ques, vis-à vis des Charniers de SaintBenoît. Fête donnée à Crépy par Mrs les Moufquetaires de la Première Compagnie. On m'a envoyé ces jours paffés, Monfieur, une Gravûre affez ridicule. Elle représente un Léopard tenant dans fa gueule un flambeau qui jette beaucoup de flamme & de fumée, & un Coq qui lui fecoue les oreilles. On lit au-deffus cette infcription: La vigilance triomphe de la témérité. Ce Léopard défigne les Anglois, le Coq les François; & le tout nous eft donné comme une allégorie de la victoire que nos troupes commandées par M. le Maréchal d'Eftrées ont remportée le 26 Juillet de cette année à Hafembecke piès d'Hamelen fur l'armée de M. le Duc de Cumberland. Que cette allufion eft petite ! L'exécution répond à la compofition. La fête que Meffieurs les Moufquetaires de la première Compagnie, en quartier à Crépy pendant le féjour du Roi à Compiegne, ont donnée à l'occafion de la même victoire, eft digne, en récompenfe, & de l'événement & de ceux qui l'ont célébré. Cette fête fut exécutée le Dimanche 7 Août. Elle commença le matin par une Meffe folemnelle. Sur les quatre heures après midi il y eut un Concert de Mufique choifie, très bien rendue par divers inftrumens. A fix heures & demie on fe rendit fur la place du Château où l'on devoit tirer un feu. Aux deux côtés de la place étoient élevés deux grands buffers garnis de tout ce qui pouvoit fatisfaire l'appétit de la multitude. Une bombe d'Artifice ayant donné le fignal de la diftribution, le vin coula depuis fept heures du foir jufqu'à minuit. Le peuple danfa au fon des violons, & de fréquentes acclamations de Vive le Roi manifeftèrent fon amour pour le meilleur des Princes. C'est cette effufion de cœur générale qui flatta le plus Meffieurs les Moufquetaires. A neuf heures on tira un feu des plus élégans, de la compofition des Sieurs Ruggieri, Artificiers du Roi, très-célèbres dans leur art. Le frontifpice repréfentoit la furieufe Erinnis tenant de la main droite une torche qui répandoit une lueur fombre. Elle laiffoit à peine entrevoir les figures du fond. Elle tenoit de la main gauche un voile ténébreux étendu fur la Prudence & fur la Force; fur la Prudence, pour l'empêcher d'appercevoir les objets dont elle devoit fe défier; fur la Force, pour l'engager dans quelques méprifes, & l'expofer au danger de fe détruire ellemême. Mais c'eft en vain que cette Furie s'efforçoit de traverfer des projets capables de mettre bientôt des bornes à fa rage; car, après l'efpace de deux minutes fixées pour la durée de fa torche, elle ne tarda pas elle-même à fe confumer, vomiflant des ferpentaux par la bouche, & laiffant échapper de fes entrailles mille feux irréguliers, auffi blê→ mes & auffi horribles qu'elle. Cependant un foleil placé derrière Erinnis & plus élevé commença à tourner d'un mouvement lent & embarraffé; la compofition de fes bords étoit affoiblie pour produire cet effet; à mefure qu'Erinnis s'anéantiffoit, la rotation du foleil devenoit plus rapide, fa lumière plus vive, & fa fin fut d'un feu guilloché à paillettes des plus éclatans. Le voile qui couvroit les deux Vertus difparut; elles s'embraffèrent, & fe montrèrent dans tout leur jour. Aufsitôt le fond de la Décoration fe trouva éclairé par une colonnade de vingt quatre foleils de tables accouplées deux à deux, & formant autant de colonnes torfes de feu qui fembloient foutenir une architrave d'Ordre Corinthien dont le fronton étoit relevé par le cartouche des Armes du Roi accompagné d'un beau VIVE LE ROI en lampions. Ces vingt-quatre foleils allumèrent des lampions qui figurèrent vingt-quatre colonnes effectives accouplées, & formèrent une illumination durable. Alors on vit distinctement les figures du fond, qui étoient ftables & de grandeur naturelle. Celle du milieu étoit une Victoire couronnant de la main droite la France, repréfentée par une Pallas s'appuyant fur l'Ecu de France. Sur fon Egide étoit le portrait du Roi autour duquel on lifoit ces mots : Cui felix pareo per quem pavet orbis. C'eft à ce Prince que j'obéïs, & j'en fais mon bonheur; c'est par lui que je me rends redoutable à toutes les nations. A la droite de la Victoire on voyoit la Force & la Prudence qui fe donnoient la main, ayant toutes deux les yeux fixés fur la France pour veiller à fa confervation. Entre la Victoire & la France on dif tinguoit un jeune enfant tout hors d'haleine, une jambe en avant, comme courant de toutes fes forces après la Victoire. Ce jeune enfant ayant les bras & la partie fupérieure du corps orné de guirlandes de laurier, & la partie inférieure jufqu'à la moitié des cuiffes de guirlandes de myrte, repréfentoit le Génie de la Compagnie de Meffieurs les Moufquetaires. Il tenoit un faifceau des attributs de la Compagnie, fçavoir, une épée, un moufquet & une foubrevefte, au bas de laquelle pendoir une banderole chargée en lettres de feu de cette infcription: Innocuo petimus vacua aera fulmine, quidni 9 Nous frappons les airs d'un foudre in capable de nuire : que n'avons nous pu l'employer d'une manière plus terrible contre l'ennemi? La Victoire tendoit une main careffante à cet enfant, & fembloit lui promettre la récompenfe de fon ardeur pour la fuivre. Meffieurs les Moufquetaires pouvoient-ils mieux exprimer & la joie que leur infpiroit le fuccès éclatant des armes du Roi & le regret qu'ils avoient de n'avoir pu |