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GAURIC frémillant.

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Hé bien, vous avez quatre fils, & tous quatre feront Souverains *.

LA REINE.

Il mourront donc bien jeunes? Quoi, mes enfans fe fuccéderont l'un à l'autre ?

GAURIC.

C'eft ce que je ne puis vous dire, Mais jamais deftinées ne furent accompagnées de tant d'ombres ni de tant d'éclat; jamais tant de gloire ne fut joint à tant d'infortune; le Ciel femble avoir affemblé fur enx toutes les inAluences contraires; ce ne font point des aftres, ce font autant de comètes qui ont préfidé à leur fort. Il y en a qui regneront plus d'une fois **; ils font Rois, & à peine leur vois-je des fujers. L'obfcurité, ou plutôt la contrariété de ces temps funeftes, m'a fait recourir plus d'une fois aux caufes qui pouvoient

François IT, Charles IX & Henri III furent tons trois Rois de France, & le Duc d'Alençon leur frère fut couronné Duc de Brabant & Comte de Flandres. ** Henţi III, d'abord Roi de Pologne.

produire de fi étranges effets; je n'ai reçu pour réponses que des orages & des tonnerres. Tantôt le Ciel m'a paru uu vaste désert; tantôt je l'ai vû rempli de toutes les Puiffances de l'air armées les unes contre les autres.... J'ai vû un de vos fils fuir des couronnes pour en aller chercher d'autres *, fe fauver des mains d'un peuple fidelle pour venir fe livrer à des féditieux. Un rêve n'eft pas plus confus ni plus contradictoire que leur destinée, & les conftellations céleftes n'ont jamais été entr'elles dans une semblable pofition.... Que fais tu, malheureux Prince? Ah, du moins, quand on eft affaffin, il faut être méfiant. Quel monftre bifarrement vêtu vois-je à tes pieds fous le mafque de l'hypocrifie?... C'en eft fait, il frappe, & tu n'es plus **.

LA REIN E.

Ah, Dieu, que vous a fait la France ? Que vous ai-je fait ? De quoi font coupables mes malheureux enfans? Achevez, Gauric, achevez de me percer le

*Henri III fe fauva de la Pologne pour venir hériter de la couronne de France.

** Henri III avoit fait affaffiner à Blois Henri Duc de Guife, & fut affaffiné lui-même par le Jacobin Ja£ques Clément,

cœur. Leurs fœurs font-elles réfervées à de pareilles fortunes ?

GAURIG.

Le fort d'Elifabeth votre aînée m'est dévoilé plus clairement que celui de tous les autres. Elle périra de mort violente, après avoir été la cause innocente de la mort d'un fils dont elle ne fera pas la mère. Pour Claude votre feconde fille, heureusement pour elle, fa vie n'offre aucun événement mar

qué *.

LA REINE.

Et ma chère Marguerite?

GAURIC.

Marguerite!.... Oh, étrange fpectacle!... Arrête, Princeffe infortunée ! Quel eft le lit nuptial où tu vas monter! Les Furies éclairent cette fête avec des ferpens enflammés! Des ruiffeaux de fang environnent la couche royale! Nuit horrible, où la Mort veille au lieu de l'Hymen!... Marguerite, réveille-toi ; fauve du moins ton généreux époux. Hélas, il ceffera bientôt de l'être fans

*Elifabeth, mariée à Philippe II, morte, à ce que plufieurs ont dit, de poifon, étoit belle-mère de Dom Carlos mort auffi de mort violente. Claude fut mariée à Charles II Duc de Lorraine, & mourut dans fon lit en 1575.

ceffer de vivre, & je te vois fur la tête ane couronne que tu partages avec une autre ! Cependant, Madame, raflûrezvous pour elle. Par un effet singulier de la bifarrerie de ces temps malheureux, je vois cette même Marguerite, au milieu de tant d'horreurs, accompagnée des plaifirs; chofe incroyable! Aucun de ces événemens ne femble la regarder; l'Ambition, trop occupée ailleurs, ne fonge point à elle, & laiffe fon cœur en repos. Tandis que tout gémit, la feule Marguerite eft tranquille, & coule fa vie dans les fêtes & dans les jeux * Vous l'avez voulu, Madame, j'ai parlé. Mon ame eft accablée de tant d'horreurs. Ce n'est pas la Famille Royale feulement qui eft menacée; aucun de tant de grands hommes qui l'environnent ne mourra de fa mort naturelle; il femble que le monde foit à fon dernier jour. Je vous quitte, Princeffe auffi illuftre qu'infortunée; le Ciel me rappelle aux lieux de ma naiffance; il me

*Tout le monde fçait que Marguerite époufa Henri IV; que les nôces furent fuivies de l'exécution de la Saint-Barthelemi; que le mariage de Marguerite avec Henri IV fut déclaré nul en 1599; qu'il époufa Marie de Médicis en 1600, & que Marguerite, fans fe foucier de tout cela, ne fongea "qu'à se divertir, & y réuss beaucoup,

téferve encore peu de jours, & je ne vivrai plus lors de l'accomplissement de tant de malheurs.

LA REINE.

Vous me laiffez?

GAURIC.

Ni vous ni moi n'y pouvons rien; & le Ciel vous punit de votre curiosité, en vous faifant fouffrir d'avance tous les maux dont il a femé le cours de votre vie. Puiffiez-vous n'être pas la cause de tant d'horreurs !

O Dieux !

LA REINI.

Dans le troisième Acte la fcène eft d'abord à Blois, enfuite à Amboife, & là tantôt dans le cabinet du Cardinal de Lorraine, tantôt dans la chambre du Prince de Condé, enfin dans l'appartement de la Reine. Tous ces changemens font abfolument néceffaires pour amener les événemens de cet Acte.

Les Guifes apprennent qu'on trame une confpiration contre leur pouvoir. Ils engagent la Reine à faire arrêter le Prince de Condé foupçonné d'être le chef de la conjuration, & à mander à la Cour l'Amiral de Coligni, le Cardipal de Châtillon & Dandelot, les frè

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