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la connoiffance de Rouffeau le menèrent voir une Tragédie des Jéfuites. A la diftribution des prix, il entendit appeller deux fois François Marie Arouct. Il demanda au Père Tarteron, qui étoit ce jeune homme. Le P. Tarteron lui répondit que c'étoit un petit garçon qui annonçoit des difpofitions pour la Poëfie; il propofa de le faire venir; à quoi Rouleau confentit. Le Jéfuite l'alla chercher, & revint un moment après avec le petit Arouet qui fut flaté des complimens & des careffes que lui fie Rouffeau. Deux ans après, ce dernier, qui étoit à Soleure, en reçut une Let tre accompagnée d'une Ode qu'il avoit compofée pour le prix de l'Académie Françoife, & fur laquelle il lui demandoit fon fentiment, qu'il ne balança pas. à lui marquer avec la fincérité qu'on doit à la confiance d'un jeune homme:Cette Ode fut mife au rebut, & l'année fuivante une feconde Ode qu'il avoit faite pour prendre fa revanche eut le même fort. Il continua d'écrire de temps en temps à Rouffean, toujours avec des tranfports d'admiration, l'ap pellant fon maître & fon modèle, & lui adreffant quelquefois des pièces de

coup

fa façon, entr'autres, fa Tragédie d'Œdipe, à laquelle l'Horace François donna des éloges, quoiqu'il y trouvât beaude défauts. I avertiffoit feulement le jeune auteur de parler déformais avec un peu plus de retenue de Sophocle & des autres grands hommes qu'il maltraitoit dans fes Préfaces. Il fit un voyage à Bruxelles, & ne quitta prefque pas le grand Rouffeau; il lui confia fon Poëme de la Ligue appellé depuis la Henriade. Rouffeax le lui rendit deux jours après, en lui confeillant en homme fage & en véritable ami d'y corriger les déclamations fatyriques & paffionnées, où il s'emportoit à tout propos contre l'Eglife Romaine, le Pape, les Prêtres Séculiers & Réguliers, enfin contre tous les Gouvernemens Eccléfiaftiques & Politiques, le priant de fonger qu'un Poëme Epique ne devoit pas être traité comme une Satyre; que c'étoit le ftyle de Virgile qu'on devoit s'y propofer pour modèle, & non celui de Juvénal. Malgré ces avis, tout alloit encore affez bien entre ces deux Poëtes, lorfqu'un jour M. de Voltaire ayant invité Rouffeau à une promenade hors de la Ville, il s'avifa

*

de lui réciter une certaine Epitre dont le fujet étoit contraire à la façon de penfer de Rouffeau, qui ne put s'empêcher de lui marquer fa furprife & fon mécontentement; il l'arrêta dès les premiers vers. Monfieur de Foltaire voulut continuer. Rouffeau l'interrompit encore, & lui dit avec fermeté qu'il alloit defcendre de carroffe s'il ne changeoit de difcours. Il fe tut alors, & le pria de ne point parler de cette Pièce. Depuis ce jour M. de Voltaire fut plus réfervé qu'à fon ordinaire avec Rouffeau. Il partit enfin, & ne crut pas devoir ménager le grand Poëte qu'il avoit tant admiré; il fe permit contre lui les propos les plus odieux dans fes converfations en Hollande & à Paris. Mais la grande époque de fon reffentiment fut en 173 2 à l'occasion de la Tragédie de Zaïre qu'on jouoit alors. M. de Launay**, avec qui Rouffeau avoit fait

*M. de Voltaire fçait bien de quelle Epître je veux parler. Au reffe, je ne pense pas qu'il en foit l'auteur; car ayant été inquiété à ce fujet, il s'eft juftifié en difant lui-même que cet ouvrage étoit de feu l'Abbé de Chaulieu ; ce qui pour

roit bien être.

**Auteur de La Vérité Fabulifte, petite Co

connoiffance par écrit, lui envoya cette Pièce auffitôt qu'elle fut imprimée ; il y joignit fes réfléxions fur l'ouvrage & fur l'auteur. Rouleau lui répondit fur le même ton; cette réponse courut contre fon intention. M. de Voltaire y fut trèsfenfible, & dès ce moment il fe mit en tête de rabaiffer le grand Rouleau foible Titan qui vouloit détrôner un Dieu. Il fit fes premiers actes d'hoftilités dans le fameux Temple du Goût, qui révolta tout le monde..

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La caufe du déchaînement de M. de Voltaire contre l'Abbé Desfontaines fut la même à peu-près. Car vous obferverez, Monfieur, qu'on ne fe brouille avec un auteur que parce qu'on le critique ou qu'on ne le loue pas affez. Les premiers nuages s'élèverent à l'occafion d'une Tragédie für laquelle le Poëte demanda fon fentiment au Critique, celui-ci ne trouva pas que bonne. Une réfléxion jufte, honnête & polie fur la Tragédie de la Mort de Céfar &

&

médie en án Acte en profe mêlée de Fables en vers libres, jouée avec fuccès aux Italiens en 1731. L'auteur fut depuis Secrétaire des Com-mandemens de S. A. S. Mgr le Comte de Cler mont. Il cft mort il y a quelques années:

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un léger badinage fur Le Temple du Goût aigrirent encore plus M. de Vol taire. Il s'en plaignit par une Lettre particulière à l'Abbé Desfontaines lui-même qui lui donna là deffus toute la fatisfaction qu'il pouvoit fouhaiter; il en fut content & l'écrivit à l'Abbé Desfontaines en 1735 dans les termes les plus affectueux. Sa Lettre à ce fujet eft imprimée dans le cinquième volume des Obfervations. Cependant quinze jours après la date de cette Lettre de réconciliation & d'amitié, M. de Voltaire infulta l'Abbé Desfontaines dans le Mercure, & fit courir de mauvaifes épigrammes contre lui. Enfin, il fit paroître Le Préfervatif ou Critique des Obfervations fur les Ecrits Modernes ; ce libelle, aujourd'hui tombé dans l'oubli, finiffoit par une Lettre où l'on difoit que M. de Voltaire avoit tiré l'Abbé Desfontaines de Bicêtre. Il est vrai -que ce Critique célèbre y fut mis en 1725; il travailloit alors au Journal des Sçavans; mais tous les gens de Lettres inftruits n'ignorent pas que c'est un tour abominable qui lui fut joué par des ennemis cruels. M. de Voltaire dé

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