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Cette espèce particulière de colique a cela de fingulier, que les douleurs trèsvives qu'elle excite dans le bas ventre, fe terminent par rendre paralytiques ceux qui ont le bonheur d'en échapper. Les ravages affreux qu'elle fit en 1572 dans le Poitou, lui ont fait donner le nom de cette Province par Citois, Médecin de Poitiers, qui en a écrit l'hiftoire. Elle a fait depuis des progrès en Bretagne, en Saintonge, dans l'Angoumois & dans la Guienne, où elle devint auffi commune qu'en Poitou. M. Tronchin nous apprend qu'en 1582 elle regr.oit auffi en Moravie, en Siléfie, & dans une tres-grande partie de la BaffeAllemagne. L'opinion générale faifoit croire que c'étoit un fleau inconnu avant le temps où il exerça plus particulièrement fa fureur contre les malheureux habitans du Poitou. Mais M. Tronchin, qu'une vafte érudition a éclairé fur la fource des maux qui affligent l'humanité, & qui pense avec raifon que cette étude et le feul moyen d'en connoître bien précisément les variations & les dangers, rapporte le texte des anciens auteurs qui ont connu l'efpèce de colique qui fait l'objet de fa Differtation. Paul d'Egine, qui vivoit au fep

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tième fiécle, en parle formellement. Les Arabes en ont fait mention, comme on le voit par les extraits d'HalyAbbas & d'Avicenne. Elle a été connue de Conftantin l'Africain qui écrivoit dans le onzième fiècle; &, en fe rapprochant du nôtre, on trouve des notions très exprefles de cette maladie dans Jean de Gaddefden, Médecin Anglois, dans Fernel & dans Houiller, doctes Docteurs de l'Ecole de Paris, avant que Citois en eût parlé. Des faits fort inftructifs, tirés de différens auteurs François & étrangers, prouvent que la colique de Poitou a été bien obfervée avant l'époque qu'on lui affigne communément. Ce qui étonne, c'eft que, depuis Citois, très peu de Médecins en ont fait mention. Ce qu'ils en difent eft trop néceffaire à l'hiftoire de cette maladie pour être paffé fous filence. M. Tronchin en tire tout ce qui lui paroît utile. En multipliant ainfi les connoiffences fur nos maux, on eft presque fûr de parvenir à diminuer leurs effets. Si l'auteur s'en étoit tenu là, les Critiques pourroient regarder cette partie de fon ouvrage comme le journal de fes lectures. Mais, en fuivant fa catrière, M. Tronchin montre fa fupério

rité par la difcuffion des caufes prochai nes & éloignées de la colique dont il s'agit. La caufe prochaine eft une affection convulfive, une conftriction des parties nerveuses du bas ventre. Les caufes éloignées fourniffent huit articles. 10. L'humeur des fièvres qui n'a pas été détruite par une crife parfaite. 2°. Les venins. 39. L'ufage immodéré de certains vins acides & fans maturité. 40. Une humeur rhumatifante & gouteufe. 59. La transpiration empê chée. 60. Le fcorbut. 70. La mélancolie. 80. Diverfes affections de l'ame. M. Tronchin entte dans des détails fur

tous ces différens points, & rappelle fur chacun d'eux ce que les Praticiens de tous les temps ont obfervé. L'expérience des plus habiles Médecins & fon expérience particulière font rangées méthodiquement fous chaque point avec les faits qui y font relatifs. Il en résulte un fyftême bien lié dans toutes fes parties, & qui me paroît être celui de la nature. La colique de Poitou eft mife au nombre des accidens fâcheux qui réfultent de l'ufage des vaiffeaux de cuivre mal étamés. Vous fçavez que les préparations minérales qui fervent aux Peintres pour leurs couleurs leur don

nent auffi cette maladie, & que les Potiers de terre y font forts fujets par l'emploi des vernis qui font une préparation de plomb fort nuifible à ceux qui refpirent les particules qui s'en exhalent. Les ouvriers de Paris l'appellent la colique de plomb. Vous avez pû voir dans l'Extrait des Lettres écrites à M. le Lièvre au fujet de fon Baume de Vie * que ce remède eft fouverain contre cette maladie cruelle & dangereufe. Je vous dirai à cette occafion, & en paffant, que ce Baume opère chaque jour les guérifons les plus furprenantes. Les preuves en font inconteftables, & M. le Lièvre reçoit continuellement de toutes les Provinces du Royaume des lettres de reconnoiffance de la part de ceux qui en ont éprouvé de falutaires effets.

Après l'examen des différentes caufes de la colique du Poitou, & de la manière dont elles agiffent fur nos corps, M. Tronchin explique les divers fymptômes qu'elles occafionnent; c'eft dans ces raifonnemens qu'on connoît le Médecin éclairé par le flambeau de l'Anatomie & de la Phyfiologie, fcrutateur de la nature, & conféquemment bon

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Voyez l'Année Littéraire 1756, Tome IV page

juge dans le dérangement de fes fonc tions. Les Chapitres fuivans traitent des indications curatives & des moyens de guérir. On fent qu'il faut les varier fuivant la diverfité des caufes, & que c'eft dans l'heureuse application des connoiffances théoriques que confifte l'habileté d'un Praticien. Que pourroit-on attendre en effet d'un homme qui n'auroit d'autres lumières que fa propre expérience, quelque longue qu'on la fuppofe, lorfqu'il s'agit de cas épineux qui exigent tant de difcernement? M. Tronchin ne craint point de rappeller les fautes qu'il a commifes pour avoir manqué de guides au commencement de fa pratique, & dans lefquelles ne tomberont point ceux qui voudront profiter des inftructions qu'il donne aujourd'hui. Il a trouvé la maladie très-fréquente & la Médecine fort rare; ce font fes termes. Plufieurs malades ont été, malgré lui, les victimes du défaut de connoiffances acquifes fur ce point de l'art. Quelles obligations n'a-t on point à un homme capable de faire de tels aveux & qui nous montre les écueils qu'il n'a appris à éviter qu'après plufieurs naufrages. Sa Differtation pourra fervir de modèle pour en compofer d'autres fur

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