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relevé les défauts de cet effai de verfion informe en profe, je vous annonçai qu'un Gentihomme Anglois, qui fçavoit notre langue, avoit traduit ce Poëme en entier auffi littéralement qu'il étoit poffible en vers François de la même mefure que ceux de l'original; c'eft à dire, en vers de huit fyllabes. C'eft cette traduction qui paroît aujourd'hui en trois volumes in 12 très bien imprimés, avec l'Anglois à côté, des gravures des incidens les plus remarquables, & des notes fur les endroits les plus difficiles de chaque Livre. Je ne vous répéterai ni le fujet d'Hudibras ni le jugement qu'en a porté Monfieur de Voltaire dans fes Mélanges de Littérature & de Philofophie, ni les particularités de la vie de Butler. Je vous prie de confulter mon ancien Article fur tous ces points. Je me contenterai de vous rappeller ici que les Presbytériens, les Indépendans & d'autres Sectaires fe liguèrent dans la Grande-Bretagne fous le regne de Charles I, pour abolir l'Epifcopat, la Lithurgie de l'Eglife Anglicane alors établie par les loix, & la Monarchie qui en étoit le plus ferme foutien. L'auteur, pour dé

voiler l'hypocrifie & l'extravagance des fanatiques des fectes différentes qui s'étoient unies, fans s'aimer & fans s'eftimer, a fait Hudibras, héros du Poëme, Presbytérien, & Ralpho fon Ecuyer, Indépendant; & dans les difputes qu'il fait naître entr'eux, auffi bien que dans leurs actions, il démafque toute la mauvaise foi, toute l'abfurdité de leurs fectes; par conféquent, il infpire pour elles toute l'averfion, toute l'horreur que méritent ces monftres parricides, qui, fous quelque prétexte que ce puiffe être (en eft-il un plus impofant que celui de la Religion?) portent le fer & la flamme dans le fein de leur trifte patrie. Par une autre conféquence, cet ouvrage, qui les ridiculife si bien dans fes peintures burlesques, a le double avantage d'être utile & comme poëtique & comme moral. Hudibras fait juftement par fes images plaifantes ce que la Henriade fait par les images férieuses, c'est-à-dire, qu'il inftruir les nations de leurs propres fureurs, & qu'en faifant dérefter les guerres civiles allumées par la frénéfie de quelques factions, il fert à la fois toute l'humanité, Voilà de ces ouvrages marqués au coin

de l'univerfalité morale. Je ne fçai même fi pour l'effet le burlefque d'Hudi bras ne l'emporte pas fur le férieux de la Henriade: ridiculum acri, &c.

A la tête de chaque Chant l'auteur mis un fommaire en vers: par celui du premier Chant vous jugerez de tous les

autres.

Du Sieur Hudibras le mérite;
Comment il partit de son gîte
Armes, harnois du Chevalier ;
Ses vertus, celles du courfier ;
D'ours & violon l'équipée,

Mais qui n'eft qu'à moitié contée.

Le Poëte fait partir Hudibras fon héros dans le fort de la tempête civile excitée fous le regne de Charles I. Il en fait la peinture la plus grotesque, ainfi que de Ralpho son écuyer : c'est Don Quichote & Sancho dans un goût différent de Chevalerie, & dans un autre genre d'expédition. Après beaucoup de vers fur l'efprit, le cœur, le caractère, les connoiffances, &c, de fon héros, le Poëte en parcourt l'extérieur ; il en fait un Polichinelle renforcé pour la figure; l'écuyer & le cheval ont leur tour pour la

defcription; après quoi vient une aventure par la rencontre d'un combat d'ours & de chiens, accompagnés de vaga bonds, d'un boucher, d'une Gourgandine, &c, à la tête defquels marche un joueur de violon avec une jambe de bois. Là-deffus l'éloquence d'Hudibras s'échauffe; il prouve que le combat est des plus Anti-Chrétiens, & mérite une prompte réforme. Après une fort longue difpute entre le héros & fon écuyer, l'auteurs Anglois ajoûte, en continuant de plaifanter à sa manière :

Il dit, & comme le Troyen
Fit à cheval femblable au fien;
Il piqua d'une force extrême,
Et fa bête s'en mut de même ;
Et comme elle étoit creuse aufli,
Son ventre infulté fit un cri,
Qui fortit près de la croupière
Avec du vent par le derrière.

Le combat qui fe donne dans le fecond Chant entre le Chevalier, foutenu de fon Ecuyer, & cette troupe de Manans, eft décrit fort plaifamment, & dans le goût de notre Roman Comique de Scarron. Le combat finit par

la victoire d'Hudibras. On emprifonne la bonne jambe du pauvre joueur de violon dans ces fortes de ceps, ou l'on ferre les pieds des malfaiteurs en Angleterre, pendant que fa jambe de bois demeure libre; ce que l'auteur raconte la chûte très-comiquement, ainfi que que le Chevalier fait de cheval fur l'ours. Voici quelques traits de cette dernière peinture, après que le cheval de l'Ecuyer a fait perdre l'équilibre au héros par une terrible ruade, & qu'un des Ma nans l'a foulevé par le pied, pour précipiter fa chûte :

Il le fit fauter de la felle

A lui fracaffer la cervelle;

Mais Mars, protecteur des héros,
A fon fecours vint à propos,
Et plaça l'ours & sa fourrure
Pour le garantir de blessure,
Qui reçut le poids d'Hudibras
Mollement comme un matelas.
Ainfi boulet dur comme enclume
S'amortit contre un lit de plume;
Et comme Sancho qu'on bernoit
Sur la couverte retomboit

Sans fe faire mal, tout de même
Hudibras du danger extrême

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