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"nuages redoutables; le Myftère couvre» fes yeux d'un voile terrible. D'une » main elle tient les fondres ; de l'autre elle me tend un livre augufte; elle m'appelle avec un air févère; elle m'ordonne d'un ton menaçant, &c.» On oppofe à cette Religion dure & fauvage une Religion douce & riante; ce qui procure un joli contrafte; mais on renverfe l'ordre naturel de l'Hiftoire, & le Chriftianifme, né du Judaïfme dans la Tradition, devoit auffi naître de lui dans: le difcours. L'orateur les a féparés par leportrait fuivant du Mahometisme. «Plus loin, für un lit de fleurs formé par la » Molleffe & foutenu par la Volupté sune riante Religion élève fa tête couronnée par les plaifirs. Elle m'appelle avec un fourire; elle invite mes fens, elle les flatte, elle leur montre une douce félicité, &c. Sublime Elos quence, toi qui animas les Pafcals & les Boffuets...... Ne permets pas que j'attache la guirlande de la Bergère fur le front dune Reine. Elle le permet cependant, & je ne fcache rien qui foit plus guir-Lande de Bergère que cette defcription du Mahométifme. Ne femble-t-il pas voir la peinture de l'Amour fur fon.

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trône d'Idalie dans la Henriade? Peuton mettre dans la profe une poësie plus affectée & plus figurément voluptueufe? Au refte, ces deux portraits, qui ne conviennent que dans le Poëme, fout là dans le difcours pour confirmer fans doute l'opinion de l'auteur; il prétend que la poëfie eft autant l'appanage du difcours que du Poëme, qu'on doit mê me être plus poëte dans la profe que dans les vers, que les figures les plus au lacieuses appartiennent moins aux vers qu'à la profe, &c, &c. Lifez, Mon heur, les vers & la profe de l'auteur 3. vous ne verrez que trop évidemment four lui qu'il fe conforme à ce fyftème, foit par choix, foit par nature: il n'y a zien là que fes écrits ne prouvent trèsbien; & quand il dit à la fublime Eloquence ces belles paroles: Donne-moi le courage de fouler à tes pieds une parure qui te feroit étrangère, c'eft une prière fort inutile qu'il feroit bien fâché de voir exaucée.

Le portrait du Chriftianifme n'eft pas moins ridiculement tracé dans ce Difcours. Une troisième Religion s'a»vance vers moi, dit l'orateur en con

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tinuant fon enthousiasme ordinaire };

» la majefté peinte fur fon front y prend » un nouvel éclat par la douceur; fa dé » marche eft noble, & l'Humilité la gui» de; fur fes pas, &c, &c:» de forte que les trois Religions font munies de tout ce qu'il faut pour de beaux perfon nages poëtiques; mais les deux véritables impriment- elles beaucoup de refpect dans la profe, avec la tête, les bras, le front, la bouche, les pieds, Fair & la démarche qu'on leur donne ? Toute cette audace, pour ainfi dire, de ftyle, tout cet excès de figures, n'eft encore rien près d'un autre portrait de la Religion Mahométane, au moment qu'on arrache le voile qui cachoit fon ber ceau. « J'y vois, s'écrie l'orateur, l'Ignorance qui la prépare, l'Imposture qui la forme, l'Artifice qui l'achève. L'Impureté, l'Audace, la Violence la » nourriffent. La Rebellion traînant le Fanatisme fur fes pas, &c. Heu reufement tout cet incendie poëtique s'amortit dans la feconde Partie da

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Difcours où l'Hiftoire eft confidérée

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vis à-vis de l'Etat.

L'énumération que fait l'orateur des périls & des travaux qui environnent le trône, le portrait qu'il nous trace des

maux que produit la Flatterie dans la Cour des Rois & pour eux-mêmes & pour leurs peuples, &c, font des lieux communs qui fe trouvent par - tout. Après ces peintures, il ne falloit pas infinuer que le célèbre auteur de l'Efprit des Loix, génie fi refpectable à tous égards, inclinoit pour les affreufes maximes par lefquelles on feduifait l'efprit des premiers Cefars; il ne falloit pas citer ce grand homme immédiatement après s'être écrié d'un ton pathétique : Et plût au Ciel qu'elles ne trouvaffent plus ( ces affreufes maximes) de dangereux orateurs! Pourquoi, demande M. de Méhégan, faut il que, dans un ou "vrage deftiné au bonheur des hu "mains, un des oracles de nos jours fe foit plû à repréfenter la puiffance du Defpote comme appuyée néceffairement fur la crainte. », Si Monfieur de Méhégan avoit réfléchi fur la nature du Gouvernement, autant que le Philofophe qu'il attaque, fon autorité fans doute pourroit être de quelque poids, & fa queftion mériteroit quelques égards vis-à vis d'un grand politique, quoiqu'il ne la propofe qu'en orateur. Auffi les raifons qu'il ajoûte pour combattre

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33.

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le fentiment de l'illuftre Montefquica ne font-elles qu'oratoires, c'est-à-dire, fpécieuses & vaines, faites feulement pour l'oftentation de l'art & de l'esprit. Pourquoi faut-il, &c? Il le faut, parce que cela ne peut être autrement dans l'Etat Defpotique, diftingué par fes effets, comme par fes caufes & fa nature, de l'E tat Monarchique & Républicain. La difcuffion feroit longue, & je renvoie au livre même de L'Efprit des Loix. Fout ce qu'on peut répondre en général au difcoureur, c'eft qu'il ne s'agit pas ici de faire valoir des fentimens très louables fans doute de compaffion & d'humanité pour les peuples que gouverne La politique avec le fceptre de la crain te, qu'on appelle en poëfie comme en profe un fceptre de fer; mais il s'agit de gouverner les peuples felon leur caracère dominant & reconnu, felon leur trempe d'ame & leur conftitution, felon même la nature du païs & la température du climat; car tout influe dans un Gouvernement, le Ciel par fa température, la terre par fes vapeurs, la Reli gion même par fes mystères. Il faut, pour ainfi dire, un gouvernement de crainte ou d'amour, felon que les peu

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