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Navarre. Un Religieux Dominicain crioit publiquement en chaire qu'il avoit dans cette ville des politiques qu'on laiffoit impunis, quoique la punition en fût plus néceffaire que celle des faux monnoyeurs, parce qu'ils ne travailloient qu'à rendre le corps de ville odieux à la populace. La Ducheffe de Longueville qui étoit du parti de la Cour, fut arrêtée & détenue prifonnière à Amiens. Cette Princeffe s'échappa déguifée en villageoife; mais ayant été reconnue par des payfans, elle fut ramenée à Amiens dans une charrette à fourage fans être couverte. Le peuple n'eut aucun ménagement pour fon fang, & lui fit toutes fortes d'infultes. Sa préfence excita des huées; on lui jetta de la fange au vifage; on l'obligea de fouffler dans le canon d'un piftolet bandé. Elle refta jufqu'au foir à l'Hôtel de Ville d'où on la condufit en prifon.

Pour ne rien omettre de tout ce qui regarde la ville d'Amiens, l'auteur rapporte un trait de la plus grande témérité de la part d'un Suiffe de la Garde du Duc d'Aumale. Cet homme monta, l'épée au côté, au haut de la flèche de la Cathédrale, tira le coq hors de fon pi

vot, & l'y remit; enfuite, après s'être pendu par les pieds, les bras étendus en croix & la tête en bas, il eut affez de foupleffe & de force pour fe redreffer fur le croifillon, où il tint l'épée nue; enfin il defcendit fans le moindre accident.

Malgré les fureurs de la Ligue & les déclamations faites en chaire contre Henri IV dans la ville d'Amiens, l'auteur dit que ce Prince étoit tout Picard d'inclination. L'orfqu'il arriva de Cambrai à Amiens, l'orateur de la ville commença fa harangue par les épithètes de Roi très benin, très-grand, très-clément. Dites auffi très-las, répondit Henri IV.

Voici, Monfieur, l'endroit le plus curieux de cette hiftoire; c'est une Relation circonftanciée de la furprise de la ville d'Amiens par les Espagnols, qui fait le fujet du neuvième Chapitre. Que ne m'eft- il permis, dit le Père Daire, de cacher à la postérité les trif »tes événemens de cette année 1597? Pourquoi ne puis-je, fans bleffer la » vérité, fupprimer le récit douloureux "des maux dont nous nous reflentons » encore ? C'est malgré moi que je rou"vre une plaie encore mal fermée, en

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» faifant voir que nos ayeux jouiroient » encore de leurs anciens droits, s'ils »euflent apporté plus de vigilance à » leur confervation.

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L'auteur veut

dire fans doute que les habitans d'Amiens jouiroient encore aujourd'hui des anciens droits de leurs ayeux, fi ces der niers, par leur peu de vigilance, n'euffent pas occafionné leur perte. Vous fçavez, Monfieur, qu'un fac de noix fit paffer cette ville au pouvoir des Espagnols. Les circonftances de cette furprife font trop connues pour que je m'y arrête. Henri IV dormoit profondément à Paris, lorsque la nuit un Courier, dépêché par le Comte de SaintPol, vint troubler fon repos pour lui apprendre cette trifte nouvelle. Le Prince tout ému fe jetta hors du lit, & fit appeller quelques uns de fes favoris à qui il fit part de fon affliction, afin de fe confoler avec eux, & de prendre leur avis fur ce qu'il y avoit à faire. « Quel » malheur, mon ami, dit le Roi à Rofny, Amiens eft pris!. Les Efpagnols » s'en font faifis par la porte, en plein "jour, pendant que fes malheureux ha» bitans, qui n'ont pas fçu fe garder & » qui n'ont pas voulu que je les gardaffe,

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s'amufoient à fe chauffer, à boire, & à ramaffer des noix que des foldats déguifés répandoient exprès auprès » du Corps-de-garde.» Rofny fit tout ce qu'il put pour confoler fon Souverain. Le Roi lui répondit : « Penfez» vous reprendre fi tôt une ville fr grande, fi forte, fi bien munie! Car vous » le fçavez auffi bien que moi, toutes nos pièces d'artillerie, munitions >> vivres & outils étoient dans cette Pla»ce. Ce coup eft du Ciel; ces pauvres gens, pour avoir refufé une petite garnifon que je leur ai voulu bâiller »fe font perdus. » Après avoir rêvé um moment, il ajoûta : « C'eft affez fait » le Roi de France; il eft temps de faire » le Roi de Navarre. » Puis fe tournant vers Gabrielle d'Efirées qui pleuroit : «Ma maîtreffe, lui dit-il, il faut quit» ter nos armes, & monter à chevali » pour faire une autre guerre.

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Le fiège & la prife d'Amiens par Henri IV nous offrent des traits d'une valeur héroïque. On vit ce Prince la pique à la main, au plus fort du combat, animer fes foldats par fa présence & par fon courage. C'étoit durant ce Gège que le Roi écrivoit à Rosny « Fe

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» n'ai quafi pas un cheval fur lequel je puiffe combattre, ni un harnois complet que je puiffe endoffèr. Mes che,,mifes font toutes déchirées, mes pourpoints troués aux coudes; ma mar» mite est souvent renversée, & depuis » deux jours je dine & foupe chez les "uns & chez les autres. Mes pour≫ voyeurs difent n'avoir plus moyen de »rien fournir pour ma table, d'autant plus qu'il y a plus de fix mois qu'ils » n'ont reçu d'argent.

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Tandis que les François preffoient vivement le fiège, on apprit que l'Archiduc d'Autriche venoit au fecours des Efpagnols. L'armée Françoife en fut dans la dernière confternation, & l'on entendoit dire aux principaux chefs que tout étoit perdu. Le Roi diffimula le danger, donna fes ordres fans s'ébranber, parut avec un vifage riant, & tint des difcours auffi affûrés que s'il eût été certain de la victoire. Chacun reprit courage; le fecours fut découvert, attaqué & défait; ce fut dans ce jour critique que le Roi confidérant le bel ordre de l'armée Espagnole & le peu d'affûrance de la fienne, fe fentit un peu ému, & douta du fuccès de la journée

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