Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

En temps de paix, chacun reste chez soi; le roi ne peut forcer personne à s'enrôler; s'il profite en Navarre de l'absence des cortès pour lever des troupes, c'est un contrafuero1. Il a des garnisons en Navarre et en Biscaye, mais c'est à lui d'entretenir ses troupes. Les Vascongades ne doivent même pas être traversées par les troupes royales sans l'assentiment des députés généraux2; le roi doit rembourser aux provinces tous les frais dont elles lui font l'avance pour le transport des bagages et les fournitures faites au soldat par l'habitant3. En Guipuzcoa, des commissaires de la junte (comisarios de transitos) accompagnent les troupes pendant tout leur parcours à travers la province, préparent les cantonnements, de concert avec les alcaldes et les chefs militaires. Le roi entretient ses places fortes. Le Guipuzcoa et la Biscaye arment seulement leurs batteries de côtes. Pampelune donne 60,000 réaux par an pour l'entretien de ses remparts5.

Cependant l'immunité militaire des Vascongades n'est pas absolue, même en temps de paix. La Biscaye et le Guipuzcoa doivent le service de mer, l'inscription maritime y est établie en 1751, à peu près dans les mêmes conditions qu'en Castille. Les trois provinces subventionnent de petits corps de volontaires, les miquelets et les miñones. A partir de 1762, le Guipuzcoa organise une véritable garde nationale; la junte décrète qu'il y aura dans chaque localité autant de fusils qu'il y a de chefs de famille; les hommes seront exercés au maniement des armes et, chaque année, les alcaldes adresseront à la junte un rapport sur la situation militaire de leur ville".

En temps de guerre, à l'appel du seigneur et roi, les députés des juntes ordonnent d'urgence la mobilisation partielle ou totale des milices provinciales. L'effort que firent la Navarre et les Vascongades à la fin du xvir° siècle, lors de la guerre avec la France, fut réellement héroïque. La Navarre leva plus de 20,000 hommes et dépensa 150,000 pesos pour les armer et les vêtir; lorsque l'ennemi menaça directement Pampelune, la dépu

1. Oloriz, op. cit., p. 76.

2. Bengoa, p. 276.

3. Guip. instr., v. Bagages. Il est vrai que le remboursement est très irrégulier. Les provinces sont souvent obligées de payer pour le roi.

4. Juntas gen. de Guip., 1779, p. 101.

5. Yanguas, Dic. de fueros y leyes, v° Tabernas reales.

6. Ordre royal du 12 août 1802.

7. Marichalar y Manrique, p. 437.

tation demanda au général en chef de placer les bataillons navarrais au poste le plus menacé1. Le Guipuzcoa arma 4,600 hommes dès la première année de la guerre2. La Biscaye leva 16,000 hommes et, avec l'aide des troupes alavaises, défendit pied à pied le territoire de la seigneurie contre les soldats de Moncey. Du mois de mars au mois de juillet 1795, les milices biscayennes, conduites par le brave Crespo, livrèrent aux Français huit batailles 3. Cette admirable défense permit au prince de Castel Franco, commandant l'armée de Navarre, de la remettre dans le plus brillant état; Jomini ne craint pas de dire que la campagne, si bien commencée par Moncey, était encore douteuse lorsque la paix de Bâle vint la terminer".

Les fuéristes pouvaient dire avec un légitime orgueil qu'aucune province de la monarchie n'avait plus fait pour la défense du sol espagnol que la Navarre et les Vascongades.

Cependant les privilèges foraux étaient, dès le xvi° siècle, très sérieusement menacés par le gouvernement de Madrid.

Les ministres tendaient à renforcer l'influence des agents directs du roi aux dépens des députés généraux représentants des juntes. L'Alava reçut un alcalde mayor en 1786, la Biscaye eut un commandant militaire à partir de 1803.

Les juntes régulières des Vascongades se défendaient vigoureusement, mais les cortès de Navarre n'étaient plus convoquées qu'à de rares intervalles. Le visa foral des actes royaux fut supprimé en Navarre en 1786.

Les libertés municipales furent restreintes par la nomination des syndics représentants et des députés du commun. Les concéjos perdirent en maint endroit leur constitution démocratique.

Les immunités judiciaires ne subirent pas d'atteinte sérieuse, parce qu'elles ne paraissaient pas dangereuses dans un pays comme l'Espagne où les lois n'étaient point codifiées, mais il n'en fut pas de même des immunités financières et militaires. De l'argent, des soldats! le gouvernement en avait toujours besoin; il

1. Archivo de Navarra. Quadernos, 1795, p. 323.

2. Gorosabel, p. 231.

3. Marquis de Marcillac, Histoire de la guerre entre la France et l'Espagne (1793-1795). Paris, 1808, p. 96-104, in-8°.

4. Jomini, Histoire des guerres de la Révolution. Paris, 1842, 4 vol. in-8°, t. II, p. 251.

eût bien voulu n'avoir à subir aucun contrôle en pareille matière. De leur côté, les provinces exemptes tenaient énormément à ne payer que les impôts librement consentis et à ne s'armer que lorsqu'elles le voulaient bien. A la violence de l'attaque répondait la ténacité de la défense. En 1717, Albéroni fit un véritable coup d'État et décréta d'un trait de plume le transfert des douanes de l'Ebre à la mer et aux Pyrénées. Ni les Vascongades ni la Navarre ne se soulevèrent, mais ce ne fut qu'un cri dans les quatre provinces, et, tandis que les députés généraux adressaient au roi les remontrances les plus respectueuses, frauder les droits du fisc et rosser ses agents devint un devoir patriotique pour tout Basque et tout Navarrais. Au bout de cinq ans, la contrebande avait pris de telles proportions que le produit des douanes avait baissé d'un tiers au lieu d'augmenter, et que la seule ville de Saint-Sébastien renfermait pour 600,000 réaux de tabac de fraude. De guerre lasse, la royauté se décida à rétablir les choses sur l'ancien pied.

Quant aux immunités militaires, le roi essaya à plusieurs reprises d'introduire le tirage au sort dans les provinces exemptes; il échoua dans les Vascongades, mais il réussit en Navarre, où des cortès intermittentes ne pouvaient garder le fuero avec le même succès que des juntes régulières.

Après un siècle de lutte, les deux partis étaient moins près de s'entendre qu'au début. Les privilèges des Vascongades apparais saient à des hommes, tels que Campomanes et Jovellanos', comme des restes de la barbarie du moyen âge. Urquijo et le prince de la Paix ne cachaient pas leur désir d'en finir avec toute cette archéologie. On disait hautement à la cour que le Guipuzcoa et la Biscaye avaient perdu leurs privilèges par la conquête française (1795), que le roi les possédait non plus à titre héréditaire, mais en vertu du traité de Bâle, et qu'il était maître de leur imposer une nouvelle administration. La Navarre s'était bien laissé imposer les quintas et des taxes illégales. La soumission de l'Alava ne faisait même pas question.

Il est certain que la croisade antifuériste aurait éclaté dès les premières années du xIx siècle, si la guerre de l'indépendance

1. Jovellanos, Informe de la Sociedad Economica de esta Corte. Madrid, 1795, in-4°, n° 314.

2. Canga Arguelles, Dic. de hacienda, v° Provincias exentas.

n'avait absorbé toutes les forces vives et toute l'attention du pays. On ne peut savoir quel eût été le résultat de la lutte, mais il est bon de remarquer qu'avant 1808 tous les hommes de progrès en Espagne étaient imbus des idées françaises, que les violences de Napoléon n'avaient pas encore discréditées; même parmi les fuéristes, beaucoup parlaient des libertés provinciales comme d'antiquailles légèrement surannées. Les Vascongades et la Navarre furent représentées aux cortès unitaires de Cadiz et sacrifièrent généreusement leurs libertés locales à la liberté espagnole.

L'absolutisme furieux de Ferdinand VII réveilla l'attention des fuéristes. Puisque l'Espagne retombait dans l'esclavage, les Vasco-Navarrais se retournèrent naturellement vers leurs anciennes lois, et, ne pouvant être libres comme Espagnols, ils le furent comme Basques et comme Navarrais.

Ils ont ainsi donné à l'Espagne une grande leçon et un grand exemple. Au lieu de leur imposer par la force ses lois médiocres et sa détestable administration, que la Castille se réforme ellemême, se fasse plus libre et plus prospère que les pays de fuero, et ceux-ci demanderont alors à se ranger sous ses lois.

G. DESDEVISES DU DEZERT.

MÉLANGES ET DOCUMENTS

ÉTUDE CRITIQUE

SUR LA

CONCESSION DE L'INDULGENCE DE LA PORTIONCULE

OU PARDON D'ASSISE.

Les historiens orthodoxes racontent longuement de quelle façon saint François obtint du saint-siège une faveur inouïe alors, celle d'une Indulgence plénière et absolue pour tous les péchés passés, accordée à ceux qui, confessés, communiés et absous, visiteraient, le 2 août de chaque année, la chapelle Sainte-Marie de la Portioncule, appelée aussi Notre-Dame-des-Anges.

Il y a trois ans, j'ai rejeté en bloc tout ce qui avait trait à ce fameux pardon, mais de nouvelles études entreprises à Florence, à Rome et surtout à Assise m'ont amené à la conviction que j'avais eu tort.

D'une part, ces recherches m'ont fait découvrir un certain nombre de documents nouveaux; d'autre part, elles m'ont montré que les documents traditionnels, qui, en passant par les mains de copistes ignorants, souvent indiscrets ou même sans scrupules, ont perdu une partie de leurs caractères originaux, sont cependant authentiques'. Ces conclusions négatives étaient du reste basées encore sur d'autres raisons, dont voici les principales 2 :

1. Tous ces documents, dont plusieurs, faute d'espace, ne peuvent trouver place ici, seront publiés prochainement dans les appendices d'une édition complètement remaniée de la vie de saint François.

2. Seules, les raisons de nier provenant de préoccupations historiques peuvent trouver place ici. La plupart des adversaires de la tradition franciscaine en appellent à des considérations théologiques que je n'ai pas même à indiquer. Ceux qui désireraient être au courant des attaques dirigées par les Réformateurs et par les Jansénistes contre l'Indulgence en trouveront un résumé dans les apologies de Grouwels, Historia critica sacrae indulgentiae, et de Chalippe, Vie de saint François, t. III, p. 190-327.

« VorigeDoorgaan »