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Au feptième Chant le Héros & l'Ecuyer fe quittent,ils vont tous deux féparément chez la veuve, l'Ecuyer pour trahir fon maître, qui n'a point exécuté la peine impofée par la veuve, & le maître pour tromper la veuve par des menfonges. Comme elle est prévenue de tout par l'Ecuyer qui devance le Chevalier, elle fe divertit du pauvre Hudibras, & le perfécute avec des Diables qu'elle met à fes trouffes. L'Ecuyer, fenfible aux tourmens de fon maître, l'enlève pendant la nuit, en contrefaifant l'Efprit. Dans ce Chant l'auteur Anglois prend plaifir à relever les prérogatives des femmes fur les hommes; il plaifante par la bouche de la veuve; ces prérogatives ne valent que vis-à vis des Hudibras, comme l'Anglois le fait affez entendre. Le Poëte ridiculife jufqu'à fes Confrères, qui font des defcriptions pompeufes du foleil, de la lune, &c, &c. Après que les deux aventuriers fe font échappés du logis de la Dame, le héros, au lieu de pourfuivre fes amours, va confulter un Avocat, pour intenter un procès à fa maîtreffe, & la contraindre à l'époufer.

Dans le huitième Chant l'auteur An

glois fait une cruelle fatyre de la Juftice du Palais & de la profeffion d'Avocat. Le Chevalier écrit une fort longue Epître à fa veuve, & la veuve lui fait une réponse auffi longue; le Chevalier extravague, comme cela doit être, & la veuve fe moque de lui; ce qui doit être encore. Mais les deux lettres font extrêmement diffuses. La veuve dans fa réponse dit beaucoup de mal des hommes, & revient aux droits & aux privilèges de fon fèxe. Les traits fuivans y font remarquables.

De nous traiter avec rigueur

N'eft pas pour vous parti meilleur ;
Car plus nous fommes maltraitées,
Et moins nous fommes difpofées
A nous rendre plus nous fouffrons,
Plus volontaires nous ferons.
La force nos efprits irrite

A mieux vous tromper par la fuite,
Et réveille en nous les talens,
De la nature les préfens,

Qui, dans les temps les plus critiques
Ont furpaffé vos politiques :

Car, malgré tous vos tours jaloux,
Nous nous moquons encor de vous.
Ceft une faveur fignalée,

Lorfque nous vous ceignons l'épée
Pour vous faire battre pour nous,
Et vous faire rouer de coups;
Vous envoyer, contre nature,
Toujours à nouvelle aventure,
Affronter les eaux & les feux,
Pirates & rochers affreux,
Pour nos vanités fatisfaire;
Vous entretuer pour nous plaire;
Votre fot honneur exercer

Vos cervelles faire caffer,

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Ou bien les fêler par l'étude
De chofes dont l'incertitude

Fait que, plus vous vous appliquez',,
Moins encor vous les expliquez;
Quarrer le cercle des sciences,
Et finir par extravagances;
Commenter l'oracle des loix,
Les retournant, à notre choix,
Comme nos commiffionnaires

Et les agens de nos affaires.

Le Chant, qui fait le neuviéme & le dernier dans la traduction, fe trouve. toujours l'avant dernier dans les éditions Angloifes; mais, comme il interrompt trop l'action du Poëme, & qu'Hudibras, qui en eft le héros, ne s'y trouve pas feulement nommé, le

Traducteur a jugé à propos de le tranfporter à la fin; ce que je ne crois pas bien imaginé pour corriger le défaut du

Poëme dans l'ordonnance. Eft-il raifonnable qu'un long Poëme fe termine par un Chant dans lequel il n'eft fait aucune mention du principal perfonnage ? Il valoit donc mieux laiffer l'ordonnance du Poëne Anglois dans fa difpofition primitive; il finiffoit du moins par des geftes & faits du Héros. L'auteur Anglois, dans ce Chant, porte les derniers coups. du ridicule contre les prétendus Saints, c'est-à-dire, contre tous les Sectaires qui bouleverfoient l'Etat ; il fait naître entr'eux des difputes & des conventicules, où ils fe déchirent & fe diffament eux-mêmes, en découvrant les Indignes refforts qui les ont fait agir. Il ya beaucoup de force & de vigueur fatyrique dans ce Chant. Après la mort de Cromwel, les chefs des Sectaires furent brulés, & toute la faction difparut. C'eft le feul dénoûment du Poëme.

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Je ne ferois point étonné que nos François ne trouvaffent pas dans Hudibras tout l'efprit qu'y admire M. de Voltaire. 1 Nous ne prenons pas un affez vif intérêt à ces guerres étrangères

de Religion. 2o. Nous ne fommes point au fait de mille anecdotes qui fourniffent des allufions à l'auteur. 3°. Il y a de certaines beautés qui, la plupart, font intraduifibles, de l'aveu même de notre Interprète; fur-tout ce que les Anglois appellent Humour, & qui ne peut être bien gouté ni bien fenti que par les nationnaux. 4°. Il y a dans cet ouvrage beaucoup de ces défauts ordinaires aux productions Angloifes, tels que des longueurs, des inutilités, de mauvaifes plaifanteries, des defcrip. tions outrées, des idées gigantefques, des digreffions ennuyeufes, des moralités pefantes, &c. Le plan n'eft pas même bien nettement conçu; on perd fouvent de vûe le Héros; on ne fçait ce que deviennent fes amours, fes ftratagêmes & fes fourberies pour réulfir à époufer la Veuve. Il y a trop peu d'actions, trop peu d'événemens dans la marche de la Fable, fréquemment arrêtée par de grands & éternels Epifodes, où l'on amène des difputes fçavament Théologiques, puifqu'il s'agit toujours de points de Religion, qui deviennent à la longue infupportables. Malgré ces vices, qui bleffent un lecteur

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