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au naturel, & que fon ame, cette ame fi belle, fi honnête & fi fimple, fe montre fans voile & fans impofture dans ce commerce libre de l'amitié. Je ne ferai, Monfieur, que parcourir ce Recueil, & mettre fous vos yeux les traits qui me paroîtront les plus piquants.

M. de Voltaire écrit à M. ** » Mon ami Tiriot s'eft fait peindre » avec la Henriade à la main; fi j'ai » une copie de ce portrait, j'aurai ma » maîtreffe & mon ami dans un cadre.,, M. Tiriot eft digne fans doute d'être l'ami de M. de Voltaire ; pour la maîtreffe, je ne fçais fi elle mérite fon attachement; elle eft bien froide, bien maigre & bien décharnée.

C'eft quelque chofe d'amusant que les inquiétudes de M. de Voltaire fur fa Comédie de L'Enfant Prodigue, dont il ne vouloit pas qu'on le crût l'auteur. A l'égard de L'Enfant Pro

digue, il faut, mon cher ami, fous tenir en face à tout le monde que je n'en fuis point l'auteur, Mandez» moi ce que vous en penfez, & recueillez les jugemens des connoiffeurs..... Je compte entièrement fur

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» votre amitié & fur toutes les vertus » fans lefquelles l'amitié eft un être de raifon; je me fie à vous fans réfer» ve. Premièrement, il faut que le fe>»cret foit toujours gardé sur L'Enfant Prodigue. Il n'eft point joué comme je l'ai compofé; il s'en faut beau» coup. Je vous enverrai l'original; » vous le ferez imprimer; vous ferez " marché avec Prault dans le temps. » Mais fur tout que l'ouvrage ne passe point pour être de moi; j'ai mes raifons. Vous pouvez affûrer Mrs de la Roque & Prévoft ** que je n'en fuis point l'auteur; engagez les à le pu »blier dans leurs ouvrages périodi »ques, en cas que cela foit néceffaire; » vous ne fçauriez me rendre un plus grand fervice que de dérouter les » foupçons du Public; je veux vous » devoir tout le plaifir de l'incognito & » tout le fuccès du Théâtre & de l'impreffion...... Si par malheur le fecret de l'Enfant Prodigue avoit tranfpiré, jurez toujours que ce n'eft pas moi; *Libraire Quai de Conti.

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** M. de la Roque alors auteur du Mercure de France; M. l'Abbé Prévost auteur du Pour & Contre,

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mentir pour fon ami eft le premier de» voir de l'amitié; fur-tout la Roque » & Prévost, & récriez-vous fur l'injuftice des foupçons....... Faites vite » un bon marché avec Prault, &, s'il » ne veut pas donner ce qui convient, » faites affaire avec un autre. Vous aurez inceffamment L'Enfant & la » Préface. Mes complimens aux Ti» riots & aux Rameaux. Songez fur tout qu'il n'eft pas vrai que j'aie fait L'En fant Prodigue. Adieu, mon cher » ami. Comment va L'Enfant? Adieu.» M. de Voltaire revient fans cefle à ce cher Enfant. Je fais partir par cet or. » dinaire la Pièce & la Préface pour » être imprimées par le Libraire qui en offrira davantage; car je ne veux faire plaifir à aucun de ces Meffieurs qui » font, comme les Comédiens, créés » par les auteurs, & très-ingrats en » vers leurs créateurs. » M. de Voltaire a tenu parole; il n'a fait aucune grace aux Libraires ni aux Comédiens. Mais comment concilier l'efpèce d'avidité qu'il témoigne ici & l'affûrance avec laquelle il a vingt fois écrit qu'il n'avoit jamais rien retiré de fes ouvrages. Je fuis bien borné, Monfieur. Cette

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petite contradiction s'explique aifément par l'admirable principe de morale que vous venez de lire : Mentir pour fon ami eft le premier devoir de l'amitié ; or perfonne n'eft plus ami de M. de Voltaire que M. de Voltaire lui-même; tirez la conféquence. Paffons à d'autres objets. » Je vous prie d'aller voir les » Jéfuites, le Père Brumoi fur-tout; il » vous recevra bien, & comme vous le » méritez. Affûrez-le de mon estime, de mon amitié & de ma reconnoif» fance; il me paroît un homme d'un grand mérite..... Affûrez fur-tout les "Jéfuites d'une vérité qu'ils doivent » fçavoir, c'eft qu'il n'eft pas dans ma » manière d'être, d'oublier mes maîtres » & ceux qui m'ont élevé. »

» Mandez-moi fi l'excellent Livre » (Vénus Phyfique) de M. de Mauper » tuis fait le fracas qu'il doit faire ; vo»tre peuple frivole en eft très indi"gne.» M. de Voltaire s'étant brouillé depuis avec M. de Maupertuis a trouvé cet excellent Livre déteftable.

La modeftie de M. de Voltaire éclate dans ce paffage. Il faut faire imprimer » la Lettre du Signor Antonio Coc

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chi; elle eft pleine de chofes inf»tructives. Il faudra feulement échan» crer les louanges dont il m'affuble; il commence par crier à la première phrafe, il n'y a rien de plus beau que la Henriade: adouciffons ce terme ; » mettons, il y a peu d'ouvrages plus beaux que la Henriade. »

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M. de Voltaire, dans plufieurs de ces Lettres Secrettes, vomit des flots d'injures contre le grand Poëte Rouffeau, l'Abbé Desfontaines, & M. de SaintHyacinthe auteur du fameux Chef d'œu vre d'un Inconnu. L'afyle même du Tombeau ne les a pas mis à couvert de fon déchaînement; cette belle haine, plus implacable & plus longue que la colère d'Achille, fubfifte depuis cinquan te ans environ. Vous ferez peut-être bien aife, Monfieur, de fçavoir en peu de mots la véritable origine de ces vio lentes inimitiés; je fuis en état de vous fatisfaire.

Au mois d'Août 1710 des Dames de

* C'est une Lettre de M. Cocchi de Pife qu'on foupçonne qu'il n'a jamais écrite, parce que ce n'eft autre chofe qu'un éloge pompeux de la. Henriade.

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