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Roon, avaient d'abord été partisans du duc d'Augustenbourg, et qu'ils ne l'ont laissé tomber que sous l'influence de Bismarck.

Le prince d'Augustenbourg, père de l'impératrice actuelle d'Allemagne, joue aussi un rôle dans la biographie très intéressante du général von Goeben, écrite par le capitaine Gerhard ZERNIN, et dont le premier volume vient de paraitre'. Le général von Goeben est un des personnages les plus marquants de l'armée de Guillaume Ier. Long, maigre, fort myope et toujours muni de lunettes, il était à la fois le chef le plus intelligent et le soldat le plus téméraire que l'on pût imaginer. Fatigué de servir en temps de paix dans l'armée prussienne, il était jadis entré dans les rangs des Carlistes et y avait combattu pendant quatre ans, au milieu des péripéties et des dangers les plus terribles, recevant blessures sur blessures. Le récit de ses aventures dans le service d'une cause réactionnaire avait vivement intéressé le nouveau roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, qui le fit rentrer dans son armée et rapidement monter en grade. Dans les guerres de 1864, 1866 et 1870, Goben a cueilli les plus abondants. lauriers. C'est la vie de ce héros que raconte le capitaine Zernin, d'après les meilleures sources très simplement, sans aucun art d'historien, même d'écrivain. La partie la plus intéressante du premier volume consiste dans les lettres adressées par le général de brigade Goben à sa femme pendant la guerre de Danemark, en 1864. On y voit de nouveau (p. 313-323) combien les capacités militaires du prince Frédéric-Charles ont été surfaites par l'esprit de parti, qui voyait en lui le rival du prince royal Frédéric-Guillaume, trop libéral d'après l'esprit régnant à la cour et dans l'armée. C'est précisément pour les hautes qualités militaires du prince royal que Gœben, juge certainement compétent, se montre plein de surprise et d'admiration (p. 304). Nous apprenons, d'autre part, que le duc d'Augustenbourg n'était nullement anti-prussien, comme M. de Bismarck l'a fait croire, mais qu'il était prêt à tous les sacrifices, aux points de vue politique, militaire et maritime, pour satisfaire aux exigences de l'hégémonie prussienne et de l'unité allemande.

Un écrivain militaire aussi fécond que digne de confiance, le major Hermann KUNZ, a raconté les combats décisifs livrés par le général de Werder à l'armée de Bourbaki, en janvier 1871 2. L'auteur s'est servi, pour écrire ces volumes très intéressants, non seulement des

1. Das Leben des Generals August von Gæben, t. I. Berlin, Mittler, 1895. 2. Die Entscheidungskampfe des Generals von Werder im Januar 1871. T. 1: Die Schlacht von Villersexel; t. II : Die Schlacht an der Lisaine. Berlin, Mittler, 1895.

REV. HISTOR. LXII. 2° FASC.

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archives de la guerre, à Berlin, mais encore des renseignements que le général de Leszczynski, jadis chef de l'état-major de Werder, lui a fournis. C'est un peu pour cette raison qu'au fond M. de Leszczynski joue, dans le livre du major Kunz, un rôle plus glorieux que son ancien supérieur lui-même. L'auteur, d'ailleurs, montre le désir d'une impartialité complète. Tandis qu'il blâme les cruautés commises par les francs-tireurs, il reconnaît que Garibaldi et ses gens, tant français qu'italiens, et les troupes françaises régulières ont traité les blessés et les prisonniers allemands avec une parfaite humanité. Le manque de connaissances militaires et les tendances dictatoriales de M. de Freycinet et de son entourage sont très sévèrement jugés; mais M. Kunz rend justice à leur patriotisme et à leur énergie. Il constate, d'autre part, que, contrairement à l'idée généralement répandue, le grand quartier général de Versailles était très mal renseigné sur ce qui se passait dans l'armée française: nouveau coup porté à la légende du terrible espionnage prussien ! La question, tant débattue en Allemagne, de la qualité de la landwehr, est tranchée, d'après les faits, dans ce sens qu'elle se montre incomparable dans la défensive, mais qu'elle est peu faite pour les combats qui exigent des mouvements complexes et difficiles. M. Kunz prouve par les tableaux les plus exacts que, le 1er janvier 1871, la force numérique de l'armée de Bourbaki était au moins de 170,000 hommes; Werder n'en comptait que 75,000, et encore en ajoutant les troupes nécessaires au maintien du siège de Belfort. L'auteur, quoique patriote enthousiaste, critique sévèrement la conduite des chefs allemands secondaires dans la bataille de Villersexel, qui a empêché la réussite du projet génial de Werder de tomber sur le flanc gauche des longues colonnes de marche de Bourbaki. Il ne cache pas le fait que, au second jour de la bataille sur la Lisaine, la situation des Allemands était devenue très défavorable par suite de la perte du village de Chenebier, sur leur aile droite. Un général en chef moins indécis que Bourbaki, — Chanzy par exemple ou Faidherbe, — aurait probablement amené la défaite complète de l'armée allemande, dont le faible effectif, un peu plus que le tiers du nombre des Français, était dispersé sur une ligne immense de trente-cinq kilomètres. L'auteur loue, au contraire, grandement plusieurs autres généraux français de l'armée de l'Est, tels que Cremer et surtout Billot. Si l'insuffisance du général Bourbaki donne au major Kunz le prétexte de blâmer la république, en glorifiant la monarchie, il oublie que Bourbaki, aussi bien que Leboeuf, Mac-Mahon et Bazaine, était un chef sorti de l'armée impériale, et que, dans d'autres circonstances, de 1792 à 1804 par exemple, les armées de la république ont

constamment battu les soldats des empereurs et des rois. Il est faux de vouloir rattacher le sort des États à une forme constitutionnelle plutôt qu'à une autre.

M. QUIDDE, décidé à se jeter exclusivement dans la politique militante, a abandonné la direction de la Deutsche Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, qui, dans les six années de son existence, avait rendu tant de services aux recherches historiques en Allemagne et qui s'était toujours distinguée par une haute impartialité et par l'absence de toute coterie scientifique, politique ou personnelle. Heureusement, ce périodique important a été repris par des professeurs d'histoire de Leipzig, et les noms de MM. BUCHHOLZ, LAMPRECHT, MARCKS et SELIGER sont faits pour nous inspirer une entière confiance dans son avenir. « Nous n'exigerons qu'une chose des travaux que l'on nous présentera, » dit leur programme, « c'est l'esprit scientifique uni à la discipline méthodique. » Voilà une condition que tout historien sérieux ne pourra qu'approuver. A côté de l'histoire d'Allemagne, celle des pays étrangers sera également prise en considération. La Zeitschrift sera désormais composée de deux éléments des livraisons trimestrielles qui contiendront des travaux de longue haleine, ainsi qu'une bibliographie, et des feuilles mensuelles qui apporteront la partie critique et une chronique personnelle et littéraire. Les premières livraisons de l'année 1896 à 1897 ont déjà paru et font bien augurer de la Zeitschrift modifiée et réformée.

M. PHILIPPSON.

COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Adolf SCHULTEN. Die roemischen Grundherrschaften. Eine agrarhistorische Untersuchung. Weimar, E. Felber, 1896. In-8°, XI-148 pages.

M. Schulten s'est voué à l'étude des organismes parasites, qui se sont peu à peu introduits dans le corps de la société romaine, engendrés par la même sève, modelés d'après les mêmes principes que les organes réguliers et constituant à côté de ceux-ci comme des parcelles d'un second État. Après avoir étudié les conventus de citoyens romains domiciliés à l'étranger, communautés qui tiennent le milieu entre le municipe et le collège, les quasi-municipalités d'ordre inférieur, celles des pagi, vici, castella, les camps ou « territoires de légion', » il soumet cette fois à une analyse minutieuse les propriétés seigneuriales, dont le type le plus complet est fourni par les domaines impériaux de l'Afrique romaine. Le présent Mémoire est un premier essai de généralisation, dont le début est de fonder une théorie juridique sur les inscriptions relatives aux latifundia africains. Parmi ces documents figurent au premier rang le décret de Commode, concernant le saltus Burunitanus (texte découvert en 1880 à Souk-el-Khmis), et les fragments de la lex Hadriana, retrouvés en 1892 à Aïn-Wassel.

M. S. commence par définir les termes. Il n'a pas à s'occuper des grandes propriétés ou sommes de fundi disséminés, qui restent soumises au droit commun, et il ne vise qu'en passant les fundi excepti, englobés dans le terroir d'un municipe, mais soustraits, par la qualité des propriétaires, à son ingérence administrative et à sa juridiction. C'est là une espèce intermédiaire qui l'amène à l'objet spécial qu'il s'agit d'examiner, le grand domaine d'un seul tenant, doté de l'autonomie territoriale et dont le propriétaire ou, pour parler plus exactement, le possesseur est en même temps le seigneur. Le nom propre de ce domaine, qui ne se rencontre guère que sur sol provincial, est saltus. Les autres synonymes, praedium, possessio, sont trop vagues; latifundium et massa ne conviennent qu'aux propriétés formées par agrégation de fundi distincts et n'impliquent pas nécessairement le

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1. Ad. Schulten, De conventibus civium Romanorum, sive de rebus publicis civium Romanorum mediis inter municipium et collegium. Berlin, 1892. Étude sur les pagi, vici, castella, dans le Philologus de 1894, t. LVI, sur les territorium legionis, dans l'Hermes (XXIX, [1894], p. 429 et suiv.), sur la lex Hadriana (ibid., p. 204 et suiv.).

sens spécifique de domaine seigneurial, indépendant des communes limitrophes.

D'où vient que ce sens spécifique s'est attaché au mot saltus, qui, dans la langue courante, désigne les terrains incultes, broussailles, landes et bruyères? C'est que, lors de la fondation des municipes provinciaux, ces terres infertiles n'ont pas été assignées; elles sont restées ager publicus et ont été occupées ensuite par des possesseurs, aux mains desquels la possession est devenue propriété. Les saltus n'ont pas été distraits après coup du terroir municipal; ils n'en ont jamais fait partie. Leur autonomie est primordiale. Cette genèse du saltus explique qu'il soit indépendant des communes, même possédé par un simple. particulier, du moins, M. S. penche pour l'affirmative (p. 8), à plus forte raison, quand le possesseur est exempt de la juridiction municipale de par sa qualité de sénateur ou quand il s'appelle César. En somme, le saltus impérial est le type parfait du domaine seigneurial, le seul qui soit autonome à tous points de vue et ne paye tribut qu'à son seigneur; car, si les domaines des sénateurs ne participent pas aux charges des curiales, ils doivent l'impôt au fisc.

M. S. étudie de très près l'aménagement et l'administration des domaines impériaux, groupés parfois en regiones et en tractus, rattachés soit au fisc, soit au patrimonium, soit à la res privata, régis par des procurateurs et cultivés en partie par des esclaves, en partie par des colons. Il soutient, contre Mommsen, que les domaines étaient affermés en entier à des fermiers généraux (conductores), et non pas seulement la partie exploitée par la domesticité du maître. Il en conclut que les « colons » n'étaient jamais que des sous-fermiers. La démonstration n'est pas probante, parce que des raisonnements par analogie (analogie avec les municipes) ne produisent jamais la certitude; mais l'opinion de M. S. est plausible, et, en plaçant d'un degré plus bas la condition du colon libre, elle fait mieux comprendre comment le colon est si vite tombé presque au niveau de l'esclave.

La question du colonat, sur laquelle on a tant écrit, peut passer maintenant pour résolue. M. S. reconnaît, sans ambages ni réticences (p. 94), que c'est Fustel de Coulanges qui, dès 1884, a indiqué la vraie solution. Le colonat est issu de la tenure en sous-ordre des terres seigneuriales, figée, immobilisée pour assurer la rente du sol, et il est né sur les domaines impériaux. Le colon s'est trouvé dès l'origine, comme la terre qu'il cultivait, en dehors du droit commun, dépourvu de toute protection contre l'autorité souveraine du propriétaire, à la merci de procurateurs sortis de la classe servile et peu disposés à respecter sa liberté. C'est ainsi qu'il finit par être attaché à la glèbe seigneuriale et que se créa cette condition particulière, dont la despotique prévoyance du fisc fit ensuite le statut personnel de tous les petits fermiers de l'empire.

On ne saurait, dans un compte-rendu, passer en revue tout le contenu d'une étude qui vaut surtout par l'accumulation des détails. Ce petit livre est de ceux que l'on consultera avec fruit, mais qu'on ne lira

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