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les lignages des « anciens hommes libres de la conquête. Ce sont des idées qui sonnent aujourd'hui à l'oreille de l'historien comme certaines redondances de l'époque romantique. M. Heins écrit : « Le pouvoir échevinal était devenu héréditaire. » Nous croyons bien qu'il l'était dès le début. M. Heins considère le xive siècle comme une époque où la société était «< assise et tranquille, du moins dans des villes, en la comparant aux XIIe et XIe siècles. Ce fut, au contraire, l'époque la plus terrible que l'histoire municipale ait connue, surtout en Flandre guerres, massacres, incendies et pillages. Les grandes villes d'Ypres et de Bruges furent ruinées à jamais. Nous pourrions multiplier ces obser

vations.

Dans l'ensemble, néanmoins, M. Heins a donné un résumé simple, clair et généralement exact des conclusions auxquelles les écrivains modernes sont parvenus, et qui, à ce titre, peut rendre des services.

Fr. F.-B.

Docteur G. LEGUÉ. Médecins et empoisonneurs au XVIIe siècle. Paris, 1896. In-12.

entre

Les Médecins au temps de Molière, les Apothicaires au XVIIe siècle, Médecins et grandes dames, les Poisons, la Messe noire, la Voisin, la Mort de Madame, tels sont les titres des chapitres qui composent le livre de M. Legué. L'auteur avait une compétence particulière pour traiter ces différents sujets par sa connaissance de la médecine, et spécialement des maladies nerveuses. Il a écrit un livre qui est destiné au grand public, plutôt qu'aux historiens, bien qu'il repose sur des recherches consciencieuses. Il a, néanmoins, omis de compléter les renseignements qu'il a trouvés dans les documents d'archives, autres les pièces du fameux procès des poisons, en grande partie publiées par François Ravaisson, dans ses Archives de la Bastille, — par les indications que fournissent sur les personnages en scène les mémoires et correspondances des contemporains. La partie la plus importante du livre de M. Legué est consacrée à la mort de Madame, la gracieuse Henriette, première femme du duc d'Orléans. M. Legué conclut à l'empoisonnement par le sublimé corrosif; même après la lecture de cette dissertation très intéressante, l'opinion de Littré, qui conclut à la mort naturelle, causée par un ulcère simple de l'estomac, conservera des partisans.

Fr. F.-B.

La Hongrie littéraire et scientifique, par Y. KONT, professeur au Collège Rollin, docteur de l'Université de Budapest. Paris, Leroux, 1896. In-18, VII-459 pages.

Cet ouvrage, plutôt littéraire qu'historique, publié à l'occasion de

l'exposition millénaire hongroise, mérite cependant d'être mentionné ici, pour deux raisons.

D'abord, il renferme un exposé de la littérature historique en langue magyare ou latine, qui résume et complète, en conduisant le lecteur jusqu'au moment même où nous sommes, les tableaux présentés dans ce recueil-ci, par nous en 1876, par MM. Marczali et Lederer en 1887. Il est intéressant, par exemple, d'apprendre que l'Académie hongroise prépare, en l'honneur de la solennité actuelle, des éditions définitives de toutes les sources orientales, grecques et occidentales contemporaines de la prise de possession du pays et qui mentionnent ce fait. Déjà M. Geiza Kuun a donné les sources orientales (1er volume, 1893); M. Vari donnera les sources grecques et M. Marczali les sources occidentales. M. Kont nous renseigne aussi sur les travaux les plus récents de MM. Fraknoi (Mathias Corvin) et Pauler (les Arpard), etc., etc.

Ensuite, le livre tout entier est un chapitre d'histoire, en ce sens que les fluctuations littéraires de la nation magyare, ses alternatives d'enthousiasme national, de chauvinisme ethnographique, d'oppression, de découragement, de renaissance littéraire traduisent exactement, d'une façon qu'on pourrait appeler adéquate, les va-et-vient de l'histoire politique. Nous n'avons pas à souhaiter la bienvenue à M. Kont, qui, depuis plusieurs années, agrégé de notre Université, enseigne l'histoire dans un collège de Paris, mais nous pouvons le féliciter et le remercier de son utile publication.

Ed. SAYOUS.

P. COQUELLE. Le royaume de Serbie. Paris, Vanier, 1894. 4 vol. in-18, 294 pages. Histoire du Monténégro et de la Bosnie. Paris, Leroux, 1895. 1 vol. in-8°, v-490 pages.

Il y a des livres ennuyeux, mais savants; il en est qui exaspèrent le lecteur en heurtant ses manières de voir, mais dont le mérite est d'ailleurs incontestable; il y en a enfin qui ne laissent qu'une sensation de vide; en fermant le volume, on constate avec tristesse que les promesses du titre n'ont pas été tenues et que les pages qu'on a feuilletées ne contiennent rien. Tels sont, j'ai le regret de le dire, les deux ouvrages de M. Coquelle; écrits dans une langue prudhommesque, sans souci d'une méthode quelconque, ils révèlent une absence presque totale de recherches préliminaires; c'est superficiel, vague ou faux. On tolère ces à peu près dans des articles d'actualité bâclés par un reporter à court de copie, mais, quand on rencontre dans un ouvrage de dehors scientifiques une pareille légèreté et une pareille insuffisance, on ne peut s'empêcher de crier au scandale.

Le premier devoir d'un historien est de rapporter le plus exactement possible les noms des personnes et des lieux dont il parle; on se demande comment on peut, sans le faire exprès, arriver à l'incorrection que pré

sentent les livres de M. C. Je signalerai les erreurs que j'ai relevées dans les dix premières pages de l'Histoire du Monténégro qui me sont tombées sous la main :

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P. 262, la paix de Pressbourg; même erreur p. 269, mais, p. 267, Presbourg est écrit correctement. P. 262, l'agent autrichien appelé le baron Cavalcado avait nom Baroni Cavalcabo. - P. 263, les habitants des bouches de Cattaro (bocche di Cattaro) ne s'appellent pas Bocchésiens, mais Bocquais, de l'italien Bocchesi; Bocchésiens supposerait Bocchesiani; rapprocher le nom de Ragusans donné par M. C. aux Ragusains et celui de Bosniens donné aux Bosniaques. - P. 264, Catvat; p. 267, Caftat. Le vieux Raguse (Ragusa vecchia) s'appelle en croate Cavtat (Civitas?). P. 264 et pass., le prince Vyazamski, cette famille écrit son nom Viazemski. - P. 265, île de Locroma, c'est Lacroma. P. 266, M. C. semble ignorer que Novi est le nom croate de Castelnuovo. - P. 267, Ostro, dans les montagnes voisines de Cattaro. Ostro n'est pas une localité, mais un cap, punta d'Ostro; ce cap n'est pas dans les montagnes et n'est pas voisin de Cattaro. P. 267, Deleli brog, lisez Debeli brig. P. 267, Mokrin, lisez Mokrinje. P. 267, Vilalica, lisez Vitalina. - P. 268, le colonel italien qui capitula dans Curzola ne s'appelait pas Orsango, mais Orfengo. P. 268, Porto roso, lisez Porto rose.-P. 268, Eylau et Friedland sont en Prusse et non en Pologne, de même que Carlovitz n'est pas en Basse-Autriche (Roy. de Serbie, p. 173). - P. 269, Ostorg pour Ostrog; écrit correctement p. 275.

Ces inexactitudes sont généralement dues à l'inattention de l'auteur, qui ne persévère pas toujours dans ses erreurs. Scander-beg est appelé aussi Scanderberg (Roy. de Serbie, p. 145) et Scanderburg (Ibid., p. 146); Funfkirchen ou Pec, en Hongrie, se change en Funftkirchen (Ibid., p. 176) ou en Funftekirchen (Ibid., p. 154). Le nom de l'historien Andric devient Andrich, Andritch et Andricht.

Mes remarques se bornent aux noms dont j'ai pu relever la véritable forme; il en est d'autres qui sont défigurés au point de devenir absolument méconnaissables. J'ai consulté M. Leger, compétent entre tous sur ces matières, et nous n'avons pas pu arriver à deviner le sens de certains groupes de syllabes.

Mais tout ceci n'est qu'une affaire secondaire; ce qui est beaucoup plus sérieux, c'est que M. C. ne connaît pas le sujet qu'il a entrepris de traiter. Ses sources sont au moins insuffisantes; dans le volume sur la Serbie, il ne donne qu'une seule référence : p. 14, Figuer (probablement L. Figuier), les Races humaines, pas d'indication de page. De quoi s'est-il servi pour faire son livre? Il nous le laisse ignorer. Pour le Monténégro, il cite Andric, Medakovic et Milutinovic; Andric seul a écrit sur l'ensemble de l'histoire monténégrine, et son travail n'est pas estimé. Il ne manque pas cependant d'ouvrages qu'on pouvait utiliser; il y a, à ma connaissance, six histoires du Monténégro; en croate, Milakovic (Zara, 1856); Kallay écrit en hongrois, mais traduit en serbe, en allemand et, je crois, en russe; en italien, Kaznacic, qui a traduit Milakovic en le REV. HISTOR. LXII. 1er FASC. 10

corrigeant (Raguse, 1877); en italien encore, Chiudina (Spalato, 1882); en français, Delarue (1862) et Maton (1881). De nombreux auteurs ont traité à fond des épisodes; en particulier, Makuchef a publié sur le siège de Raguse un travail de haute valeur. Celui qui voulait écrire après tant d'autres devait essayer de connaître au moins quelques-uns de ses devanciers; M. C. a préféré compiler sans critique dans un ou deux auteurs sans autorité; je croirais volontiers à plusieurs sources distinctes. Le même individu, appelé Bucetich de la page 258 à la page 262 (son nom revient douze fois en cinq pages), reparaît à la page 274 sous le nom de Voucetitch; ce sont deux lectures du même nom slave que M. C. a adoptées successivement, selon qu'il recourait à la source A ou à la source B. Nous verrons tout à l'heure que M. C. ajoute aussi du sien, mais qu'en le faisant il n'a pas toujours la main heureuse.

Revenons aux quelques pages examinées tout à l'heure au point de vue de l'orthographe, et voyons ce que vaut le fond.

P. 263, il s'agit de la marche du général Lauriston sur Cattaro; les Monténégrins s'emparent du pays et barrent le passage aux Français; la flotte de l'amiral russe Siniavin leur prête assistance. Il est bon de savoir que la conquête de Cattaro était depuis dix ans et sera longtemps encore le but des efforts et des intrigues du Vladika Pierre; les archives contiennent dix fois la preuve de ce point de fait.

Écoutons M. C. le Vladika Pierre, qui ne désirait que la paix, est invité par les Russes à prendre les armes; il cède à contre-cœur; ‹ le voilà donc entraîné dans la querelle d'Alexandre et de Napoléon; nous ne pouvons le blâmer, car il devait tant de reconnaissance à la Russie qu'il n'avait pas le droit de lui refuser son appui. »

Ici M. C. a peur d'avoir prononcé des paroles compromettantes et entame une dissertation pour démontrer que le Monténégro n'est pas vassal de la Russie; en effet, « un vassal paie un impôt à son suzerain...; rien de semblable dans le pays qui nous occupe; loin de payer un impôt, il reçoit des Russes un subside annuel... » Cela tendrait à prouver que c'est l'empereur de Russie qui est vassal du Monténégro.

P. 264, « Lauriston arrive à Raguse avec une brigade. » Les pièces officielles, les états de solde, par exemple, démontrent qu'il y avait 800 hommes amenés à marche forcée pour empêcher les Russes de se jeter dans Raguse; aussitôt dans la ville, Lauriston fut attaqué, coupé et bloqué pendant dix-neuf jours, après quoi il fut dégagé par Molitor : voilà l'histoire.

M. C., qui veut être bien vu à Cetinje, consacre les pages 264 et 265 au récit des prouesses extraordinaires des Monténégrins, mais ses récits rappellent les bulletins des Chinois pendant la dernière guerre, ou les télégrammes que, pendant les révolutions périodiques de l'Amérique centrale, envoient à l'envi les gouvernements tant légitimes qu'insurrectionnels. En faisant le compte des pertes attribuées aux Français par les historiographes monténégrins, on peut voir que chaque soldat a été tué au moins trois ou quatre fois. A un moment, M. C. est pris d'un

scrupule et se refuse à enregistrer les chiffres d'Andric, mais, à la page suivante, il se laisse de nouveau séduire et fait périr 400 soldats français et 18 officiers en un seul combat; dix-neuf canons sont pris; la veille, les Français avaient déjà perdu trois batteries; or, le général, s'engageant dans un pays dépourvu de routes, avait laissé son artillerie à Spalato, et il n'avait trouvé dans Raguse que de vieilles bombardes sans affûts. P. 265, « le 14 juin (v. s.) arriva un ordre du tzar, qui autorisait les Monténégrins à retourner dans leur pays, s'ils le jugeaient à propos... Il ne s'agit pas d'un ordre du tsar, mais d'un courrier d'ambassade, qui apporta de Paris la copie d'un traité (traité d'Oubril, du nom du diplomate russe qui le négocia). Les Russes devaient se retirer, mais ils s'y refusèrent, parce que l'acte n'était pas ratifié par le tsar, lequel ne le ratifia pas. Ces détails sont inconnus de M. C., qui donne une autre interprétation: « Le Vladika estima qu'il serait lâche d'abandonner ses alliés au plus fort du combat (et du pillage aussi) et ne voulut pas profiter de l'autorisation du tzar... Sa résolution était d'autant plus louable que Napoléon, furieux de l'intervention des Monténégrins, qu'il considérait comme des sauvages, avait donné l'ordre de passer par les armes tous ceux d'entre eux qui seraient faits prisonniers. »

Je ferai remarquer qu'à cette date Napoléon ignorait que ses troupes fussent en conflit avec les Monténégrins; les hostilités n'avaient commencé que depuis huit jours; l'empereur n'était au courant de rien et n'avait pu donner aucun ordre. J'ajouterai que les Monténégrins avaient l'habitude très orientale de couper la tête aux ennemis qui tombaient morts ou vivants entre leurs mains. Le malheureux général Delgorgue avait ainsi été massacré, sous les yeux de ses hommes, pendant la retraite du 17 juin, et on comprend que les Français fussent peu disposés à faire quartier. A ce propos, M. C. prend à partie M. Thiers (p. 266, note) et conclut par cette réflexion : « Le Vladika ressentit un violent courroux de la manière dont on considérait ses guerriers. »>

Cette glose juxtalinéaire peut se poursuivre indéfiniment; chaque assertion appelle une rectification. A la page 267, on voit Marmont livrer une bataille (où il est défait, naturellement) un mois avant la date de son entrée en Dalmatie; par compensation, Molitor est blessé à Cas

1. Une légende très accréditée dans le pays veut en effet qu'un général français, Molitor ou un autre, ait été blessé et même tué à la bataille de Castelnuovo (30 sept. 1806); ce fait étant contredit par nos rapports militaires, je me suis refusé à y croire, et, pour me convaincre, on m'a fait voir le prétendu « tombeau du général français, » qu'on distingue non loin de la mer, à demi enfoui dans un bouquet d'arbres, quand on range la côte en bateau à vapeur, avant d'entrer à Castelnuovo. Pour en avoir le cœur net, j'ai poussé jusqu'à ce monument, qui est près de l'embouchure de la Sutorina, dans l'étroite bande de territoire qui sépare l'Albanie vénitienne des états de Raguse. Or, ce tombeau est celui d'un Turc nommé Hassan-Agha. C'est sur cette méprise que reposent les récits très circonstanciés qui font autorité aussi bien en Dalmatie qu'au Monténégro. Le seul officier qui périt dans cette rencontre fut le capi

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