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fa Pièce. Mais ce n'eft là, Monfieur que le défaut le plus léger de l'ouvra→ ge, & je ferois bien pointilleux si je m'y arrêtois. Je ne vous ferai pas non plus l'analyse de cetre Tragédie. Je me contente de vous envoyer mes remarques fur le Sujet, les Caractères, l'Ac tion, les Situations, le Style. Les détails de ces différentes parties vous mettront faffisamment au fait de la marche de ce Poëme.

Le Sujet.

Quelques perfonnes font un mérite à M. de la Harpe d'avoir trouvé dans l'Hiftoire un fujet neuf & propre au tragique elles regrettent feulement qu'il ne foit pas tombé en de meilleures mains. Ces perfonnes ne connoiffent pas fans doute Le Grand Timoléon de Corinthe, Tragi-Comédie, dédiée à Monfeigneur le Maréchal de Saint-Luc, par le Sieur de Saint Germain: in-4° à Pa ris chez Touffaint Quinet au Palais dans la Petite Salle, fous la montée de la Cour des Aides, 1642. Cette Pièce dur réuffir dans fon temps. Je l'ai lue, & certainement elle m'a fait beaucoup plus de plaifir que celle de M. de la Harpe

Vous n'en ferez pas furpris, Monfieur, lorfque je vous aurai fait fentir la différence des deux Drames. Mais quand même on n'eut jamais traité le fujet de Timoléon, ce fujet ne feroit pas neuf anjourd'hui'; il ne pourroit être regardé que comme une nuance foible, une légère émanation de fujets plus beaux & plus pathétiques. En effet, Timoléon doit nous étonner & nous toucher bien moins que Brutus & La Mort de Céfar Quand nous avons vû un père immolant fon fils pour fauver la liberté publique, un fils facrifiant fon père à cette même liberté, un frère faifant aflaffiner fon frère par un motif femblable, peut-il nous infpirer un intérêt bien vif? Le Poëte eft néceffairement imitateur. Il a le défavantage plus grand encore de refroidir, parce que fes fituations rappellent au Spectateur les fi tuations plus fortes qu'il a prifes pour modèles.

Les Caractères.

Au premier coup d'œil, tous les perfonnages de cette Pièce, Timophane, Timoléon, Ifménie mère de tous les deux, Eronime fille d'Icétas Roi

d'Argos, amante de Timophane, &c, font honnêtes & remplis des principes de la plus belle Morale. Timoléon invoque à chaque inftant les Dieux & la Vertu.

Je parle de Vertu, quand je parle à mon frère... Et púifqu'il eft mon frère, il connoît la Vertu, Il dit à fon frère:

Sachez vous repentir, voilà votre grandeur.

Timophane, qui n'est pas moins vertueux, lui répond:

Le repentir n'eft point où ne fut point le crime.

Il ajoûte qu'il n'a point féduit le peuple qui veut lui donner la couronne:

Tout mon art avec lui fut d'être vertueux.

Ifménie aime auffi la vertu.

Mon fils n'étoit pas. fait pour être criminel.

Elle dit à fon fils :

Votre cœur

N'a point encor fitôt démenti la candeur.

Pour toutes les vertus ce cœur eft né fans doute.: Oui, vous avez le temps d'être encor v'ertueux.

La fage Eronime dit très-bien à Ifménie qu'elle la prie de croire

Qu'aimé de votre fils, ce cœur eut des vertus.

Tout cela eft très-beau; mais je cherche des caractères, & je n'en trouve point. Un caractère suppose une paffion dominante. La paffion dominante fe connoît par l'objet de haine, d'amour, d'ambition, &c, qu'un homme pourfuit. Vous ne trouverez dans la Pièce de M. de la Harpe aucune paffion décidée. Timophane eft le meilleur des humains; il n'eft ni ambitieux, ni cruel; il ne veut être Roi que pour époufer Eronime; il est doux, bon honnête envers fa mère, fon amante & fon frère; il fe rend aux repréfentations de celle qui lui a donné le jour; il renonce à la Couronne & à Eronime; d'ailleurs, c'est le peuple qui lui défère le fceptre; il n'a fait aucune démarche, il n'a excité aucun trouble pour s'en emparer; enfin, il eft fi foible & pen conféquent, que, s'il infpire de

fi

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la pitié, ce n'est pas de la pitié tragi

que.

Timoléon n'eft pas mieux deffiné. If falloit peindre en lui, pour le rendre théâtral, un févère Républicain & un frère feasible. Si la tendreffe fraternelle avoit balancé dans fon cœur fon amour

pour la liberté de fon pays, ces com→ bats auroient produit un caractère mais il n'eft ni frère ni Républicain Ifménie a beau s'écrier:

Le frère d'un Héros peut-il être un tyran ?

Je demande où eft le Héros, où eft le Tyran. Décidez les paffions qui gouver nent Timophane & Timoléon, alors je connoîtrai le Héros & le Tyran. Quoi Timoléon aura parlé au peuple aflemblé pour changer fa réfolution; il l'aura trouvé inébranlable; il l'avouera luimême,

Ce peuple trop féduit a méconnu ma voix :

Et il fe révolte contre le choix du peuple jufqu'à faire affaffiner celui que le peuple veur élire; & Timoleon eft un Héros ! Mais fuppofons Timophane ufurpateur, Gy

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