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CHAPITRE VIII.

Des Crapauds, des Couleuvres, des Vipères et des Lézards.

E

Je n'ai entendu coasser qu'une seule grenouille d'Espagne, sur un petit étang qui se trouve dans la ville même de l'Assomption, ce qui me fait soupçonner qu'on n'en trouve pas ailleurs dans le pays. En général, on n'y distingue pas les grenouilles des crapauds; et c'est le dernier de ces noms qu'on applique à tous les animaux de cette famille. Au Chaco, il y a quelques crapauds, qui peuvent peser plusieurs livres; et il y en a d'autres trèsgrands, que l'on voit sauter dans tous les terrains bas, quand il y a de l'humidité. Ils ne sont ni trop lourds ni trop ventrus, et l'on dirait qu'ils ont des oreilles droites comme des cornes. On en trouve quelquefois de taille médiocre, sous des troncs d'arbres, et l'on dit qu'ils sont venimeux, au point de faire périr les chiens qui les mordent. Dans tous les lacs. et dans tous les endroits inondés, on entend

fréquemment un cri fort et lamentable, que l'on pourrait confondre avec les cris d'un enfant du plus bas âge. Ce cri vient d'un petit crapaud qui n'a pas plus d'un pouce de long. Un autre, qui est blanchâtre, grand comme la grenouille d'Espagne, et qui saute peut-être avec encore plus de légèreté, ne se trouve jamais, ni dans l'eau, ni sur la terre, mais seulement sur les branches des arbres, dans l'intérieur des feuilles de maïs, parmi la paille dont on couvre les maisons à la campagne, ou sous les tuiles. Il monte avec facilité, soit en sautant, soit en s'accrochant à l'écorce des arbres ou aux irrégularités saillantes des murs'. Son cri, qui n'est pas désagréable, se réduit à une syllabe un peu différente pour le mâle et pour la femelle, qui se répondent l'un à l'autre : on ne l'entend que lorsqu'il doit pleuvoir.

Au Paraguay, on donne généralement le nom de Boy à toute espèce de vipère ou de couleuvre, et on distingue chacune par des

C'est sans doute une rainette. Ces reptiles se distinguent des grenouilles et des crapauds par les pelottes lenticulaires qui sont à l'extrémité de leurs doigts, et à l'aide desquelles elles peuvent se coller sur des corps lisses. (C. A. W. )

noms que je conserverai. Quoique je ne les connaisse pas toutes, je ne laisserai pas d'en nommer un grand nombre. On sait que ces reptiles sont fort sensibles au froid, qui les engourdit totalement; mais lorsque le vent du nord (vent chaud dans ce pays-là) produit un tems lourd, ils sont légers, dispos, et plus dangereux que jamais. Aucun d'eux ne monte sur les arbres, excepté le curiyú, qui ne passe pas les branches les plus basses; et jamais je n'en ai trouvé dans l'intérieur des bois. Ils vivent ordinairement dans les plaines, dont ils préfèrent les endroits les plus bas, parce qu'ils y trouvent de l'herbe assez haute pour les cacher, et des apereás et des souris à foison pour leur nourriture. Je crois cependant que tous ces reptiles sont amphibies et bons nageurs. Ils marchent, en formant avec leurs corps des replis toujours horizontaux, et en s'appuyant sur leurs écailles latérales, qu'ils relèvent. Ils mangent des œufs, des oiseaux, des souris, des apereás, des crapauds, des grenouilles, des poissons, des grillons et autres insectes, et même ils se dévorent les uns les autres. Pour saisir leur proie, ils n'emploient d'autre moyen que l'adresse et la surprise. Ils s'en approchent petit-à-petit, parce

qu'ils ne sautent jamais ; et si elle est de force à se défendre, ils se roulent autour, et la serrent, jusqu'à ce qu'elle soit fatiguée. Si cette proie est un animal à poil, ils l'avalent, en commençant par la tête, pour que l'introduction en soit plus facile. Il n'y a peut-être pas au monde d'animal qui ait autant d'ennemis que les couleuvres et les vipères de ces contrées, puisqu'elles sont poursuivies sans relâche par toutes les espèces d'aigles, de milans, de faucons, de cygognes, de hérons, par les iguanes, par l'homme, par les incendies si fréquens dans ces plaines, et par les individus de la même famille qui se dévorent les uns les autres; de sorte que leur mortalité journalière est plus considérable que je n'oserais le dire. Pour se défendre, ces animaux n'ont à peine d'autre ressource que de mordre, ou de se cacher dans des trous de souris ou de tatous, ou bien dans les paconales, ou pâturages où l'herbe est grande. Il ne faut pas beaucoup de tems aux cygognes et aux hérons pour prendre ces reptiles, parce que la longueur de leur bec et de leur cou leur donne tout l'avantage. Aussi les prennent-ils du premier coup, en les saisissant près de la tête qu'ils serrent un peu pour les

tuer, et ces oiseaux les avalent dans un instant. Mais les aigles et les autres oiseaux de proie qui ne chassent que pendant le jour, sont obligés de se battre dans les règles. Pour approcher des couleuvres ou des vipères, ces oiseaux se présentent de côté, en se faisant un bouclier d'une de leurs ailes, qu'ils déploient à moitié, et qu'ils laissent tomber jusqu'à terre. Ils tâchent en même tems de piquer le reptile à la tête, et c'est ainsi qu'ils les tuent, et qu'ils les mangent, après les avoir dépecés.

Quoique les couleuvres et les vipères aient la même figure, et que tout ce que je viens de dire leur convienne également, ces animaux diffèrent cependant, principalement en ce que les couleuvres ne mordent point ou en ce que leurs morsures ne produisent d'autres effets que ceux qui résulteraient d'une blessure ordinaire; tandis que toutes les vipères ont un venin plus ou moins actif, le plus souvent mortel, et qui quelquefois même produit son effet au bout de quelques heures. Il y a des personnes qui disent que toutes les vipères sont vivipares, et que leurs petits, qui sont au nombre de quarante ou de soixante, sont en état de subsister seuls en venant au monde, et que les couleuvres. 1. a. 15

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