Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Berger Philène. Elle n'ofe cependant pas en faire l'aveu; elle affure que fon cœur n'eft point l'esclave de l'Amour; Colinet lui dit :

S'il ne l'eft pas, il le doit être.
Qui refte fille trop long-temps
A l'œil délicat des amans
Ceffe enfin de le paroître.

Rofette lui fait de cette paffion un portrait effrayant auquel Colinet refufe de reconnoître l'Amour, & il ajoûte fur l'air : J'aime une ingrate beauté :

Sur les yeux eft un bandeau

Pour montrer qu'il est fincère,
Et fa main porte un flambeau
Dont le rayon nous éclaire,
Il ne lance fes traits

Que contre les rebelles,
Et les amans difcrets

Sont couverts de ses aîles.

Tandis que Rofette réfifte à Colinet, ce Berger apprend de la bouche même de Philène, que celui-ci en eft aimé. Il en a une nouvelle preuve dans un petit jeu dont il eft témoin fans être vû. Caché derriere un bofquet, il apperçoit les

deux amans fous un berceau, qui forment ensemble une Guirlande pour l'offrir à l'Amour. Comme la Guirlande n'avance point par la maladreffe de la Bergère qui à chaque inftant en rompt le lien, Philène, pour la punir, lui prend un baifer à chaque fois que le fil fe caffe. Ce jeu ne déplaît point à la Bergère qui brife la Guirlande, & fe fauve pour être pourfuivie par fon amant. Rofette contente apparemment du fuccès de fa fuite, ne veut plus offrir que fon cœur à l'Amour. Les chaînes de ce Dieu font des liens qu'elle fe propofe de ne jamais rompre tant qu'elle fera unie avec fon cher Philène, Il y a, Monfieur, dans cette petite pièce quelques couplets qu'on peut retenir, & des fcènes affez bien faites. Telle est en particulier celle du Berceau.

Le Peintre Amoureux de fon modèle, Opéra Comique en deux Actes, a fuccédé à la Guirlande, & à été joué pour la première fois le vingt-fix du mois de Juillet. Les paroles font de M. Anfeaume, déja connu par plufieurs pièces de ce genre qui ont réuffi. Le fuccès de cette dernière doit être fur-tout attribué à la Mufique. M. Duni, compofi

teur de celle de l'Infant Don Philippe Duc de Parme, a prouvé que des paroles Françoifes peuvent infpirer de très-beaux airs Italiens. Ce feroit une vraie acquifition pour nos Spectacles & pour le progrès de l'art, fi le fuccès de fes Ariettes dont tout le Public a été frappé, pouvoit le fixer quelque temps parmi nous. Il connoît également la Mufique Françoife & celle de fon pays, ainfi que le génie des deux langues, & joint à toutes ces connoiffances un talent reconnu & un goût exquis pour la compofition. Quant aux paroles des Arietelles ont le mérite d'être bien coupées pour la Mufique; le refte de la pièce eft en Vaudeviles on en Récitatif déclamé. Le Théâtre repréfente l'Attelier d'un Peintre, où Zerbin, élève d'Alberti, eft plus occupé de fon amour que de fon travail. La perfonne dont il est amoureux, eft Laurette, jeune fille du voifinage, & précisément la même qui, fans que Zerbin le fçache, eft attendue par Alberti pour lui fervir de modèle. Le Peintre & fa Gouvernante Jacinte reprochent à Zerbin fa négligence & fa diftraction. Celui-ci fait à la Gouvernante l'aveu de fon amour, & dans

tes,

l'inftant il voit arriver Laurette conduite par une Duegne. Il n'ofe faire éclater fa joie en présence d'Alberti, dans la crainte qu'il ne s'apperçoive de fa paffion. Le Peintre demande à être feul avec Laurette, & s'emprefle de lui apprendre l'impreffion qu'elle a faite fur fon cœur. Jacinte & Zerbin, qui le guettoient, viennent le furprendre dans le moment qu'il lui baife la main. Cette fituation embaraffante pour Alberti donne lieu à une scène très gaie. Le Beintre affure qu'il ne prend la main de Laurette que pour l'examiner; cette excufe eft un nouveau fujet de dérifion qui termine agréablement le premier

Acte.

La Gouvernante, qui a des vûes fur le cœur & fur l'efprit de fon Maître, parle à Laurette en faveur de Zerbin, pour qui elle a du penchant, & l'entretient dans fon éloignement pour Alberti. La préfence de Zerbin, qui arrive dans le moment, acheve de la décider. D'un autre côté, la Gouvernante travaille à détourner le Peintre du deffein où il eft d'époufer Laurette. Elle . lui repréfente le danger qu'un homme de fon âge court en fe mariant.

Si ceft une coquette,

Pour fournir fa toilette,
Vos écus danferont.

Nombre d'amans viendront,

Chez vous s'établiront.
Gentils Abbés qui minauderont
En fredonnant la chanfonnette,
Petits-Maîtres qui mentiront,
Gens de Finance au ventre rond,
De toutes parts affiégeront
La poulette,

Et peut être la croqueront ;
Et puis gare l'aigrette

Pour votre front.

Si la belle trop fage
Réfifte à cet orage,

Et ne fait pas naufrage
Comme tant d'autres font,

Pour peu qu'un rien la bleffe,

Cette vertu diableffe

Dans votre maison

Fera fans ceffe

Grand carillon.

Cependant Alberti fe rappelle qu'il a un tableau à finir, & que Laurette doit en être le modèle. Elle arrive, & lorfqu'elle eft placée, Zerbin entre & fe cache derrière Alberti. Les deux amans

« VorigeDoorgaan »