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Tous les Tropes doivent venir, pour ainfi dire, d'eux-mêmes; ils doivent naître du fujet, & n'offrir jamais l'union bifarre de deux idées dont l'une n'est pas faite pour être affortie avec l'autre. Tel eft le défaut burlefquement ridicule du morceau fuivant du Poëme de la Madeleine.

O que l'amour eft grand & la douleur amère Quand un verbe paffif fait toute la Grammaire! La Mufe pour cela me dit, non fans raison, Que toujours la première est sa conjugaison, Sçachant bien qu'en aimant elle peut tout prétendre,

Comme tout enfeigner, tout lire, & tout entendre,

Pendant qu'elle s'occupe à punir le forfait
De fon temps prétérit qui ne fut qu'imparfait :
Temps de qui le futur réparera les pertes
Partant d'afflictions & de peines fouffertes;
Et le préfent eft tel que c'est l'indicatif
D'un amour qui s'en va jusqu'à l'infinitif.
Puis par un optatif: Ah plût à Dieu, dit-elle,
Que je n'euffe jamais été fi criminelle !

Prenant avec plaifir, dans l'ardeur qui la brule,

Le fouet pour difcipline, & la croix pour férule.

J'ai dit que la troisième Partie du Traité de M. du Marfais renferme les Tropes des Philofophes, parce que dans cette derniere partie il confidère moins les graces, la nobleffe & l'énergie du difcours que la vérité des jugemens, relativement aux expreffions qui peuvent l'altérer. Il eft impoffible que les aveugles voient; cependant les aveugles voient, dit l'Evangile. Prenez le mot aveugles dans le fens divifé, la dernière propofition eft vraie; prenez le mot aveugles dans le fens compofé, la première propofition eft vraie auffi; c'està-dire, qu'il eft vrai que les aveugles, en tant qu'aveugles, fens compofe, ne voient point, & qu'il eft vrai pareillement que les aveugles qui ne le font. plus (fens divifé) voient les objets. La femme aime à parler; cette propofition eft vraie & fauffe; vraie, fi on confidère les femmes en général, fens collectif; effectivement la plupart des femmes parlent volontiers; fauffe, fi on confidère chaque femme en particulier fens diftributif; il y a des femmes qui parlent peu. Le Caffé eft une liqueur délicieufe, oui & non. Oui, pour moi, qui le prends avec volupté, & qui ne

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jouis que d'une meilleure fanté après l'avoir pris, fens relatif; non, pour les perfonnes qu'il incommode, & dont il ne flatte même pas le goût; non, en un mot, pour tout le monde fans exception fens abfolu. On ne doit ni parler ni écrire que pour fe faire entendre. La netteté & la précifion font le fondement & la fin de l'art de parler & d'écrire. Un lecteur, pourvû qu'il ait l'organisation requife, puifera dans les Tropes cette netteté, cette jufteffe & cette précision qui font le prix des converfations que l'on entend, & des ouvrages qu'on lit.

Les Tropes fe vendent chez David, Libraire, rue des Mathurins, qui vend encore la verfion interlinéaire de M. du Marfais, De Diis & Heroibus Poeticis, ainfi que l'Expofition d'une Méthode Raifonnée pour apprendre le Latin, & la Préface d'une Grammaire générale du même auteur.

Mort de M. Patu.

Une mort prématurée vient de nous enlever, Monfieur >

un jeune auteur qui donnoit les plus grandes efpérances. C'eft M. Claude Pierre Patu, Ecuyer, Avocat en Parlement. Il na

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quit pofthume à Paris au mois d'Octobre 1729. Son père, homme de mérite & defintéreffé, avoit été fucceffivement Premier Commis de M. Defmarêts, Secrétaire du Maréchal d'Eftrées le Vice-Amiral, Commiffaire de Marine, Payeur des Rentes, & Secrétaire en chef & de confiance du Cardinal Dubois. Avec tant d'occasions de s'enrichir, il laiffa à fon fils une fortune médiocre pour un homme du monde confidérable pour un homme de Lettres. Il jouiffoit de douze mille livres de rente.

Le Collège de Juilli fut la première Ecole de M. Patu; on s'y reffouvient encore de la vivacité de fa conception, & de la rapidité de fes progrès. Le Collège de Beauvais, un des plus célèbres de l'Univerfité, perfectionna fes talens, les couronna par une multitude de prix glorieux, épura fon goût, & admira fa prodigieufe mémoire. Chofe rare, Monfieur! Il n'oublioit point; chofe plus rare encore! Ce n'étoit jamais aux dépens de fon jugement; il fçavoit difcerner & retenir. Je lui ai entendu réciter deux cens des plus beaux yers de telle Pièce nouvelle, après la

première représentation. Il dédaignoit difoit-il, de charger fon efprit de ce qui lui paroiffoit médiocre. Avec des difpofitions auffi heureuses, il n'étoit guères poffible qu'il réfiftât au penchant qui l'entraînoit vers les Belles-Lettres. Ses effais fe reffentirent du feu de fa jeuneffe; c'étoit du coloris fans deffein, de la faillie fans règle, beaucoup d'imagination, & peu de correction. Mais comme il fe paffionnoit pour le beau & qu'il étoit capable de le fentir, il corrigea l'emportement de fes premiers écarts en se propofant des modèles. Hơrace, Catulle, Racine furent ses maîtres; il les fçavoit par cœur ; il les citoit, il en appliquoit des paffages avec une jufteffe admirable.

Il fe produifit fur la scène en 1754, & le fuccès brillant de fa petite Comédie des Adieux du Goût * justifia fa témérité. Le fujet, le plan, la diftribution font entièrement de lui, ainfi que les petits vers. Monfieur Portelance, alors fon ami, fe chargea des vers Alé xandrins, genre de fabrique dont M. Patu convenoit que la vivacité de fon efprit ne s'accommodoit pas ; il étoit

*Voyez l'Année Litteraire 1754, Tome 1 page 286.

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