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Magnifiques doit fe jouer noblement, celle des Petits-foins avec zèle, celle du Petit-Maître avec un air minaudier, &c, &c. La Fête Champêtre, & fur tout l'Entrée des Bergers & Bergères, doit produire de l'effet; le dernier morceau me paroît d'une veine heureufe & trèspittorefque. Viennent enfuite deux Menuets, qu'il faut exécuter avec le plus tendre fentiment; pour les deux Rigaudons qui leur fuccèdent, l'auteur n'indique pas comment ils doivent s'exécuter; mais on fent bien que ce doit être avec la plus vive gaité. Les deux Tambourins font d'un goût très faillant, & tous ces morceaux agréables, qui font placées après le Général d'Armée, peuvent être regardés comme une fête qui fe célèbre dans le camp du vainqueur. Les Menuets, les Rigaudons, les Tambourins, &c, font alors de faifon; ils expriment la joie la plus vive. Le Génie François étoit peut-être le caractère le plus difficile à peindre en Mufique. Le Compofiteur, heureux dans cette peinture comme dans les autres, le repréfente au naturel, & faifit toutes les nuances qui le diftinguent du génie des autres nations. C'est un morceau

qui demande beaucoup d'intelligence dans l'exécution; car il faut le jouer tour à la fois avec feu, graces, efprit & raifon; ce que je ne crois pas bien facile à rendre fur un Clavier. Mais que n'exécute pas un Maître avec du goût & du génie ? la Pantomime, intitulée La Mufe Italienne ou les Furets, me paroît très plaifante de Mufique, & doit fe jouer, dit l'auteur, d'un air aigredoux. Mais le plus piquant de tous ces morceaux c'eft le Menuet intitulé l'Encyclopédique, avec une autre dénomination de Menuet intra ou ultramontain. L'Encyclopédique eft affez bifarre de caractère; il finit par une chûte grotefque & qui fait du fracas. Toutes les pièces que je viens de vous citer, Monfieur, forment quatre fuites. La cinquième est un Ballet tout entier, repréfentant l'Amour & Pfyché. Le Compofiteur fait pour ce Ballet ce qu'il a pratiqué pour le Général d'Armée; il indique les mouvemens & les nuances de l'action. C'est d'abord Pfyché qui cherche l'Amour une lanterre à la main; plus loin, elle l'apperçoit; plus loin elle l'admire; plus loin elle s'en approche, & plus loin encore elle répand la goutte far

tale: & la Mufique marque cette finguliere effufion par des notes, pour ainfi dire, coulantes. Ce morceau veut être exécuté lentement & tendrement; voilà fon vrai caractère. Mais au fecond morceau l'Amour s'éveille & s'envole; il fant aller vivement, & ce n'eft pas un prodige que la Mufique exprime trèsbien ce mouvement léger de l'Amour qui s'envole; le merveilleux eft de pouvoir représenter l'Amour qui parcourt l'Olympe tout courroucé, & qui demande fa Psyché à fa mère, comme l'auteur a foin de l'indiquer au deffus de l'image même muficale qui le représente. Les regrets de Pfyché font exprimés par une Gavotte très-tendre ; mais bien-tôt l'ESpoir, qui fe joue agréablement, vient la confoler. Le retour de l'Amour fuit de près un morceau qui s'exécute avec zèle, foupirs & empreffement: une Chaconne exprime le retour des Plaifirs; il faut la jouer résolument & honnêtement; ce dernier caractère n'eft pas facile à faifir fur le Clavecin; mais on en a plus de gloire après la difficulté vaincue. L'Apothéofe fe fait par des Dianes ou Fanfares, qu'il faut exécuter d'abord avec pompe & folemnité, puis après avec graces; puis

enfin

enfin Psyché vole prendre place aux Cieux. Indépendamment de routes ces formalités pour l'exécution, il eft certain, Monfieur, que les différens morceaux, qui compofent ce Ballet agréable, font d'une invention heureuse pour le chant, qui caractérise affez bien les diverfes pofitions des deux amans; ce qui marque certainement du génie & de l'art.

Quant à la fixième Suite, intitulée les Trois Rameaux, je puis vous affurer qu'elle doit faire un effet prodigieux fur l'inftrument. Le premier, c'est à dire le premier des trois Rameaux, qui, fans doute, eft notre grand Rameau ( véritablement grand, parce qu'il ett génie créateur, & profond Philofophe dans fon art) le premier, dis-je, doit s'exécuter avec beauté, fageffe & profondeur ; ce qui caractérise très-bien le style & la compofition de ce grand homme. Le fecond des trois Rameaux, apparemment le père de l'auteur, doit s'exécuter d'un air libre, affuré, d'un toucher beau & précis. Le morceau eft vif, origi nal. Le troisième enfin, qui repréfente l'auteur lui-même, s'exécute fort vîte, d'un air content de tout, d'un toucher à la Françoife, à l'I.alienne & à AN. 1757. Tome VII.

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Allemande. En effet, les trois caractè res de toucher font rendus par des modulations de chant qui leur conviennent; on les reconnoît à leur manière. Ce dernier tableau fait la pièce la plus étendue du Recueil, & couronne, pour ainfi dire, l'imagination vive & gaie de M. Rameau le Neveu. Indépendamment de ce don de la nature, fi rare & fi piquant dans la fociété, il a du goût & des connoiffances, & un grand talent pour apprendre à toucher du Clavecin. Je fuis, &c.

A Paris, ce 27 Octobre 1757.

LETTRE III.

Hudibras.

Il y a plus de deux ans, Monfieur, lave

que je vous parlai de ce fameux Poëme Anglois & de fon auteur Samuel Butler, au fujer de la traduction du premier Chant qu'un anonyme avoit hafardée dans notre langue *. Après avoir

*Voyez l'Année Littéraire 1755 Tome III page

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