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Les Situations.

Il n'y en a que deux dans cette Pièce; l'une au cinquième Acte; c'est le dénoûment; je vous en ai parlé; l'autre au troifième Acte. Ifménie, pour vaincre & toucher Timophane, fe jette à fes genoux.

TIMOPHANE.

Quel transport vous égare!

Vous à mes pieds! O Ciel!

ISMÉNIE.

J'y resterai, barbare;

J'expirerai du moins en étendant mes bras
Vers mon fils révolté que je n'attendris pas.

ap

Ce cri de la nature, cette humiliation fublime d'Ifménie a été fort plaudic, quoiqu'elle foit mal amenée, & qu'elle ne produife qu'un changement paffager dans le cœur de Timo-. phane. Le vieux Poëte Saint Ger main avoit vû, long-temps avant M. de la Harpe, le pathétique de cette fi

tuation.

AN. 1765. Tome 1. H

DÉMARETTE.

Voyez que votre mère embrasle vos genoux, Pour elle, pour un frère, & plus encor pour

vous,

ΤΙΜΟΡΗ Α Ν Ε.

Que dites-vous, Madame, & qu'eft-ce que vous faites?

Le Style.

La diction eft incorrecte, négligée, froide, lâche, dure, contrainte, diffufe, fans harmonie, fans couleur, fans poëfie. Je ne citerai pour exemples que ce qui a été applaudi.

Je fus bon citoyen, je ferai meilleur Roi ; Quand on veut être libre, il faut l'être par foi. Pour d'aveugles humains toujours prêts d'être in

grats.

L'efclave profterné que traire aux pieds d'un Maî

tre,

Une crainte imbécille, & l'oubli de fon être,
Frémira d'un devoir qu'il ne concevra pas ;
Lê foible, de mon cœur rappellant les com-
bats,

Effrayé de mes maux, ne sçaura que me plain

die;

L'homme libre lui feul, pour qui rien n'eft à

craindre

Que la honte du crime & l'affront de fervir,
Seul fait pour me juger, ofera m'applaudir.

Etre profterné & traîné aux pieds de fon maître, par l'oubli de fon être. Quel langage! Comme le refte eft pénible & contourné!..... 1

On a fur-tout applaudi la Scène du troisième Acte entre Ifménie & Timophane. Comme c'eft fans contredit la plus belle de toute la Pièce, je vais vous en citer deux morceaux,

ISMÉNIE.

Vois l'avenir affreux qui pour toi le prépare.
Tu t'impoles la loi de devenir barbare:
Tu n'as point d'autre efpoir pour vivre, pour ra

1.

gner,

1

Dans le fang de ton frère il faudra te baigner.
Il faut exterminer tous ceux dont le courage
Chérit la liberté, déteste d'esclavage;
Après ces premiers coups que ta main doit por-

ter,

Dans ce chemin fanglant neverois pas t'arrê

ter.

Sous le glaive & les fers la haine renaiflante

Tes craintes, tes périls, & la mort menaçante Reproduiront encor de nouvelles horreurs; Tu feras effrayé de tes propres fureurs.

Les peuples entourés du meurtre & des fuppli

ces,

Ces peuples inconftans dont tu fais les délices, Frémiront des malheurs qu'ils fe font préparés, Et maudiront tes jours par toi-même abhorrés. Que dis-je? Cet objet de tant d'idolâtrie, &c,

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Ce dernier vers eft tout entier de Racine dans Iphigénie. Ce morceau eft bien fait; mais, au coloris près, ilappartient à Racine. C'eft la même chaî ne d'idées, la même gradation.

BURRHUS a Néron.

Mais fi de vos flatteurs vous fuivez la maxime, Il vous faudra, Seigneur, courir de crime en

crime,

Soutenir vos rigueurs par d'autres cruautés,
Et laver dans le fang vos bras enlanglantés.
Britannicus moutant excitera le zèle

De les amis tout prêts à prendre fa querelle. -Ses vengeurs trouveront de nouveaux déferfeurs,

Qui, niême après lour mort, auront des fuccefLeurs,

Vous allumez un feu qui ne pourra s'éteindre. Craint de tout l'Univers, il vous faudra tou craindre ;

Toujours punir, toujours trembler dans vos

projets,

Et pour vos ennemis compter tous vos sujets.

En lifant Timoléon, vous trouverez à chaque pas des hémistiches, des vers prefqu'entiers, des fuites d'idées que vous connoiffez depuis très long-temps. Encore un morceau de la Scène d'Ifménie.

Mon fils, ton cœur n'est point farouche. Si le foin de mes jours, fi ma douleur te touche, Ofe enfin préférer à l'amour, à fa loi,

Ce tendre cri du fang qui te parle pour moi.
Cette idole orgueilleufe à tes defirs fi chère
Ne t'a point commandé d'affaffiner ta mère;
Ce penchant, dont je vois que ton cœur fe rem

plit, –

Doit céder par degrés au temps qui l'affoiblit. Mais la nature feule, immuable, immortelle, Infpire un fentiment auffi durable qu'elle.

Ce cri qui parle, une idole orgueilleufe qui commande, un penchant dont on voit qu'un cœur fe remplit: tout cela

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