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qu'avec plaifir les faillies muficales, dont un auteur, qui porte ce nom, vient d'affaifonner fon premier Euvre, fous le titre fuivant: Nouvelles Pièces de Clavecin, diftribuées en fix fuites d'airs de différens caractères, le Génie François, la Mufe Italienne, les Magnifiques, &c; les gens du bon ton, &c; un Réveil une Féte Champêtre, un Ballet de Pfyché, &c; le Général d'armée, &c, compofées par M. Rameau, le neveu (du grand Rameau) fils de M. Rameau le cadet, gravées par M le Clair, Œuvre I. prix 7 liv. 16 f. A Paris chez l'auteur, rue des Cordeliers, à l'Hôtel du Saint-Efprit, Guerfan Luthier, à côté de la Comédie Françoife, Germain, Facteur de Clavecin, rue des Boucheries, Faubourg Saint-Germain au Sabot d'Or, & aux Adreffes ordinaires de Mufique. Si vous cherchez, Monfieur, une analogie bien exacte & bien caractéristique de compofition musicale avec les objets indiqués par le titre de chaque Pièce , peut être ne là trouverez vous pas auffi parfaite & auffi fatisfaifante à l'oreille que dans les grandes imitations de bruit de guerre, par exemple, ou de tempête. Comment imiter en

pour

effet par l'harmonie, fur-tout du Cla vecin, les Magnifiques, les Perfileurs, les gens du bon ton, les Petits Maitres, &c. Ce font, à la vérité, des manières d'être morales; mais ce ne font pas des paffions théatrales, des caractères marqués, en un mot, des objets d'expreffion dans la Mufique. Mais il faut fe prêter un peu à l'illufion de l'harmonie ; & fi dans la Pièce il fe rencontre quelques traits qui réveillent l'idée de l'objet annoncé par le titre, c'en eft affez le triomphe de l'art & pour la gloire de l'auteur. D'ailleurs, quoi de plus divertiffant que de pouvoir repréfenter fur un Clavecin le ridicule des Petits- Maitres, & de les jouer fur cet inftrument comme on les joue fur le Théâtre ? Pour moi j'aime à me figurer d'avance une jolie Clavecinifte qui promenant une main charmante fur toute l'étendue d'un Clavecin, fait naître fous fes doigts brillans une harmonie douce qui excite en moi l'idée d'un Réveil tranquille & agréable. M. Rameau, le neveu, pour la parfaite exécution de fes Pièces de Clavecin, porte l'attention jusqu'à marquer le mouvement & le caractère particulier de chaque Pièce par les indica

tions les mieux imaginées & les fignes les plus repréfentatifs. Par exemple, dans le grand tableau du Général d'armée, après vous avoir averti que la Pièce fe joue fièrement & avec feu, il vous conduit, pour ainfi dire, par la main de l'harmonie avec fon Général d'armée : Ici, dit l'auteur, il entre en campagne; effectivement la mélodie, fecondée de l'harmonie, fans laquelle l'impreffion n'eft qu'imparfaite, vous donne l'idée d'une marche guerrière bien frappée. Plus loin l'auteur ajoute: Ici il fait prendre les poftes. On éprouve en effet par l'oreille une certaine commotion qui a fes repos, comme quand une armée fe pofte. Bien-tôt après que la bataille eft difpofée, il marche à l'ennemi; c'est la reprise du premier Chant mufical qui le fait entrer en campagne; & cette répétition a de la grace, amenée avec adrelle & avec goût. Ici il livre la bataille; c'eft alors que les notes doublées vont par de grands intervalles & cascades, pour imiter, dit le compofiteur martial, le chamaillement des armes. Puis tout à coup il vous trace la ligne des quatre octaves du Clavier, qui, par des notes précipitées, forme un cliqueris

épouvantable de funs artiftement confus, pour rendre mieux les décharges de moufqueterie, qu'on croit entendre par le moyen de cette corde bruyante & très bien imaginée. Les cris & plaintes fuccèdent harmoniquement donnés fur le Clavier, & pendant que la fuite de l'ennemi se fait entendre dans le Deffus qui la rend palpable à l'oreille, la Baffe vous donne de grands coups de canon par de groffes notes, qui font enfuite imitées dans le Deffus, tandis que la Baffe peint à fon tour le mouvement des troupes que le Général retire de la mêlée, comme l'auteur a foin de le faire obferver. La première harmonie de l'entrée en campagne ou de la marche

à l'ennemi revient encore avec la même grace qu'auparavant, & vous remet dans une fituation agréable: Ici le Général retourne vainqueur, & vers la fin de ce morceau belliqueufement pittorefque, il reçoit, dit le compofiteur, de la main de fon Roi la couronne deftinée aux héros. C'eft la circonftance que je trouve la moins fenfiblement rendue dans toute cette Pièce. Si vous avez du goût, Monfieur, pour les belles chofes muficales, la nouveauté de celle-ci doit

faire, ce me femble, beaucoup de fenfation fur vous. J'aurois voulu cependant, pour achever ce grand tableau, que l'auteur l'eût terminé par un bruit de triomphe & de fanfare. Ce bruit auroit mieux marqué le dénoûment de l'action, la fin de la bataille, au lieu qu'il la termine par le mouvement de marche qui la commence ou la précède. Mais quand on compofe avec une imagination vive & ardente, on ne peut pas penfer à tout, & ce qui coute le plus dans tout ouvrage n'eft pas l'entrée, mais la fortie

Les autres pièces du Recueil font d'un caractère moins élevé. La pièce intitulée Le François Aimable, & qui doit fe jouer poliment, comme en avertit, l'auteur, eft d'une expreffion douce & riante, d'un caractère agréable, honnête, en un mot, Françoife. Pour le plaifir du contrafte, le fecond air, qui eft en Majeur, a pour titre l'Italianifé, & marche affettuofo, pour exprimer fans doute la douce flatterie & la fouple mignardife de l'Italien; ce qu'on doit bien diftinguer pour l'oreille de la pofiteffe & de l'aifance du François. Vous fentez bien, Monfieur, que la Pièce des

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