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eft d'un affez mauvais ftyle; mais du moins on entend ce que l'auteur veut dire. Pour les deux derniers vers, indépendamment de la chûte anti-harmonique auffi durable qu'elle, je ne les comprends pas, quoiqu'ils aient eu les honneurs de l'applaudiffement. Quel eft le fens du mot nature dans ces deux vers? La nature eft-elle prife ici pour l'amour filial? Ces deux vers voudroient-ils dire que l'amour filial infpire des fentimens auffi durables que fui? Mais tour amour est tout-à-fait la même chofe, & d'ailleurs cela veut dire que l'amour dure autant qu'il dute. Eftce la qualité de fils que fignifie le mot nature, & l'auteur veur-il dire qu'on ne peut point ceffer d'aimer fa mère, au lieu qu'on peut ceffer d'aimer fon amante? Cela feroit à fouhaiter. De plus, quand on parle de la nature immuable, immortelle, on peint la nature phyfique, la chaîne & la caufe des êtres, ou bien l'on ne fçait ce qu'on peint on croit avoir énoncé de grandes idées, lorfqu'on a fait fonner de grands mots.

Je ne finirois pas, Monfieur, fi je

voulois détailler tous les défauts de

cette Pièce tombée à fa première repréfentation & à fa reprife. L'anteur, qui s'attendoit à un triomphe, a été trèspiqué de ce mauvais fuccès. On le voit par l'Epigraphe Grecque qu'il a mise à la tère de fon Drame : ἔσσεται ἡμερ ὅταν. Ces trois mots empruntés d'Homère sɩgnifient, un jour viendra que........... Le fens n'eft pas fini; mais, pour peu qu'on connoiffe M. de la Harpe, il eft aisé de l'achever; cela yeut dire : un jour viendra que cette Pièce, qui a été fifflée, fera applaudie à tout rompre ; unjour viendra que l'on rendra juftice à mon mérite; un jour viendra que je ferai regardé comme le plus grand Poëte tragique de la Fran ce, &c, &c, &c. Il n'y a que dans ce fiècle, Monfieur, qu'on trouve réunies cette faftueufe opulence d'amour-propre & cette extrême difette de talens: quand même on auroit quelques difpofitions, comment, avec cet excès de confiance dans fes forces, pourroit-on faire quelque chofe de paflable?

Monfieur de la Harpe, pour fe confoler de la chute de Timoléon, a fait reprendre Warwick. Il fe flattoit que cette Pièce, fi applaudie dans fa nouveauté, iroit encore aux nues. Hélas,

Warwick lui-même, le grand Warwick n'a pas réuffi, & vous êtes moins étonné de fa difgrace que vous ne l'avez été de fa profpérné. Je penfe comme vous, Monfieur, & je ne vous diffimule pas qu'il eft affez agréable pour moi de voir mes jugemens confirmés quelquefois par le Public. On joue & l'on applaudit encore des Pièces qui ne font pas meilleures, mais qui font fou tenues par la cabale & l'éclat d'un grand nom. Je prends patience, & je dis avec l'auteur de Timoléon : ésserai suéj órav.

Si vous demandez ce que je penfe de M. de la Harpe, je vous dirai, Monfieur, qu'il n'eft pas fans efprit; mais je ne le crois pas appellé à la Poëfie; il manque d'invention, de deffin, de chaleur, de coloris, & fur-tout de fenfibilité. Il ne fera, de fa vie, une seule Scène, même médiocre, de fentiment les émotions douces, les rendres épanchemens de l'ame font une langue toutà-fait étrangère pour lui. Je fuis fâché qu'il s'obtine à cultiver un champ qui ne lui produira jamais que des ronces & des épines. Il me femble qu'il feroit plutôt fortune par la profe que par les vers. Peut-être réuffiroit-il, s'il embraf

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cours garantir la feconde planche des » faux pas de ces malheureux. » En mène apprit bientôt que l'Epicurien n'étoit pas plus heureux que le Stoïcien ; il chercha le bonheur dans les folitu des, & ne l'y rencontra pas mieux. La Corne d'Amalthée qui lui reftoit lui pro curoit l'abondance. Il n'eut plus rien à defirer, & fe trouva malheureux. Les befoins font nécellaires pour mieux fentir le plaifir de les fatisfaire. Mercure revint le trouver de la part de Jupiter. I le conduifit dans un bois, où il vit une jeune fille parfaitement belle qui fe mit à fuir dès qu'elle l'eut apperçu. Il la fuivit jufques dans une grotte où elle s'étoit retirée. Un petit chien alloit le mor dre aux jambes pour l'empêcher d'entrer. Mercure arrivant le frappa de fon caducée, & Mirtil, c'eft le nom du petit chien, devint immobile. Il reftera ainfi, dit le Dieu, jusqu'à ce que la jeune fille devienne fenfible. Elle avoit été élevée par une tante dans ce bois écarté. Le defir de revoir fon chien dans fon premier état, les difcours tendres d'Eumène, fes graces intéreffantes, mirent fin peu-à-peu à la métamorphofe

L'hymen les unit; ils furent heureux, & ne fe laffèrent point de l'être.

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L'Anneau de Gygès eft un conte de la. même efpèce. L'auteur y a répandu une ingénieufe variété. » Heureux, difoit » Leuxis, heureux qui trouve un ami » fincère & une maîtreffe fidèle ! » Mais en est-il de cette efpèce, & tels » fur-tout que je me les repréfente? » Premièrement, j'exige qu'un ami foit » le mien pour le feul plaifir de l'être, j'exige qu'une maîtreffe m'aime au» tant pour moi-même que pour elle; je veux que mon ami ne prétende pas » toujours avoir raison ; je veux que ma » maîtreffe aie rarement tort; j'entends » que mon ami trouve ma maîtreffe » aimable, & fe dispense de l'aimer » par la raison qu'elle fera ma maîtref»fe; j'entends que de fon côté ma maî» treffe l'eftime par la raifon qu'il fera » mon ami, & fur-tout qu'elle ne l'ai» me point, parce qu'elle devra n'aimer que moi.... Leuxis exigeoit. une infinité d'autres chofes égale»ment impraticables, ou du moins » peu pratiquées : du refte, c'étoit-là » les feuls vœux qu'il formoit, les feuls

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