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de douleur que lui caufe une fépara tion qu'elle croit éternelle ; elle eft inftruite par Henriette de quelques particularités qui éclairent le Lecteur fur l'origine des aventures racontées dans ces Lettres. Le Comte d'Offémond originaire d'Irlande, y avoit été élevé; il perdit fon père & fa mère à l'âge de quinze ans, un de fes oncles veuf, qui n'avoit point d'enfans, & qui occupoit la première place dans le Ministère, l'avoit fait venir à la Cour. Le Duc d'Ormond avoit une fille charmante. Cette fille & le Comte d'Offémond s'aimèrent. Une haine fecrette divifoit les deux familles, & mettoit un obftacle infurmontable au bonheur des deux amans. Le frère de la jeune perfonne, loin de partager l'inimitié de fa Maifon pour celle du Ministre aimoit Mylord d'Offémond autant qu'il en étoit aimé; confident de fes feux ? il mit tout en ufage pour rendre fon pére favorable à fon ami. Le Duc d'Ormond fut infléxible, &, pour ne pas céder tôt ou tard au Miniitre, il fir demander fa fille par le Roi, le Roi, pour le Duc d'Herford, dont en effet elle reçut la main. Henriette nâquit de ce ma

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riage. Mylady d'Herford fe vit bientôt en proye aux tranfports les plus cruels de la jaloufie; fon mari fçavoit qu'eile avoit eu le cœur fenfible pour d'Offemond. Elle perdit fon père, & Mylord d'Offémond perdit fon oncle; le neveu eur un des premiers Gouvernemens d'Irlande; deux ans après il fe rendit aux perfécutions de fes amis, à celles fur-tout de Mylady d'Herford qui ne ceffoit de le prier de fe marier; il époufa une femme qu'il eftimoit; car il ne lui étoit plus poffible d'aimer. Une confpiration Le découvre en Irlande; le nom du Comte fe trouve à la tête de ceux des rebelles; il est transféré à Londres, & prêt à perdre la vie fur l'échaffaut. La mère & l'oncle de Henriette le font fauver la veille du jour marqué pour fon fupplice; le vaiffeau fur lequel on le fit embarquer, périt fur les côtes de l'Amérique.

Sir Thomlay, homme fans naiffance, avoit épouféune fille d'extraction noble, mais pauvre. Elle n'avoit vêcu que huit ans avec lui; veuve à 24, belle & fpirituelle, Mylord d'Offémond, père du Comte, dont on vient de parler, en étoit devenu amoureux & l'avoit épou

fée. Veuve une feconde fois, elle avoit employé avec tant de fuccès fes amis & fes protecteurs que fon fils du premier lit étoit parvenu à la plus grande fortune; mais l'avantage que donnoit au malheureux Comte d'Offémond fon frère d'un fecond lit, le fang illuftre dont il fortoit, fut pour Thomlay un objet d'envie & de haine. On foupçonna même qu'il avoit contribué à la perte du Comte. Il follicita la confifcation de fes biens, & en dépouilla fa malheureufe belle-four, femme du Comte. Celle-ci mit au monde un fils qui luimême auroit perdu la vic, fans un payfan chez lequel elle s'étoit réfugiée. Mylady d'Herford & fon frère s'intéreffoient au fort de Mylady d'Offémond; le frère fe rendit en Irlande, découvrit la chaumière qui fervoit d'afyle au jeune d'Offémond, revint en Angleterre, &, à la prière de fa fœur, conduifit cet enfant dans une terre qu'elle avoit au pays de Cornouailles, où elle le fit élever avec tant de fecret fous un nom fuppofé, que, tant qu'elle vêcut, Mylord d'Herford ne fçut jamais que le jeune d'Offemond y fût retiré. Sir Thomlay

fâché qu'une généreufe compaffion dérobât à fa fureur une nouvelle victime, fit fi bien par les fourdes pratiques que l'attachement de Mylord d'Ormond ce frère généreux de Mylady d'Herford, au fang des d'Offémond, le rendit fufpect au Gouvernement. Le crédit de Mylord d'Herford, moins que fa haine connue pour ce fang malheureux, fauva la mère de Henriette du danger de ce foupçon; mais elle crut devoir en redouter les fuites pour fon frère, & le conjura de les prévenir; il prit le parti de fe retirer en France.

C'étoit le fils de ce cruel Thomlay qu'on defincit pour époux à Henriette. Ce fils n'avoit pas une ame plus élevée que celle de fon père. Libre par la mort de ce dernier & poffeffeur de biens immenfes, il laiffoit languir fon coufin le jeune d'Offémond dans un état de pauvreté que des foins étrangers foulageoient.

Au bout de fept à huit ans, Mylord d'Ormond fe vit le maître de retourner fans rifque à Londres; il fe difpofoit à partir lorfqu'une très-belle perfonne eut, par l'amour qu'elle lui infpira, le pouvoir de l'arrêter à Paris. Henriette avoit été

envoyée de bonne heure en France pour y être élevée dans la Religion Catholique, qui étoit celle de fa mère. Il y avoit encore une autre raifon de cette féparation. Une Madame Hervins tenoit dans la maifon de Mylord d'Herford, fous les yeux de fa femme, la conduite la plus indécente; la mère avoit craint pour fa fille l'impreffion d'un exemple fi dangereux.

Détails fur Madame Hervins. C'étoit le fruit des amours d'un Comédien & d'une Comédienne de campagne. Elle avoit joué fur le Théâtre de Londres; fes mœurs avoient été celles de la plûpart de ces créatures. Un Marchand de Londres, à qui elle avoit fait tourner la tête, l'avoit prife pour femme. Ce mariage entraîna la ruine entière du Marchand; la belle-mère difparut avec les diamans de fa fille. Ce vol, qui fe trouva très-considérable, accéléra la perte du gendre qui fit banqueroute, & fut obligé de quitter Londres. Ce fut dans ces circonstances que commença la liaifon de cette femme avec le père de Henriette. Mylord d'Herford pria fa femme de donner un afyle chez elle à cette Madame Hervins. Elle eut deux

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