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dans lefquels on peut prendre un même mot dans une même langue : ouvrage utile pour l'intelligence des auteurs, & qui peut fervir d'introduction à la Rhétorique & à la Logique : par feu M. du Marfais, volume in- 8?: livre trop ignoré, livre qu'il faudroit que nous duffions à l'Académie, ou qui auroit dû, tout au moins, mériter l'Académie èfon auteur.

L'Editeur, en honorant fon propre discernement, a rendu l'office le plus important au Public qu'on ne fert jamais mieux que lorfqu'on lui fournit des armes, foit pour détruire les erreurs anciennes, foit pour empêcher l'établiffement des nouvelles. A quoi parvient - on ordinairement en expliquant les auteurs dans les Claffes? A un à peu près incertain & même trompeur. A quoi travaille-t-on en Rhétorique le plus fouvent? A fe remplir machinalement la tête d'un verbiage laborieux. Quelle connoiffance a-t-on coutume d'acquérir dans un cours de Dialectique? Celle d'un fatras déraisonnable de fuperfluités. Je pense qu'un des plus fûrs moyens d'obvier à ces trois inconvéniens furánnés, c'est la lecture appro

fondie des Tropes. Ce Traité eft divifé en trois Parties; la première a pour objet les Tropes en général, la feconde, les Tropes en particulier on les Tropes des Grammairiens & des Rhéteurs, & la troisième les Tropes des Philofophes.

Tropes vient du mot grec Tropos converfio, changement. Les Tropes font des mots changés du fens propre au fens figuré; les Tropes font des mots qui font toujours pris dans ce dernier fens; ils ne fe prennent point dans le fens propre. Le fens propre d'un mot eft sa fignification primitive; le fens figuré d'un mot eft la fignification détournée qu'on lui donne. Un mot eft pris dans le fens propre, quand il eft employé à défigner un objet pour la défignation duquel il a été d'abord inftitués un mot eft pris dans le fens figuré, quand il est employé à défigner un objet pour la défignation duquel il n'a pas été d'abord inftitué. Le mot feu, par exemple, peut fe prendre dans le fens propre & dans le fens figuré. Quand je dis le feu # du poële eft doux, je prends le mot feu dans le fens propre, parce que je l'emploie à défigner ce pour la défignation

de quoi il a été d'abord inftitué. Quand je dis le feu de la colère eft terrible, je prends le mot feu dans le fens figuré, parce que je l'emploie à défigner ce pour la défignation de quoi il n'a pas été inftitué. Le mot feu a été institué pour défigner cet élément furieux qui détruit tout, & réduit tout en cendres; &, comme la colère voudroit auffi tout détruire, on a dit le feu de la colère, comme on a dit le feu du fourneau. 11 eft effentiel d'entendre la véritable fignification des mots, & on ignore cette figni fication dès qu'on ne fçait point en quel fens les mots font pris dans le difcours Les mots n'ont qu'un feul fens propre; ils ont plufieurs fens figurés. Ce qui a donné lieu à tous les fens figurés, c'eft la liaison qui fe trouve entre les idées acceffoires. On appelle ainfi les idées qui s'approchent, pour ainfi dire, les unes des autres, les idées dont les unes excitent les autres néceffairement, le figne, , par exemple, & la chofe fignifiée, la caufe & l'effet, la partie & le tout, l'antécédent & le conféquent. Les Tropes, par le moyen des idées acceffoires, réveillent des idées principales. J'apperçus hier dix voiles fignifie par

cette raifon, j'apperçus hier dix vaiffeaux. Enflammé de colère, enyvré de plaifir, font deux énonciations plus énergiques que plein de plaifir & plein de colère Prenez le glaive de la parole, quand il eft queftion des Miniftres de Jesus Christ,' forme une image plus agréable que parler. Tel eft le fommaire précis de la premiere Partie qui eft une Préface, où M. du Marfais differte en homme confommé fur la nature, fur l'origine, fur les effets des Tropes, & fur la néceffité de les entendre.

Dans cette première Partie M. du Marfais a confidéré le genre des Tropes; dans la feconde, il en développe analytiquement toutes les efpèces; de forte qu'utile & agréable tout à la fois, il amufe & il inftruit également fon lecteur, en lui préfentant des exemples appuyés de folides réfléxions, & des réfléxions rendues fenfibles par des exemples choifis. Les Tropes font pour le commun des hommes ce que la Profe étoit pour le M. Jourdain de la Comédie. Celui-ci

s'étonnoit de parler Profe depuis vingr ans; ceux la font étonnés d'employer habituellement des Tropes dont la dénomination feule leur paroît d'une bar

-barie affreufe. Les Grammairiens artifans, de peur de fortir de la fphère de leur art, renvoient les Tropes aux Rhéteurs; les Rhéteurs fimplement Rhéteurs gliffent rapidement fur les Tropes qu'ils accumulent fans y répandre la moindre lumière. La feconde Partie du Traité de M. du Marfais eft capable de faire évanouir la furprise des premiers, en les familiarifant de plus en plus avec les Tropes, de diffiper l'erreur des feconds en leur apprenant l'étendue de leur reffort, & de corriger l'inattention des maîtres d'éloquence, qui s'arrêtent à l'écorce de la diction, au lieu de la faire envifager comme le figne de la perception fpirituelle; la parole eft la peinture de l'idée; l'art de parler n'est rien fans l'art de penfer; enfeigner à parler fans enfeigner à penfer, c'eft enfeigner à faire du bruit. Un froid infipide & une puérile affectation font les vices le plus fouvent annéxés aux Tropes. M. du Marfais indique les préfervatifs contre ces défauts, non avec ce ton fuperbement magiftral qui révolte, mais avec la fimplicité de la vraie didactique. L'Allufion eft un Trope qui préfente un fens & qui en fait entendre un autre.

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