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Et traînant comme buiffons
Les chènes & leurs racines,
Ote aux campagnes voisines
L'espérance des moissons.

Tel, & plus épouvantable,
S'en alloit ce Conquérant,
A fon pouvoir indomptable

Sa colère mefurant.

Son front avoit une audace
Telle que Mars en la Thrace
Et les éclairs de les yeux
Etoient comme d'un tonnerre
Qui gronde contre la terre
Quand elle a fâché les Cieux.

Les deux Odes à la Reine fur le fuc cès de fa Régence ont toutes les beautés que comporte le genre. Je n'en citerai que deux ftrophes de la première.

La Difcorde aux crins de couleuvres j
Pefte fatale aux Potentats,
Ne finit fes tragiques œuvres
Qu'en la fin même des Etats
D'elle nâquit la frénéfic
De la Grèce contre l'Afie;
Et d'elle prirent le flambeau;
Dont ils défolèrent la terre,
Les deux frères de qui la guerre
Ne ceffa point dans le tombeau.

C'eft en la paix que toutes choses
Succèdent felon nos defirs:

Comme au printemps naiffent les roses 1
En la paix naiffent les plaifirs;

Elle met les pompes aux villes,
Donne aux champs les moiffons fertiles
Et de la majefté des loix

'Appuyant les pouvoirs fuprêmes ¿
Fait demeurer les diadêmes
Fermes fur la tête des Rois.

Mais le vrai chef-d'œuvre de Mal herbe eft la belle Ode au Roi Louis XIII partant pour l'expédition de la Rochelle. C'eft là qu'on voit le triomphe de Malherbe fur le mauvais goût de fon fiècle; la marche de l'Ode est admirable, le ftyle toujours fublime, la poëfie toujours correcte. Comme il fçait faire ufage en grand maître du furnom de Jufte qu'avoit fon Roi !

Affez de leurs complots l'infidelle malice 'A nourri le défordre & la fédition :

Quitte le nom de JUSTE, ou fais voir ta justice En leur punition.

Le Poëte peint la Victoire parée comme pour un jour de fête, fe difpofant à Couronner Louis XIII;

Telle en ce grand affaut où des fils de la terre
La rage ambitieufe à leur honte parut,
Elle fauva le Ciel, & rua le tonnerre
Dont Briare mourut.

Déja de tous côtés s'avançoient les approches
Ici couroit Mimas, là Typhon fe battoit;
Et là fuoit Euryte à détacher les roshes
Qu'Encelade jettoit.

Que cette dernière ftrophe eft admira ble! Quelle harmonie imitative, furrout dans les deux derniers vers !

Le Recueil des Poëfies de Malherbe eft terminé par fon admirable Paraphrafe du Pfeaume CXLV. Chaque ftrophe eft un prodige de l'art: en voici deux que tout le monde fçait par cœur ; je ne les cite que pour donner le dernier coup de pinceau à la perfection progreffive de Malherbe, qui reffemble au cygne, dont la voix eft, felon les Poëtes, plus harmonieufe en achevant fa carrière :

En vain, pour fatisfaire à nos lâches envies, Nous paffons près des Rois tout le temps de nos

vies

A fouffrir des mépris, à ployer les genoux:
Ce qu'ils peuvent n'eft rien; ils fout, comme
Bous fommes

Véritablement hommes,

Et meurent comme nous.

Là fe perdent ces noms de maîtres de la terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre :
Comme ils n'ont plus de fceptre, ils n'ont plus
de flatteurs ;

Et tombent avec eux d'une chûte commune
Tous ceux que leur fortune
Faifoit leurs ferviteurs.

A la fuite des Poëfies fe trouve le Difcours fur les obligations que la Langue & a Poëfie Françoife ont à Malherbe. Ce n'eft pas proprement un Difcours compofé par l'Editeur, mais feulement une efpèce d'analyfe, dans laquelle il préfente un choix ju licieux des corrections de Malherbe lui-même fur les vers de Deportes. Il fait voir d'abord que notre langue, élégante & naïve dans les vers de Marot, de Saint Gelais, & de quelques-uns de leurs contemporains; pure, coulante, riche, harmonieuse, fidelle à fon génie dans la profe de la Reine de Navarre, d'Amiot & de Rabelais, quand il vouloit, étoit devenue barbare, pédantefque, forcée, pauvre à force de s'enrichir, dans les vers de du Bartas, de Ronfard & de leurs imita

teurs; dure, groffière, obfcure, dans la profe d'un tas d'écrivains célèbres, dont aucun, fi ce n'eft peut-être Pibrac, ne mérite d'être nommé. Dans le temps même que Desportes, le Car-, dinal du Perron, Bertaud & du Vair s'efforçoient inutilement de rendre à notre langue fa beauté naturelle, Malherbe fit les premiers effais de fes talens. Les Larmes de Saint Pierre, ouvrage de fa jeuneffe, quoiqu'infectées par-tout du mauvais goût qui regnoit alors, annoncerent un Poëte connoiffeur en harmonie, un écrivain né pour parler François. Ainfi, dit l'Editeur, pour fçavoir jufqu'où doit s'étendre notre reconnoiffance envers ce génie guidé par le bon fens & par le bon goût, il ne faut que le mettre en parallèle avec les plus estimables de fes prédéceffeurs ou de fes contemporains; & c'eft ce qu'il exécute pour la Profe & pour la Poëfie; il prouve que Malherbe s'attachoit à fuir les vices qu'il leur reprochoit. Ses Poëfies fur-tout offrent des hardieffes raifonnées au lieu de leurs emportemens téméraires, des penfées vraies & fages au lieu de leurs conceptions fouvent fauffes, &quelquefois extravagantes. Ses leçons

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