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de 80 ans, ce n'eft pas mal fauter. Ils lui attribuent en conféquence tous les ravages que des Loups Cerviers ont faits dans différentes Provinces du Royaume en différens temps depuis 60 ans. Son agilité furprenante leur paroît hors des règles de la nature; elle eft telle que j'ai mefuré des efpaces de 10 ou 12 pieds entre les traces. Ces bonnes gens penfent qu'il eft inutile de chaffer cet animal, & impoffible de le tuer. Ils ont abfolument renoncé aux armes à feu

& leur feule défense confifte en des bâtons ferrés ou des inftrumens nommés Paradou qu'on emploie à faire des fabots. Ce préjugé vient, dit-on, de coûter la vie il y a 4 ou 5 jours à un jeune homme de 25 ans, dont il ne m'a pas été poffible de vérifier l'hiftoire ; j'en étois d'autant plus curieux que ce feroit le premier homme que la bête cut dé

varé.

La hardieffe & la timidité de cet animal, fon inclination pour les femmes & les filles, le génie qu'elle fair paroître dans fa façon de chaffer, fon efpèce & fon apparition dans le Gévaudan, pourroient donner lieu à un long Mémoire. Je me contenterai de hazar

der quelques conjectures qui pourront au défaut de preuves, fervir à former fur cet animal cruel un fyftême affez raifonnable.

La terreur du Comte de*** qui fe vit attaqué après avoir tiré trois coups de fufil; celle d'un homme qui eft mort en frénéfie; l'aventure du païfan qui faillit à être dévoré au milieu de cinq de fes camarades; cette fille du Gévaudan qui eut le courage de porter fur la bête de hache ce font là des

trois coups

preuves inconteftables que cet animal a des momens d'intrépidité. D'un autre côté, ses fuites fréquentes occafionnées par les menaces d'enfans armés de fimples baguettes; l'hiftoire de cette fervante qui avec un petit bâton fe défendit un quart-d'heure & ne fut pas approchée; les fecours fréquens que les boeufs ont portés à ceux qui les doient; l'effet des cris qui prefque toujours ont fuffi pour lai faire quitter fa proie tout cela ne démontre-t-il une grande timidité? Seroit-ce la faim plus ou moins forte qui doit fixer notre façon de penfer à cet égard?

gar

pas

Quant à fa prédilection pour le

fexe féminin, il eft certain qu'il y a des animaux qui, par un fentiment qui leur eft propre, diftinguent les femmes des hommes * ; mais ce fentiment ne tend pas à leur destruction. Les Voyageurs & les Naturaliftes ne difent pas que les femmes foient choifies de préférence par les bêtes féroces d'Afrique & d'Afie. On nous repréfente ces animaux dévorant indiftinctement tout ce qu'ils rencontrent quand ils chaffent. L'Hyane du Gévaudan ( car tout me porte à croire que c'en eft une ) auroitelle un fentiment plus particulier? Seroit-ce dans le goût qu'il faudroit le chercher? Trouveroit-elle réellement la chair des femmes plus délicate que celle "des hommes? Les tetons font la partie du corps qu'elle fe plaît le plus à dévorer, aprés qu'elle a entièrement fucé tout le fang. La dernière femme qui a été fa victime a été trouvée fans gor

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L'ours, le finge, l'âne & le mulet font doués de ce privilège: les deux premiers fur-tout donnent les preuves les moins équivoques de ce enti ment. Les chiens, quoique leurs procédés foient moins fortement exprimés, ne laiffent sependant aucun doute là-deffus,

ge & fans foie; on jugeoit facilement l'inspection du cadavre que le fang avoit été fucé jufqu'à la dernière goutte. Cet attrait pour le fang eft fi fort qu'en revenant fur le cadavre, l'animal lèche la terre impregnée de fang. Pourroit-on dire qu'il a reçu de la nature affez de fagacité pour diftinguer qu'en attaquant les femmes, il attaque le fèxe le plus foible? Je vous préfente ces deux opinions comme très-probables l'une & l'autre; la dernière fur-tout fembleroit naître de fa façon de chaffer.

Les bois ne fervent d'afyle à cette bête que quand elle eft pourfuivie : elle fe tient ordinairement fur les hauteurs, d'où, avec des yeux qu'on juge très - perçans, elle parcourt l'horifon pour découvrir fa proie; cette manière eft certaine. Ce ne font jamais les Ber gers qu'elle guette; ce font toujours les filles ou les femmes qui gardent le gros bétail. Dès qu'elles ont été apperçues, fes premiers mouvemens font très rapides. Elle s'arrête à quelque diftance, fe couche fur le ventre, & rampe en fe couvrant de tout ce qui

peut l'empêcher d'être vue Dans cet état, on ne l'a pas jugée plus groffe qu'un très-grand Renard. A une ou deux toifes, elle s'élance fur le cou où fur les reins. Dans les premiers cas, la tête eft féparée du corps en un clin d'œil, dans le fecond, l'embarras. 'des habits & les efforts naturels qu'on fait pour fe défendre, ont très-fouvent donné lieu au fecours. C'eftainfi que viennent d'être fauvés deux enfans. Leur père, qui coupoit des. genets à très-peu de diftance, accourut aux premiers cris, & la hache à la main fondit fur la bête qui lâcha prife. Ces enfans accrochés aux jambes de leur père qu'ils ferroient de toutes leurs forces en jettant des cris affreux, caufoient fon plus grand embarras. Cet homme, la hache levée, fuivoit des yeux l'animal qui rugiffoit en bondiffant; fes bœufs qui accoururent à ce Tugiffement le mirent en fuite. Uné: petite fille fut moins heureuse; cerévènement eft le plus récent & trèsfür. Elle ramalloit des herbes dans un petit jardin enclos de murs, à une toife de la maifon paternelle, avec une

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