Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Adolf SCHULTEN. Die rœmischen Grundherrschaften. Eine agrarhistorische Untersuchung. Weimar, E. Felber, 1896. In-8°, XI-148 pages.

M. Schulten s'est voué à l'étude des organismes parasites, qui se sont peu à peu introduits dans le corps de la société romaine, engendrés par la même sève, modelés d'après les mêmes principes que les organes réguliers et constituant à côté de ceux-ci comme des parcelles d'un second État. Après avoir étudié les conventus de citoyens romains domiciliés à l'étranger, communautés qui tiennent le milieu entre le municipe et le collège, les quasi-municipalités d'ordre inférieur, celles des pagi, vici, castella, les camps ou « territoires de légion', » il soumet cette fois à une analyse minutieuse les propriétés seigneuriales, dont le type le plus complet est fourni par les domaines impériaux de l'Afrique romaine. Le présent Mémoire est un premier essai de généralisation, dont le début est de fonder une théorie juridique sur les inscriptions relatives aux latifundia africains. Parmi ces documents figurent au premier rang le décret de Commode, concernant le saltus Burunitanus (texte découvert en 1880 à Souk-el-Khmis), et les fragments de la lex Hadriana, retrouvés en 1892 à Aïn-Wassel.

M. S. commence par définir les termes. Il n'a pas à s'occuper des grandes propriétés ou sommes de fundi disséminés, qui restent soumises au droit commun, et il ne vise qu'en passant les fundi excepti, englobés dans le terroir d'un municipe, mais soustraits, par la qualité des propriétaires, à son ingérence administrative et à sa juridiction. C'est là une espèce intermédiaire qui l'amène à l'objet spécial qu'il s'agit d'examiner, le grand domaine d'un seul tenant, doté de l'autonomie territoriale et dont le propriétaire ou, pour parler plus exactement, le possesseur est en même temps le seigneur. Le nom propre de ce domaine, qui ne se rencontre guère que sur sol provincial, est saltus. Les autres synonymes, praedium, possessio, sont trop vagues; latifundium et massa ne conviennent qu'aux propriétés formées par agrégation de fundi distincts et n'impliquent pas nécessairement le

[ocr errors]

1. Ad. Schulten, De conventibus civium Romanorum, sive de rebus publicis civium Romanorum mediis inter municipium et collegium. Berlin, 1892. Étude sur les pagi, vici, castella, dans le Philologus de 1894, t. LVI, sur les territorium legionis, dans l'Hermes (XXIX, [1894], p. 429 et suiv.), sur la lex Hadriana (ibid., p. 204 et suiv.).

sens spécifique de domaine seigneurial, indépendant des communes limitrophes.

D'où vient que ce sens spécifique s'est attaché au mot saltus, qui, dans la langue courante, désigne les terrains incultes, broussailles, landes et bruyères? C'est que, lors de la fondation des municipes provinciaux, ces terres infertiles n'ont pas été assignées; elles sont restées ager publicus et ont été occupées ensuite par des possesseurs, aux mains desquels la possession est devenue propriété. Les saltus n'ont pas été distraits après coup du terroir municipal; ils n'en ont jamais fait partie. Leur autonomie est primordiale. Cette genèse du saltus explique qu'il soit indépendant des communes, même possédé par un simple particulier, du moins, M. S. penche pour l'affirmative (p. 8), à plus forte raison, quand le possesseur est exempt de la juridiction municipale de par sa qualité de sénateur ou quand il s'appelle César. En somme, le saltus impérial est le type parfait du domaine seigneurial, le seul qui soit autonome à tous points de vue et ne paye tribut qu'à son seigneur; car, si les domaines des sénateurs ne participent pas aux charges des curiales, ils doivent l'impôt au fisc.

M. S. étudie de très près l'aménagement et l'administration des domaines impériaux, groupés parfois en regiones et en tractus, rattachés soit au fisc, soit au patrimonium, soit à la res privata, régis par des procurateurs et cultivés en partie par des esclaves, en partie par des colons. Il soutient, contre Mommsen, que les domaines étaient affermés en entier à des fermiers généraux (conductores), et non pas seulement la partie exploitée par la domesticité du maître. Il en conclut que les « colons » n'étaient jamais que des sous-fermiers. La démonstration n'est pas probante, parce que des raisonnements par analogie (analogie avec les municipes) ne produisent jamais la certitude; mais l'opinion de M. S. est plausible, et, en plaçant d'un degré plus bas la condition du colon libre, elle fait mieux comprendre comment le colon est si vite tombé presque au niveau de l'esclave.

La question du colonat, sur laquelle on a tant écrit, peut passer maintenant pour résolue. M. S. reconnaît, sans ambages ni réticences (p. 94), que c'est Fustel de Coulanges qui, dès 1884, a indiqué la vraie solution. Le colonat est issu de la tenure en sous-ordre des terres seigneuriales, figée, immobilisée pour assurer la rente du sol, et il est né sur les domaines impériaux. Le colon s'est trouvé dès l'origine, comme la terre qu'il cultivait, en dehors du droit commun, dépourvu de toute protection contre l'autorité souveraine du propriétaire, à la merci de procurateurs sortis de la classe servile et peu disposés à respecter sa liberté. C'est ainsi qu'il finit par être attaché à la glèbe seigneuriale et que se créa cette condition particulière, dont la despotique prévoyance du fisc fit ensuite le statut personnel de tous les petits fermiers de l'empire.

On ne saurait, dans un compte-rendu, passer en revue tout le contenu d'une étude qui vaut surtout par l'accumulation des détails. Ce petit livre est de ceux que l'on consultera avec fruit, mais qu'on ne lira

pas aisément d'une haleine. L'auteur, préoccupé d'être complet, n'a pas toujours pris le temps d'être clair. Il faut dire que l'habitude juridique de faire passer les idées et les définitions avant les faits, lesquels sont invoqués à l'appui, mais détachés des conditions de lieu et de temps qui les expliquent, est le contre-pied de la méthode historique. Le mélange des deux procédés produit une combinaison un peu trouble, sans compter que l'abondance de synonymes nuancés, fournis par deux vocabulaires, le latin et l'allemand, contribue parfois à donner à la pensée une forme indécise. Enfin, l'absence presque complète de chronologie suggérera à plus d'un lecteur de M. S. l'idée d'aller demander les renseignements qu'on lui refuse au travail publié, en 1887, par M. Ch. Lécrivain (De agris publicis imperatoriisque ab Augusti tempore usque ad finem imperii Romani), qui, lui, tant pour l'origine des propriétés impériales que pour leur administration, distingue soigneusement les époques.

Il n'en reste pas moins que M. S. a fait œuvre sérieuse et utile, et que son livre, tenu au courant des plus récentes trouvailles épigraphiques par un appendice (p. 133-139), est de ceux qu'il faut garder à portée de la main. Au delà du Rhin, ou plutôt au delà de l'Elbe et ailleurs encore, la première et la dernière page ne risquent pas de passer inaperçues. C'est en songeant aux grands propriétaires de la Sicile et aux hobereaux prussiens que l'auteur répète, comme conclusion, le mot de Pline: latifundia perdidere Italiam. A. BOUCHE-LECLERCQ.

Augustin BERNARD. De Adamo Bremensi Geographo. Thesim Facultati Litterarum Parisiensi proponebat. Paris, Hachette, 4895. In-8°, 104 pages.

Adam de Brême était un Saxon d'origine, amené à Brême par l'archevêque Adalbert en 1069, devenu chanoine et maître d'école dans cette ville, où il composa, vers 1075, un ouvrage intitulé: Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum. C'est surtout un livre d'histoire. Mais, Brême étant à la fois un centre ecclésiastique et commercial pour les pays du Nord, et son archevêché ayant dans son ressort tous les états scandinaves, Adam se trouve amené, à propos des événements historiques, à décrire les contrées qui en sont le théâtre, c'est-à-dire la Saxe, la Slavonie, le Danemark, la Suède, la Norvège, l'Angleterre. Son quatrième et dernier livre est même une sorte de traité géographique intitulé, selon les manuscrits De Situ Daniæ, De Insulis Aquilonis, Descriptio Aquilonis ou Descriptio Insularum Aquilonis.

Adam avait peu voyagé en dehors de l'Allemagne, il semble n'avoir visité que l'île de Seeland. Mais à Brême il avait pu recueillir de nombreux renseignements, soit des marchands normands qui visitaient ce port, soit de l'archevêque Adalbert, soit du roi Suein (Svend). Il s'est servi aussi de sources écrites, qu'il mentionne la vie de saint Willibrod,

Eginhard, parmi les chroniqueurs du moyen âge; parmi les auteurs classiques, Virgile, Flaccus, Lucain, Salluste, Orose, Paul Diacre, Grégoire de Tours, Macrobe, surtout Bède, Martianus Capella et Solin. Son ouvrage est en grande partie une compilation, surtout en ce qui concerne les théories générales de cosmographie, la rotondité de la terre, la continuité de l'océan, les marées, les glaces et ténèbres éternelles de la mer septentrionale. On y trouve beaucoup de détails fabuleux et légendaires. Mais il y en a d'originaux et d'intéressants. Ainsi la mention du feu grégeois, qu'il désigne sous le nom de Olla Vulcani (on avait vu jusqu'ici dans cette expression une allusion aux volcans de l'Islande). Adam connaît et décrit assez bien les pays du Nord, ou plutôt il mêle aux descriptions vagues et inexactes des auteurs anciens des détails vrais, empruntés aux portulans des navigateurs normands. Sa description demeure indécise; il serait difficile de la fixer sur une carte, mais elle est pourtant plus précise que celle de Ptolémée. Il se fait de la Baltique une idée curieuse. Il se la représente comme étendue de l'ouest à l'est entre la Scandinavie et la Slavonie et communiquant avec le PalusMéotide par un détroit, qui suivait les dépressions marécageuses du Niémen et du Dniéper (allusion évidente aux relations qui ont dû toujours exister par navigation fluviale entre ces deux mers); dans cette région qui lui est inconnue il place les montagnes fantastiques et les peuples fabuleux des anciens, les monts Riphées, les Hyperboréens, les Scythes, les Anthropophages, les Cyclopes, etc. La Courlande et l'Esthonie (Churland, Aestland) sont pour lui des îles; la Livonie n'est pas mentionnée. Il ignore encore le golfe de Bothnie et la Finlande. Il ne dit pas expressément si la Scandinavie est une presqu'ile ou une île. Par contre il donne sur la Suède, sur la Norvège, sur le Danemark des détails nouveaux et exacts. Du côté de l'ouest, la Baltique communique avec l'océan Britannique qui est borné à l'est par le Danemark, au sud par la Saxe et la Frise, à l'ouest par la Bretagne, au nord par les Orcades. Ensuite, au delà des Orcades, l'océan septentrional s'étend dans des espaces infinis ayant à gauche l'Hibernia (qu'il confond évidemment avec l'Écosse), à droite la Normania, et contenant les îles Island, Thule, Gronland, Halagland et Vinland, allusion intéressante aux navigations des Normands sur les côtes de l'Amérique septentrionale. Seulement, Adam range ces îles du sud au nord, au lieu de les placer de l'est à l'ouest. Par delà le Vinland s'étendent les glaces et les ténèbres éternelles.

En somme, quoiqu'il y ait peut-être quelque exagération à nommer Adam de Brême l'Hérodote de son temps, son ouvrage est intéressant pour l'histoire des connaissances géographiques, à cause du mélange curieux qu'il offre de vieux et de neuf. M. Bernard l'a analysé avec sa précision et sa méthode habituelles, et sa dissertation constitue une utile contribution à l'histoire de la géographie au moyen âge.

L. MALAVIALLE.

Im Kerker vor und nach Christus; Schatten und Licht aus dem profanen und kirchlichen Cultur-und Rechtsleben vergangener Zeiten, in drei Büchern, von F.-A. Karl KRAUSZ, Anstaltsgeistlichem am Groszh. Landesgefängnis in Freiburg-i.-B. Freiburg-i.-B. und Leipzig, 1895. Akademische Verlagsbuchhandlung von J.-C.-B. Mohr (Paul Siebeck). In-8°, 1x-380 pages.

Quelle a été l'origine de l'important volume dont nous avons à présenter ici un compte-rendu, c'est ce que l'auteur a bien voulu nous faire connaître spontanément'. Il avait composé, en vue d'une cérémonie dont il ne nous dit pas la nature, un petit travail, jugé d'ailleurs assez remarquable pour être inséré, en 1889, dans une revue spéciale2. C'est ce travail primitif, qui, amplifié, revêtu de la forme scientifique, accompagné enfin de l'appareil critique qu'on exige aujourd'hui, est devenu la seconde des divisions de son ouvrage. L'entraînement, qui est le résultat ordinaire des recherches d'érudition, a amené ensuite l'auteur à joindre à cette division deux divisions nouvelles. Et c'est ainsi qu'il a pu offrir au public un ensemble, bien digne assurément de l'accueil favorable qu'il lui a souhaité lui-même, et dont le moindre éloge qu'on puisse en faire c'est qu'il serait fort regrettable qu'il n'eût point vu le jour.

Des trois divisions qui viennent d'être indiquées, et que M. K. a qualifiées de livres, la première a pour titre : les Prisons des anciens3. Elle embrasse, par conséquent, toute la période antérieure au christianisme. Ce qu'il faut remarquer avant tout, dans cette partie de l'ouvrage, c'est l'originalité et la nouveauté qui en sont le caractère spécial. Ce caractère a été revendiqué, du reste, à juste titre par l'auteur. « A ma connaissance, dit-il, dans la littérature contemporaine, le premier livre de mon travail est sans précédent1. » Il ne semble pas en effet qu'avant lui, dans notre temps au moins, surtout avec la précision qu'il y a mise, on se soit soucié de réunir les éléments pris à des sources d'une diversité presque infinies, dont il a composé cette division initiale de son ouvrage. Si résumé qu'il soit, pour une période aussi longue et aussi importante, le tableau n'en a pas moins une très grande valeur. A quelque point de vue qu'on le consulte, ce sera toujours avec fruit qu'on s'y sera rapporté.

Dans le tableau dont il s'agit, M. K. passe d'abord en revue les prisons et le régime qui leur était appliqué tour à tour chez les Chinois, les anciens Indiens, les Assyriens et les Babyloniens, les Perses, les

1. Voir Préface, p. ш, et Remarques préliminaires au livre II, p. 83.

2. Les Blättern für Gefängniskunde.

3. Die Gefängnisse der Alten.

4. Voir Préface, p. IV.

5. Voir, à ce sujet, p. 348-354, les Remarques additionnelles au livre I,

remarques d'ailleurs presque exclusivement bibliographiques.

« VorigeDoorgaan »