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tél des deux Ecus, rue des deux Ecus. Ce fut-là que M. de Méhégan, déja fameux par fa profe & par fes vers, foutint comme orateur le 20 Mai de cette année la grande réputation qu'il avoit comme Romancier & comme Poëte; c'est-àdire, qu'il chargea de tout le clinquant & de tout le précieux imaginable le Difcours mufqué qu'il prononça pour la brillante ouverture de ce Cours merveilleux. Comme M. de Méhégan joint aa même degré le talent de parler à celui d'écrire, au point de laiffer incertain lequel des deux l'emporte chez lui, vous devez juger, Monfieur, du fuccès que dur avoir un Difcours paré de toute l'enluminure poffible, dans une affemblée choifie, compofée d'auditeurs bénévoles. Je ne m'y trouvai pas; mais il me femble voir M. de Méhégan fur une eftrade, & l'entendre dire :

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MESSIEURS,

» Jetter quelque jour fur le berceau » de l'univers, porter la lumière dans "la nuit de fon enfance, déployer la fucceffior des fiècles plus lumineux,

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» marcher à travers les débris des Trô-

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»nes & des Empires, tirer du tombeau. » &c, &c. Je ne fçai par quelle fatalité certains efprits font, au mépris des règles de la nature & du goût, de la profe plus que poëtique, & de la poëfie: plus que profaique; en vers, en profe, ils font tout le contraire de ce qu'ils devroient être, poëtes & profateurs à contre-temps. Eh, diroit un connoiffeur en colère, faites de la profe en faifant de la profe, & des vers en faifant des vers; ne dénaturez point les ftyles quand vous écrivez, ou ne vous mêlez point d'écrire. Mais je n'ai garde de prendre ce ton de mifantrhope, fur-tout avec M. de Méhégan: au contraire, je fouris à fes productions, qui me paroiffent toujours de plus en plus jetter quelque jour fur le berceau de l'univers, porter la lumière dans la nuit de fon enfance, déployer la fucceffion des fiècles plus lumineux, marcher à travers les débris des Trônes & des Empires, tirer du tombeau &c, &c. Tous ces prodiges là placés à la tête d'un difcours fur l'Hiftoire fuf pendent merveilleufement l'attention de l'auditeur; le voilà d'abord ftupéfair, ému, tout en feu Pour peu que

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ce ton continue, il n'y pourra tenir; il faudra qu'il éclate, qu'il fe foulage par des cris, par des applaudiffemens; & c'eft justement où l'orateur en veut ve nir; quoi de plus propre à le faire toucher au but? Mais un difcours, principa lement fur l'Hiftoire, demande, direz vous, un début modefte, un ton fimple, un ftyle uni. Bon Dieu, quels blafphè mes! Sçavez vous, Mr, qu'avec votre. fimplicité, votre modeftie de ftyle, vous feriez un homme perdu fans reffource, dans une affemblée qui n'attend, bouche béante, que de grands mots acadé miquement enfilés dans une phrafe à perte d'haleine? Cette noble fimplicité de style, fi naturelle, étoit bonne du temps des Boffucts & des Fleurys: c'est ainfi du moins qu'ils compofoient leurs fçavans difcours fur l'Hiftoire; mais au-jourd'hui vous les verriez infailliblement fe morfondre eux & leur audi. toire ; ils n'auroient pas le moindre pe tit fuffrage.

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Après ce début plus que poëtique, on eft furpris de voir tout à coup l'orareut prendre le ton de la profe la plus hamble. Vous penferez peut-être que c'eft une bigarrure en fait de ftyle; mais la bigarrure. ne fait-elle pas. variété

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La variété ne fait elle pas beauté dans le difcours? Donc, &c. Le Difcours de M. de Méhégan porte par-tout le même caractère; on ne fe plaindra pas du moins de la trifte uniformité, de l'affommante monotonie. A chaque phra fe, malgré une certaine affectation qui perce, il a foin de changer de ftyle &. de goût. Il vous paroîtra fingulier qu'avec une trempe d'efprit & une manière d'écrire pareille à la fienne il faffe pour invocation l'apostrophe fuivante: Su"blime Eloquence, toi qui animas les »Pafcals & les Boffuets, fi je t'offre en » ce jour un fujet digne de leur génie, » échauffe-moi du feu qui enflammoic » leurs ames; donne moi le courage de » fouler à tes pieds une parure qui te: » feroit étrangère; ne permets pas que j'attache la guirlande d'une Bergère: fur le front d'une Reine. Que l'ordre » naiffe des penfées, l'art de la nature, » & que mes feuls ornemens foient la » force & la vérité. » Je me rappelle: ici ce foldat qui promettoit à Dieu de ne plus jurer en jurant encore. Cette guirlande de Bergère fur le front d'une Reine, quand on parle à la fublime Eloquence, s'accorde mal, ce me femble,

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avec ce qu'on dit. Ce n'eft pas, demander peu que de vouloir être échauffé du feu des Pafcals & des Boffuets.

L'expofition du fujet coaduit néceffairement l'orateur à trois Parties dans fon Difcours. La première regarde la Religion qui, par le fecours de l'Hiftoire, remporte un triomphe complet fur tous les cultes établis dans l'univers; l'Histoire fait toucher au doigt l'exiftence d'un Etre Suprême par la voix unanime de tous les peuples qui s'accordent pour l'adorer. Mais la forme de ce culte varie à l'infini; la fageffe, la folie, la vérité, le menfonge, les vices mêmes, l'affreux homicide, tout eft confacré par des Prêtres des différentes Religions; il n'y a rien que le culte n'ait, en quelque forte,divinifé. Mais, dans cette multitu de de cultes qui partagent toute la terre, l'orateur fe fixe à trois principaux, qu'il peint à fa manière, c'eft - à dire, toujours poëtiquement, & même avec la poëfie la plus forte de figures. Voici le portrait du Judaïfme. « D'abord, fur » un trône formé des mains du Temps, » s'élève une Religion vénérable que la

Terreur foutient, & que l'Austérité » environne. Sa tête eft couverte de

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