dè fens & d'harmonie, qui frappent en même temps l'efprit & l'oreille. Les Larmes de S. Pierre, ftances imitées du Tanfillo, Poëte Italien, ont tous les défauts de l'original; & le moindre de ces défauts eft un ftyle de pointe infupportable; c'eft de l'affectation & de l'enfantillage tout pur; les endroits qui devroient être les plus touchans, y font rire ou par le comique, ou de pitié. C'étoit le goût de ce temps-là; notre grand Corneille n'en avoit que trop hérité quel travail, quelle peine pour s'en défaire! Il fuffit, pour apprécier au jufte les Larmes de S. Pierre, de dire que Malherbe en rougit lui même dans la fuite, & les méprifa. Mais, dans ce cahos de ridicule & d'affétérie puérile, perce déja ce génie qui devoit épurer la Langue & la Poëfie. Quoi de plus recherché, par exemple, & de plus outré que la stance fuivante? Mais auffi quoi de plus harmonieux & de plus poëti que ? L'Aurore d'une main, en fortant de ses portes, Couvrant fes cheveux d'or, découvre en fon visage Tout ce qu'une ame fent de cruelles douleurs. Pour dire que l'Aurore, en ouvrant les portes du Jour, paroît fenfible aux Larmes de S. Pierre. Les ftances pour M. le Duc de Montpenfier, qui vouloit époufer la fœur de Henri IV, ont encore tout le rafinement des Larmes de S. Pierre on y trouve cependant la ftrophe fuivante; c'eft le Duc de Montpenfier qui parle. Beauté, par qui les Dieux, las de notre dom mage, Ont voulu réparer les défauts de notre âge, non, Comme le fils d'Alcmène en me brulant moi même ; Il fuffit qu'en mourant dans cette flamme ex trême, Une gloire éternelle accompagne mon nom. La pensée eft fublime & l'image belle. On voit dès la huitième Pièce, pour confoler une jeune veuve, que le goût de Malherbe prend déja le deflus; elle eft gracieuse & plus correctement écrite que les premières; la ftrophe quatrième eft du tour le plus élégant. De combien de jeunes maris, Croiroit-on que ces vers ont plus de cent foixante ans? On lit dans la même Ode: Le temps d'un infenfible cours Il me femble voir le temps s'écouler, &, comme dit Ovide, tacito pede. Mais quelle marche plus douce & plus touchante encore dans la Confolation à Duperrier, Ode qui, toute entière, à quelques expreffions près, inféparables du temps, eft un vrai chef-d'œuvre. Avonsnous quelques vers modernes qui nous offrent plus de grace que ceux-ci, pour peindre la mort prématurée d'une fille aimable & chère que perd un père mal heureux ? Et rofe elle a vêcu ce que vivent les roses, Qui ne fçait pas la ftrophe fuivante, & qui n'en fent pas la beauté ? C'est une imitation d'Horace en parlant du pouvoir de la mort : Pallida mors aquo pulfat pede pauperum taber nas Regumque turres. Mais quelle imitation! Quel coup de maître ! Le pauvre en fa cabane où le chaume le cou vre Eft fujet à fes loix; Et la Garde qui veille aux barrières du Louvre N'en défend pas nos Rois. Que l'image eft noble & naturelle ! C'eft fans doute à l'école du grand Malherbe que le grand Rousseau apprenoit à faire des ftrophes telles que la fuivante : Des douceurs de la paix, des fureurs de la guerre, Un ordre indépendant détermine le choix : C'est le courroux des Rois qui fait armer la terre; C'est le courroux des Dieux qui fait armer les Rois. On y reconnoît le Regum timendorum in proprios greges; d'Horace; & c'eft par-tout la même cadence, le même nombre de poëfie. Lequel de Malherbe ou de Rouffeau imite mieux fon Horace ? C'eft ce que je laisse à décider. Dans l'Ode à Henri le Grand fur fon voyage de Sedan pour réduire le Duc de Bouillon, Malherbe femble ranimer toutes fes forces; j'aime fur-tout l'harmonieux effet des deux ftrophes où le Poëte compare la valeur rapide de fon Héros à un fleuve, dont l'impétuofité deftructive eft fi bien peinte par la vîteffe de la cadence dans les vers. Tel qu'à vagues épandues |