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choqué de la continuité de ces grands vers perpétuellement garottés fous la tyrannie de la même rime; il les trouvoit lourds, languiffans, & furtout défaflortis au langage léger de Thalie. » Ce n'est point là, difoit-il, » le ton de la Comédie; qu'un coloris poëtique embelliffe fes tours, anime »fes images, à la bonne heure; les » faillies en fortent mieux; & c'est un » ornement de plus. Mais que, dans » un Dialogue qui doit être naturel, » les mêmes fons reviennent fans interruption frapper les oreilles, mes amis, » s'écrioit-il, il me femble que j'en>>tends une cloche en branle; nos plus » grands auteurs ont, il eft vrai, con» facré cet ufage; mais je penfe que, » s'ils ne l'avoient tenu de ceux qui les » ont précédés, ils y auroient dérogé. "Nos Comédies reffembleroient à Amphytrion, au Nouveau-Monde, & j'ofe » dire qu'elles n'en feroient que mieux, » & bien plus faciles à jouer. »

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Encouragé par les applaudiffemens donnés aux Adieux du Goût, M. Patu n'en devint que plus ardent à la pourfuite des connoiffances qui pouvoient

enrichir fon efprit. Il voulut apprendre l'Anglois ; il en acheta les Grammaires, les Dictionnaires & les compofitions les plus eftimées. Dès-lors trop d'applica tion altéra fa fanté. Vif, bouillant impétueux, le feu de fon imagination paffa, , pour ainsi dire, dans fon cœur, il s'affocia avec des amis de plaifir, fe crut d'un tempérament robufte, fe comporta en conféquence, & fe flatta qu'il pouvoit fe partager entre l'étude & la galanterie. M. Lorry, fon Médecin & fon plus fincère ami, lui prefcrivit un régime auquel il fe foumit en murmurant, & qui rétablit sa santé.

Cependant la lenteur de fes progrès dans la langue Angloife l'impatientoit; il l'entendoit, la traduifoit

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mais ne

la parloit pas avec facilité. Il fit le voyage d'Angleterre, uniquement pour s'en rendre l'idiome familier. Le célèbre Docteur Maty, avec lequel il entretint depuis une correfpondance Littéraire, lui accorda fon amitié, & fe plut à lui faire fentir l'énergie, les fineffes & l'urbanité de la langue Britannique. Après un affez long féjour à Londres & à Oxford, fa fanté toujours languit

fante l'obligea de revenir à Paris, où il recouvra quelques forces. Il en profita pour donner au public une traduction auffi fidelle qu'élégante de quelques Comédies Angloifes. *

M. Patu, toujours avide de s'inftrui re, fe propofa de voir, de connoître, & d'admirer de près le plus bel-efprit de l'Europe. Il fe rendit à Genève avec M. Paliffot que la même curiofité, le même goût, le même enthousiasme des grands talens, y attiroient. M. de Vol taire reçut avec les bontés & les graces d'un Littérateur aimable & d'un philofophe enjoué, deux jeunes gens fi dignes d'être encouragés par fes éloges, & de l'avoir pour maître. Ils ont cultivé cette connoiffance précieuse. M. Patu étoit en commerce de lettres avec l'auteur de la Henriade, & M. Paliot jouit encore de cet avantage.

Le defir de connoître les Sçavans de toutes les nations lettrées, & peut-être auffi l'inquiétude que caufe à tous les hommes le dépériflement d'une fanté chancelante, ne laiffèrent pas tranTome 111 page

* Voyez l'Année Littéraire 1756,

quille notre jeune écrivain. Il partit au mois de Juillet 1756 pour l'Italie, & il alla d'abord à Naples, où M. le Marquis d'Offun, Ambaffadeur de France, qui chérit les Lettres & qui fçait que les diftinctions font la récompenfe la plus flatteufe de ceux qui les cultivent, lui fit l'honneur de le préfenter au Roi des deux Siciles. Il vifita avec l'intelligence du connoiffeur les Palais, les Places, les Temples de cette ville, célèbre par elle-même & par les cendres de Virgile. Les Sçavans & les Artistes dont elle abonde ne furent pas le dernier objet de fes empreffemens. Il alla voir auffi le Mont Vefuve, & ofa porter fes regards fur l'embouchure de ce Volcan terrible. Après avoir paffé trois mois dans Naples, il partit pour la Capitale de la Chrétienté. On m'a affuré qu'il avoit eu l'entrée de ce petit appartement que le Chef de l'Eglife appelle fon Caffé, & où les perfonnes de mérite, qu'il juge dignes de fa bienveillance, viennent jouir fans contrainte, fans diftinction de place, & fur le ton de la familiarité, des charmes de fa converfation toujours inftructive &

agréable. Je ne puis affirmer fi notre voyageur eut en effet cet avantage. Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'il trouva dans M. le Comte de Stainville, notre Ambassadeur, un Miniftre d'autant plus ami & plus aimé des gens d'efprit & de Lettres qu'il eft lui-même un des Seigneurs les plus fpirituels & les plus lettrés de notre Cour. M. le Comte & Madame la Comteffe de Stainville rendirent le féjour de Rome très-agréable à M. Patu, par la politeffe prévenante avec laquelle il fut admis à leurs entretiens, à leur table, & à toutes les fêtes qu'ils donnèrent. Il ne pouvoit fe laffer d'applaudir à fon bonheur, de retronver dans un pays étranger tout l'efprit & toutes les graces de fa patrie. Les Sçavans de Rome ne lui firent pas un accueil moins flatteur. L'Académie des Arcades s'empreffa de lui donner une place parmi fes Bergers; il y fut reçu avec éloge; ily & il prononça un Difcours Italien qui fut univerfellement applaudi.

Madame la Comteffe de Stainville invita M. Patu à l'accompagner à Venife. Il déféra aux bontés de cette aimable Ambassadrice, & alla avec elle

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