états totalement séparés, la République des Provinces-Unies et les Pays-Bas espagnols, est une partie intéressante de l'histoire du soulèvement des Pays-Bas contre la grande puissance dont la domination leur était devenue insupportable. Dans cette histoire, l'événement décisif est la réconciliation des provinces wallonnes avec Philippe II, par le fameux traité d'Arras, de mai 1579, confirmé par le gouvernement espagnol en septembre de la même année, au moment même où l'union d'Utrecht réunit les provinces du nord.

Malgré le grand nombre de documents qui ont été publiés sur cette époque, en premier lieu par les soins de l'Académie royale de Belgique et sous ses auspices par MM. Gachard, Piot, Kervyn de Lettenhove et autres, malgré la publication, par MM. Muller et Diegerick, des Documents concernant les relations entre le duc d'Anjou et les Pays-Bas, l'histoire de cette réconciliation était insuffisamment connue. Dans son livre remarquable, les Huguenots et les Gueux, M. Kervyn en avait donné un aperçu, ou plutôt une apologie, assez habile; dans ses études sur ces événements, publiées dans les Bijdragen voor vaderlandsche Geschiedenis (t. VII et VIII de la 3a série), M. Muller en avait tracé les lignes principales, d'après les Documents cités plus haut, mais une véritable histoire de ces faits importants restait encore à faire. Le livre de M. De Decker sur l'histoire des Malcontents, couronnée par l'Académie royale de Bruxelles il y a une vingtaine d'années, ne traitait que d'un épisode de la réconciliation, épisode sans doute de grande importance, mais qui n'expliquait pas le traité d'Arras lui-même, outre que l'auteur ne pouvait encore mettre à profit les documents qui ont été mis au jour dans les grandes publications qu'on vient de rappeler.

La Société Teyler, à Harlem, a donc bien fait en posant la question parmi celles dont elle désirait la solution, et M. Bussemaker, actuellement professeur d'histoire à l'Université de Groningue, a fait mieux encore en entreprenant d'y donner une réponse. C'est à cette réponse, présentée en 1894, que la Société s'est empressée de décerner sa médaille d'or.

Au fond, le récit de M. Bussemaker ne modifie en aucun trait essentiel les idées que les études de M. M. Muller avaient répandues sur l'histoire de la réconciliation. Les recherches très étendues de l'auteur dans les archives de la Belgique, les copies des documents provenant des archives de Simancas lui ont permis de donner un récit infiniment plus détaillé des événements, mais la physionomie générale des événements est restée la même. A cet égard, il n'y aurait qu'à suivre M. Muller, qui, se fondant sur les documents publiés, avait déjà pu donner un récit plus exact et surtout plus impartial que M. Kervyn ou M. De Decker. Cependant, il importe d'ajouter aussitôt que M. Bussemaker a rendu un grand service aux historiens qui s'occupent de cette époque en décrivant, on pourrait dire de jour en jour et dans un style attrayant et facile, le développement des faits dans les provinces du Hainaut et de l'Artois, en indiquant les motifs qui portèrent les nobles des provinces du sud et les états de ces provinces à accepter les offres faites par le prince de Parme et ses agents pour les contraindre à se détacher des États généraux et des autres provinces des Pays-Bas. Par là, ce livre est la fidèle image des événements; le récit s'appuie sur des témoignages abondants et contre lesquels il n'y a pas moyen de récriminer, et l'on ne pourra désormais dire avec Kervyn que la réconciliation des provinces wallonnes n'a été qu'un revirement de l'esprit catholique fervent de ces provinces contre la folle agitation calviniste de la Flandre, surtout de la ville de Gand. Sans doute les persécutions dirigées contre le culte catholique par les calvinistes effrénés dans les villes flamandes, et en premier lieu à Gand, ont contribué à ramener certains catholiques plus ou moins tièdes vers la domination espagnole, qui avait au moins le mérite de protéger leur religion, et l'auteur donne une foule de détails pour faire ressortir l'opposition véhémente entre les deux confessions; mais, d'autre part, il démasque l'égoïsme brutal des seigneurs belges, chez qui l'intérêt personnel coïncidait heureusement avec leurs opinions religieuses, si bien que la religion même semblait presque toujours n'occuper dans leurs préoccupations qu'une place secondaire. Enfin la déplorable situation économique des provinces méridionales a été, comme on pourra voir dans ce livre, un élément très important dans le cours qu'ont pris les événements.

De l'autre côté, les efforts continuels du prince d'Orange pour entraver les intrigues du prince de Parme, de ses agents et des seigneurs néerlandais, pour contenir dans des termes raisonnables les différends interminables des deux partis religieux et des factions politiques, pour maintenir la concorde entre toutes les provinces néerlandaises, pour

rester le maître des populaces urbaines, dont il s'était servi afin de contre-balancer l'influence des seigneurs du parti conservateur et des < espagnolisés; » tout cela est exposé par l'auteur d'une manière lucide et convaincante. La politique du duc d'Anjou envers les Pays-Bas et ses intrigues avec la famille de Lalaing, dans le Hainaut, sont décrites aussi en détail, ainsi que les tergiversations du seigneur de Montigny, le jeune général des soldats wallons mécontents, les Malcontents, qui avaient à se plaindre des États généraux et qui luttèrent contre eux dans le sud de la Flandre. Dans les chapitres sur le traité d'Arras, l'auteur fait remarquer que la réconciliation des provinces wallonnes ne fut point, comme on l'a dit, un sauve-qui-peut général vers le roi d'Espagne, une soumission sans conditions quelconque, mais plutôt un traité, qui leur permettait de rester fidèles à la pacification de Gand et à l'édit perpétuel conclu avec don Juan d'Autriche et de se réconcilier en même temps avec le roi d'Espagne, à condition que celui-ci consentît à reconnaître pour toujours les libertés du pays. Dans un appendice est traité l'épisode du séjour du duc d'Anjou en Hainaut, lorsque, vers Noël 1578, il essaya, dit-on, de s'emparer de la ville de Mons; avec beaucoup d'hésitations et en somme d'une façon peu convaincante, l'auteur cherche à démontrer que le duc d'Anjou n'a pas eu cette idée, du moins qu'il n'a pas commis un attentat. Plusieurs documents intéressants, une cinquantaine environ, publiés pour la première fois et destinés à prouver la manière de voir de l'auteur, ont été ajoutés au second volume de ce livre; ils augmentent ainsi beaucoup la connaissance que nous avions des événements et éclairent le développement historique d'où vont finalement sortir les deux états actuels de la Hollande et de la Belgique. P.-J. BLOK.

Gustave FAGNIEZ. Le Père Joseph et Richelieu. Paris, Hachette, 1895, 2 vol. in-8°. Abbé L. DEDOUVRES. Le Père Joseph polémiste (1623-1626). Paris, Picard, 1895.

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Le livre, les deux volumes de M. Fagniez sur le Père Joseph sont de ces œuvres que le critique ne peut se permettre de juger sans une longue étude préalable. Il suffit qu'il pense, en les abordant, aux années de recherche, de méditation et d'effort qu'elles représentent, pour sentir l'ingratitude et le poids de la tâche, et presque reculer, s'il n'avait, d'autre part, le désir et le devoir de marquer l'importance du service rendu par l'auteur à la connaissance de l'histoire.

On ne peut assez dire à quel point M. Fagniez a bien mérité de notre science, en lui apportant la figure précise du capucin qui, jusqu'ici, se perdait effacée dans l'ombre de Richelieu, une explication toute nouvelle et, à la fois, un dessin complet de son activité, qui ne fut point celle d'un subalterne, mais d'un maître, et enfin par cette étude minutieuse, tant de détails inédits et précieux, sur l'histoire du xvIIe siècle, mal connue encore, quoique classique.

C'est ainsi que le chapitre consacré aux origines du Père Joseph, par l'histoire de sa famille reprise au xve siècle, paraitrait peut-être long, s'il ne nous permettait de juger dès le début par quelles attaches puissantes le Père Joseph, du côté maternel et paternel, tenait à la grande société de son temps. Comprendrait-on autrement la place qu'à trente-cinq ans à peine ce capucin put y prendre, mêlé aux plus grandes affaires du royaume, en commerce régulier de bons offices avec la reine mère, les grands seigneurs et les ministres? S'il n'avait renoncé au monde volontairement, personne ne se fût étonné de ces relations. Il le savait; on s'en souvenait, et cela lui donnait une singulière autorité.

De cette conversion du Père Joseph, il ne me semble pas que M. Fagniez nous ait donné les raisons dernières. Était-il marqué dès l'enfance pour ce brusque changement de vie? Je ne crois pas, pour ma part, à ces indices que les pieux biographes du saint personnage retrouvent toujours, tant ils en ont l'envie, dans les scènes de son enfance et de sa jeunesse, élans de mysticisme ou d'amours contrariés. J'y crois d'autant moins pour le Père Joseph qu'on le voit, à quatorze ans, près de se faire capucin, vivre, jusqu'à dix-neuf ans, en bon gentilhomme, absorbé par l'escrime et l'équitation, et prêt, de nouveau, à se résoudre à la retraite, la chercher, non chez les Capucins, mais à la Chartreuse.

Ces incertitudes me paraissent des symptômes de caractère, plus que de vocation, qui concordent avec le propre témoignage du Père sur cette époque de sa vie : « Ces six années m'ont tant ennuyé que je tiens cela pour un siècle. » Inquiet, incertain et las, le Père Joseph passait alternativement des agitations à la retraite, lorsque, à Nevers, il se décide à revenir près de sa mère, ayant trouvé sa voie et fixé sa destinée. Il a résolu de devenir capucin, arrêté brusquement dans son intention de se faire chartreux, à Nevers précisément.

Peut-on deviner ce qui s'était passé pour lui dans cette ville, quelle influence s'exerça sur lui, décisive et subite? Je le crois. Quand on voit, d'une part, la correspondance étroite qui s'établit sitôt entre le duc de Nevers et le Père Joseph et, de l'autre, la part de l'ordre de SaintFrançois à toutes les entreprises que, pendant dix ans, ils ménagèrent ensemble, on est bien près de connaitre les raisons qui ont déterminé, à Nevers, le Père Joseph à entrer dans cet ordre. Il cherchait une œuvre à laquelle croire et se dévouer. Il l'a trouvée dans la croisade chère au duc de Nevers et aux Capucins et l'a servie avec enthousiasme et obstination. Cette explication me paraît à l'appui de tout ce que M. Fagniez nous apporte de neuf et de si intéressant sur ses débuts, ses aspirations, ses entreprises.

L'étude très minutieuse et très documentée qu'il a faite du rôle des Capucins dans l'Église et les relations des états européens au XVIIe siècle, de leur extension et de leur croisade pacifique en Orient, est peut-être la partie la plus attachante et la plus instructive de son œuvre. On souhaiterait même que tous les traits essentiels en fussent ramassés et

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