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» leur pardonne de tout fon cœur; fi » cet homme, ignorant le Traité qu'ils » ont fait entr'eux, dit bonnement qu'il » ne s'eft point amufé, & qu'apparem » ment il s'amufera une autrefois da »vantage: cet homme fera peut-être » fort étonné d'apprendre, quelques » jours après, qu'il a vingt ennemis ir réconciliables, que chacun d'eux va » dans vingt maifons, le repréfentant » comme un homme odieux; qu'on » fait le Roman de fa vie depuis fon» enfance, & que les éditions font plus » calcmnieufes les unes que les autres; » qu'on lui attribue des propos que ne » tiendrait pas le plus imbécille de fes » ennemis; qu'on ameute contre lui une populace oifive, dont une partie s'exerce continuellement à inventer, »& l'autre à croire; enfin, qu'on a » conclu unanimement, que, s'il s'avife » d'écrire à fon tour, il eft de l'intérêt » public de ne pas permettre qu'il ait, » comme tant d'autres, fon petit fuccès » de quelques inftans.

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» Cet homme lira continuellement "Racine & M. de Voltaire, & fera » tenté à tout moment de jetter au feu cinquante Tragédies modernes

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» commencer par les fiennes; & l'on » dira qu'il méprife Racine & M. de » Voltaire, Il admirera Cinna, les bel» les Scènes des Horaces, du Cid, &c; » & l'on dira qu'il méprife Corneille. » Il lira Rhadamifte avec plaifir & avec » fruit; mais il avouera qu'il aime mieux Orefte qu'Electre, & Rome » Sauvée, que Catilina: & l'on dira » qu'il méprife Crébillon. »

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Cet homme fimple & franc qui a lu Racine le matin & qui vient bâiller le foir aux ouvrages modernes, c'eft M. de la Harpe.

Cet homme qui a le malheur de s'ennuyer & qui pardonne de tout fon cœur, c'est M, de la Harpe.

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Cet homme qui apprend qu'il a vinge ennemis irréconciables, courant le décrier dans vingt maifons, c'eft M. de la Harpe.

Cet homme que l'on déchire, que l'on calomnie, dont on parle fans ceffe, dont toutes les Sociétés s'occupent & s'entretiennent, cet être important, c'est M. de la Harpe.

Cet homme qui lit M. de Voltaire & qui eft tenté de jetter au feu cinquante Tragédies modernes, au nombre def

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quelles, fans compter les fiennes, il s'en trouveroit fûrement quelqu'une de M. de Voltaire lui-même, c'eft encore M. de la Harpe.

Cet homme qui admire Cinna & les belles Scènes des Horaces, du Cid, &c,. qui lit Rhadamiste avec plaifir, qui blâme, qui approuve, qui fixe les réputations, c'est toujours M. de la Harpe, & M. de la Harpe auteur de Timoléon!

Au refte, M. de la Harpe fournit à cet homme, c'eft à-dire, à lui-même, plufieurs motifs de confiance, entr'autres celui-ci. » C'eft qu'au lieu de lire » & d'admirer Meffieurs de Voltaire » d'Alembert, Rouffeau de Genève, Di. » derot, Buffon, &c, s'il avait voulu ➡ admirer tous les écrivains qui médi̟» fent de ces hommes refpectables, à 19 coup für il n'aurait pas un feul enne» mi. » On voit que M. de la Harpe cherche à s'appuyer fur les colonnes de notre Littérature. Il me femble entendre Sofie dire d'Amphitrion :

Mon Maître eft homme de courage; Il ne fouffrira pas que l'on batte fes gens.

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» Enfin, (c'est ici la dernière confo. »lation) cet homme, attiré vers l'étu » de des Lettres par une fenfibilité na turelle, qui feule peut donner quel» qe prix à fes foibles ouvrages; con» tent de remplir fes momens par un » travail qui plaife à fon ame n'aura » pour ce qu'on appelle la gloire qu'un defir modéré qui n'altérera jamais fa » tranquillité; &, tandis que fes enne» mis s'agiteront pour lui nuire, il vivra dans le repos. » Voilà, fans contredit, un beau projet, bien raifonnable, bien fage, bien philofophique! Mais M. de la Harpe a tort de s'imaginer que, tandis qu'il vivra dans le repos, on foit affez dupe de fe remuer, de s'agiter, de fe tourmenter, afin de lui nuire, comme s'il ne fe fuffifoit pas pour cela. J'ofe l'affûrer qu'on fera tout auffi tran quille qu'il pourra l'être. On jugera fes ouvrages avec impartialité; on fupportera ceux qui ne feront que médiocres, comme Warwick; on fifflera ceux qui seront ennuyeux comme Timoléon. On rira de fon ton décifif, de fon dédain pour des gens qui valent mieux que lui; mais tout cela fans humeur, fans im

portance, fans agitation. Il finira par être oublié, comme tant d'autres qui croyoient bonnement qu'on s'agitoit pour leur nuire.

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Je ne vous parle point, Monfieur du ftyle de ces Réfléxions. C'eft une) froide fingerie de celui de M. de Voltaire; M. de de la Harpe s'attache à faifir la manière de cet écrivain célè-" bre, comme Campiftron fe modéloit fur Racine; avec cette différence que Campiftron, quelque confidérable que foit l'intervalle qui le fépare de Racine, en eft moins éloigné que M. de la Harpe ne l'eft de M. de Voltaire. Cependant (il faut être jufte ) je trouve que M. de la Harpe n'aitrappe pas mal l'orthographe du grand maître qu'il s'efforce

d'imiter.

Lettre d'un Avocat au Parlement de Pa ris, à M. Fréron.

On n'a pas été peu furpris, Monfieur, du confeil que vous donnez à M. de la Harpe de fe faire Avocat, après avoir démontré que fa Tragédie de Timoléon ne vaut rien. Quelle idée vous faites vous donc de notre profeffion, Monfieur?

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