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Felice Tocco. I Fraticelli o Poveri Eremiti di Celestino, secondo i nuovi documenti. In-8°, 43 pages. (Extrait du Bolletino della Società storica Abruzzese. Anno VII, Puntata xiv, p. 117–459. Santini Simeone editore, Aquila, tipografia Aternina, 1895.)

Tous ceux qu'intéresse l'histoire religieuse du xine et du xive siècle savent assez la transformation profonde qu'ont subie, depuis une vingtaine d'années environ, nos informations au sujet de l'ordre des Franciscains, dans la première période si agitée de son développement. A des notions, non seulement très incomplètes et très confuses, mais encore absolument erronées sur les points les plus essentiels de l'existence primitive de cet ordre, ont été substituées peu à peu des indications désormais sûres et satisfaisantes. Il s'en faut d'ailleurs que ce travail de reconstitution, si activement qu'il ait été conduit, ait résolu encore tous les problèmes que comporte une histoire de telle importance. A peine même pourrait-on soutenir avec quelque exactitude que rien ait été fixé de celle-ci, en dehors des grandes lignes et des idées maitresses qui doivent lui servir de cadre. Aussi doit-on attribuer d'autant plus de valeur à tout effort, quelle qu'en soit la nature, capable d'ajouter quelque chose à la connaissance, jusqu'à présent si sommaire, que nous avons de l'histoire franciscaine. Surtout quand il s'agit d'un savant tel que M. Tocco, dont on peut dire, ainsi que de son émule, le P. Franz Ehrle, qu'il doit être mis sans contestation au nombre de ceux qui auront le plus contribué à débrouiller le difficile sujet dont nous parlons.

Ce que s'est proposé le premier des deux écrivains que nous venons de nommer, dans le travail dont nous avons à donner ici un aperçu, c'est de déterminer en quelque sorte et de résumer ce que nous apprennent les textes découverts et étudiés le plus récemment au sujet d'une des fractions dissidentes de l'ordre de saint François, celle que l'on connaît sous le nom de Fraticelles.

Dans une première division (p. 117-132), l'auteur présente d'abord un récit succinct des destinées de ces sectaires, sous les pontificats successifs de Célestin V, de Boniface VIII, de Benoît XI, de Clément V, de Jean XXII, depuis l'année 1294, où le premier des papes énumérés leur permet de fonder une congrégation à part, sous le nom de Pauvres Ermites de Célestin, jusqu'à la mort, en 1337, d'un de leurs premiers chefs, Fra Angelo Clareno, demeuré seul à leur tête après la disparition, en 1307 ou 1308, de son compagnon de luttes, Fra Liberato. Ce récit, comme l'observe en passant M. Tocco, a pour base les documents les plus authentiques, tels que les propres lettres d'Angelo, les procès instruits à différentes époques contre ses adhérents, les bulles pontificales et enfin la célèbre Chronique des sept tribulations de l'ordre des Mineurs, dont la composition est due très certainement à Angelo luimême.

Cette première division épuisée, M. Tocco, dans la seconde partie de son étude (p. 132-149), arrive à ce qui en est l'objet spécial et que nous avons indiqué plus haut. Il expose, en les appuyant de quelques textes choisis entre les plus significatifs, les conclusions définitives de la science à propos d'un certain nombre des questions principales se reliant à l'histoire des Fraticelles, aux opinions et aux tendances qui leur sont particulières. Voici, sous une forme aussi brève que possible, quelques-unes de ces conclusions. Nous donnons naturellement celles qui semblent les plus importantes.

Les Fraticelles, malgré leurs aspirations à une existence indépendante, doivent être rattachés à cette fraction de l'ordre franciscain dont les membres ont été désignés sous le nom de Spirituels. C'est au temps de Jean XXII que l'appellation, qu'ils ont rendue fameuse, supplante définitivement celle de Pauvres Ermites de Célestin. Ainsi que l'a démontré le P. Ehrle, il ne faut les confondre ni avec le mystique Ermanno Pungilupi, ni avec les chefs des Faux-Apôtres Segarelli et Dolcino, ni même avec les Minorites dissidents, de la France méridionale, les fameux Béguins. Des Fraticelles, il faut distinguer encore les partisans de Michel de Césène. Ceux-ci sont d'ailleurs ennemis des Spirituels, puisque l'un d'eux, frère Bonagrazia, a défendu les Conventuels contre Ubertino de Casal. Si beaucoup d'entre eux s'insurgent, à partir d'une certaine date, contre Jean XXII, leurs théories spéciales, favorables aux prétentions de l'Empire, qu'a exposées Occam, ne se trouvent pas dans les aveux obtenus des Fraticelles proprement dits. Une autre distinction qui s'impose également, c'est celle qu'il faut faire entre ces derniers et les Spirituels, des rangs desquels ils sont sortis. Les Spirituels n'auraient jamais souscrit à la scission opiniâtrément réclamée par les Fraticelles, puisqu'au contraire ils rêvaient l'union de l'humanité entière sous le règne de l'Esprit-Saint. Les vrais disciples et successeurs des Spirituels, ce sont les Béguins de France et leur chef, le grand écrivain Pierre Olive. Celui-ci a parfois des paroles dures pour Fra Angelo. Il combat aussi l'opinion favorite des Fraticelles, que Célestin V, en abdiquant, a pris une détermination qu'il n'avait pas le droit de prendre.

En même temps que ces questions, dont la solution semble désormais acquise à la science, M. Tocco en examine un certain nombre, qui, pour le moment au moins, demeurent encore assez obscures. Voici un certain nombre de ces dernières. Comment Fra Angelo, qualifié autrefois de « nequam hereticus » par Jean XXII, s'élève-t-il, après sa mort, à la dignité de bienheureux, si bien que les Bollandistes se croient obligés d'insérer sa biographie dans leur recueil? (voir p. 147). A quelle époque aussi ses disciples donnent-ils son nom à leur congrégation particulière? (voir p. 148-149). Comment enfin les représentants tardifs de l'esprit qui l'a animé, Giovanni della Valle et Paolo dei Trinci, font-ils approuver par les souverains pontifes, dans la seconde moitié du XIVe siècle, la séparation d'avec l'ordre primitif de saint

François, que lui-même et Fra Liberato ont vainement réclamée? A cette dernière question, M. Tocco croit pouvoir faire la réponse suivante. L'approbation si longtemps désirée s'obtient le jour où les Fraticelles se décident à éliminer de leur sein ceux d'entre eux qui s'obstinent à ne voir en Jean XXII qu'un faux pape, et qui flétrissent aussi de ce nom ses successeurs, élus par des cardinaux, dont la plupart doivent leur nomination à ce même pontife (voir p. 149).

On voit du reste, d'après ce qui vient d'être dit, comment, grâce à la connaissance toute spéciale et profonde qu'il a de ces matières, M. Tocco a pu, dans un nombre restreint de pages, donner une forme définitive à la solution de quelques-uns des points les plus difficiles de l'histoire franciscaine, et poser en même temps avec netteté plusieurs des questions sur lesquelles, à propos de cette même histoire, la science doit encore réserver son jugement. C'est là un nouveau service dont on ne saurait lui savoir trop de gré. N'oublions pas d'ailleurs de remarquer encore, qu'en écrivain amoureux des documents inédits et qui en sait la valeur, il n'a pas manqué d'en joindre quelques-uns à son œuvre. C'est là, en effet, l'objet d'un appendice, où se rencontrent, avec le prologue d'une traduction italienne du livre de Jean Climaque, emprunté à la Bibliothèque Laurentienne, divers fragments du Breviloquium d'Angelo Clareno, tirés d'un manuscrit de la Bibliothèque Saint-Marc de Venise, et deux lettres du même personnage, fournies par un volume de la Bibliothèque nationale de Florence.

Charles MOLINIER.

Paul FREDERICO. Corpus documentorum Inquisitionis haereticae pravitatis neerlandicae. Verzameling van stukken betreffende de pauselijke eu bisschoppelijke Inquisitie in de Nederlanden; tweede deel, stukken tot aanvulling van het eerste deel (10771518). Gent, J. Vuylsteke; 'S-Gravenhage, Martinus Nijhoff, 1896. In-8°, xxII-444 pages.

On ne l'a pas oublié peut-être, sous le même titre que nous venons de reproduire, M. Paul Fredericq a publié, en 1889, au sujet de l'Inquisition dans les Pays-Bas durant le moyen âge, un premier recueil de textes très important, et tel qu'il serait fort à souhaiter que tous les pays de l'Europe, où s'est exercée la répression inquisitoriale, en eussent de semblable. Depuis cette époque, c'est, il semble, sur les études auxquelles l'avait forcé l'élaboration de l'ouvrage dont nous venons de rappeler le souvenir, que s'est concentrée plus spécialement l'activité scientifique, d'ailleurs très vive, de l'auteur. Du moins pourrait-on le croire d'après la nature des travaux qui l'ont occupé dans ces cinq ou six dernières années, aussi bien ceux qu'il a déjà mis au jour, comme la première partie de son Histoire de l'Inquisition néerlandaise, parue en

1892, que ceux dont il a annoncé lui-même l'apparition prochaine. Nous voulons dire la deuxième partie de cette même histoire de l'Inquisition, ainsi que la continuation, pour le xvIe siècle et l'âge de la Réforme, du Corpus dont nous avons parlé tout d'abord. Aussi est-il arrivé à M. Fredericq ce à quoi on pouvait s'attendre. Engagé profondément dans un certain ordre de recherches, il a rencontré peu à peu toute une série de textes se rattachant intimement à ceux dont il avait composé déjà le volume édité par lui en 1889. Ce sont ces textes découverts plus récemment qu'il a eu l'heureuse idée d'imprimer à leur tour. Avec les précédents, ils constituent, au sujet de la lutte soutenue par l'Église contre l'hérésie dans les Pays-Bas, durant le moyen âge et jusqu'à la seconde phase de répression qu'ouvrent les temps modernes et le règne de Charles-Quint, un ensemble aussi complet et aussi riche qu'on peut le désirer.

Ce n'est pas, d'ailleurs, que les documents nouveaux, au nombre de deux cents environ, réunis dans cet appendice, diffèrent, ni par leur nature, ni, cela va sans dire, par la manière dont ils ont été publiés, de ceux auxquels ils servent de complément. Les sources en sont les mêmes. Ce sont, en premier lieu, un certain nombre de dépôts publics, archives ou bibliothèques. Nous mentionnerons à cet égard les archives royales de Bruxelles, les archives d'État de Gand, de Bruges, de Tournai, la bibliothèque de la Haye, la Bibliothèque nationale de Paris. A ces dépôts ont été empruntés spécialement les textes inédits. Quant aux autres, ils ont été extraits d'une foule d'imprimés de tout genre, espacés dans une période de près de quatre cents ans grandes collections ayant trait à l'histoire politique ou religieuse, bullaires, inventaires de documents, chroniques, publications de tout genre dues à l'érudition moderne1.

On comprendra que nous n'ayons pas le dessein d'essayer l'énumération, si abrégée qu'elle soit, d'une telle foule de pièces. Nous nous bornerons à indiquer celles qui, par leur nombre, forment de véritables groupes, offrant sur telle ou telle question ou bien sur tel ou tel personnage une somme considérable de renseignements. A ce point de vue, nous citerons d'abord plusieurs textes se rapportant au début du XIIe siècle et au fameux hérétique Tanchelm (nos 4-7). Dans le même siècle, nous indiquerons encore ceux qui concernent un personnage longtemps énigmatique, et sur lequel M. Fredericq lui-même a contribué tout récemment à faire la lumière, le prêtre liégeois Lambert le Bègue (nos 11-16)2. Aux précédents, nous en joindrons, pour le siècle suivant

1. Voir, du reste, pour plus amples détails sur ce point, la bibliographie donnée par M. F. lui-même, sous ce titre : Aangehalde handschriften en drukwerken, p. 314-323.

2. Sur Lambert le Bègue, voir les travaux suivants de M. F. : les Documents de Glasgow concernant Lambert le Bègue (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 1895, 3° série, t. XXIX, no 1); Note complémentaire sur les docu24

REV. HISTOR. LXII. 2o FASC.

et pour les années 1235 et 1236, quelques-uns ayant trait à un dominicain et inquisiteur de cette époque, le trop célèbre Robert le Bougre (nos 23-28). A l'ouverture du xive siècle, nous noterons une série de morceaux se rattachant au procès des Templiers (nos 34-36, 40-42).

Toutefois, les groupes de documents que nous voulons indiquer maintenant semblent avoir encore plus d'importance. Un premier, daté des pontificats de Jean XXII, de Benoît XII, de Clément VI, a pour objet les Béguines des Pays-Bas (nos 44-54). Un autre, qu'enferment tout entier les deux années 1245 et 1250, concerne les fanatiques si connus sous le nom de Flagellants (nos 61-89; voir aussi nos 117, 118 pour une renaissance en Flandre de la même folie dans l'année 1400). De celui-ci on peut en rapprocher un troisième, qui nous éclaire sur une secte plus absurde encore que les Flagellants, et dont les représentants, à cause de leurs démonstrations étranges, ont reçu des contemporains le nom significatif de Danseurs (nos 93-104). Un dernier enfin nous initie aux rêveries inoffensives des Frères de la vie commune et de leur maître Gérard Groot (nos 105-107, 109-114, 119, 120). Citons encore, au terme de ces indications rapides, tout un ensemble de textes bien faits pour nous éclairer sur le trouble profond des consciences, sur le désarroi religieux au temps des conciles sur lesquels s'inaugure le xve siècle. Ces textes, ce sont ceux où se trouvent tout au long deux curieuses affaires, celle d'un moine augustin du diocèse de Liège et du couvent de Tournai, Nicolas Serrurier (nos 127, 132, 139, 140, 142, 147-150, 153), ainsi que celle d'un dominicain du couvent de Groningue, Mathieu Grabov (nos 133-138). A tout cela joignons, pour en finir, quelques documents qui nous montrent, aux dernières années du même siècle, des Vaudois et des Vaudoises, brûlés à la fois pour leurs opinions religieuses et pour le crime prétendu de sorcellerie, et victimes du trouble qui, gagnant à ce moment l'Église, ne lui laisse, comme il est arrivé déjà à plusieurs époques de son histoire, qu'une notion indistincte de la réalité.

Nous arrêterons là ces indications, auxquelles il ne nous reste, d'ailleurs, que peu de chose à ajouter. Aucun de ceux qui connaissent M. Fredericq ne s'étonnera sans doute si nous affirmons que son œuvre nouvelle porte, à notre sens, le témoignage du même soin qu'il met dans tous ses travaux. Cet appendice du recueil paru, il y a sept ans, offre en tout cas le même appareil scientifique que l'on trouve chez son aîné : des éclaircissements parfois très étendus, en tête de chaque texte, afin d'en faciliter l'intelligence, des notes au bas des pages dans le même but, une table analytique aussi complète que possible. Mentionnons de plus une liste des inquisiteurs pontificaux et épiscopaux dans les Pays-Bas de 1175 à 1517, liste qui augmente d'un nombre

ments de Glasgow concernant Lambert le Bègue (Ibid., ut supra, no 6). Sur ces travaux, voir aussi le jugement de M. Hermann Haupt, Zeitschrift für Kirchengeschichte, t. XVII, 1, 2.

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